FERRIER Louis, Jean, Marie, dit Charles Loufer

Par P. Broué

Né et mort à Grenoble (Isère) : 7 décembre 1900-17 avril 1930. Employé municipal de la CGT, de la CGTU et du Parti communiste.

Il était le fils d’une ouvrière gantière et du serrurier Louis Ferrier, dirigeant de l’Union des syndicats ouvriers de l’Isère, militant du Parti socialiste, conseiller municipal de Grenoble de 1919 à 1925.

Engagé volontaire en 1918, L. Ferrier entra à sa démobilisation comme employé à la mairie de Grenoble, au service de l’état civil. En quelques mois, il apparut comme l’un des éléments les plus actifs du noyau révolutionnaire qui se constituait dans l’Isère. Représentant du syndicat des municipaux, il fut élu le 6 juillet 1919, secrétaire fédéral adjoint de l’Union départementale de la CGT, aux côtés d’Antoine Montmayeur qui remplaçait Pierre Berthet. Il était membre du Parti socialiste et prit contact avec Raymond Lefebvre*, à l’époque en cure à Allevard. Il fut à Grenoble l’un des fondateurs de l’ARAC et du comité pour la IIIe Internationale dont l’UD de la CGT devint sous son impulsion une active propagandiste. Élu en 1919 à la commission exécutive de la Fédération socialiste de l’Isère, il fut l’un des signataires pour le département de la motion Cachin*-Frossard* pour l’adhésion à la IIIe Internationale.

Après le congrès de Tours, il abandonna ses responsabilités syndicales pour se consacrer entièrement à la construction dans l’Isère du Parti communiste dont il fut, en dépit de son jeune âge, l’un des principaux animateurs. En 1922, il était membre du comité directeur départemental et de la commission exécutive, devint, en mai, vice-président du comité de soutien de la candidature de François Dognin aux élections cantonales, membre du comité de rédaction du Travailleur de Savoie et de l’Isère, et correspondant local de l’Humanité. La même année, influencé, semble-t-il, par les thèses « gauchistes » développées à cette époque par le Parti suisse, il présenta au congrès fédéral de Voiron, en septembre, une motion qui se prononçait contre la participation du Parti aux élections, et qui fut repoussée par 55 voix contre 20 pour et 11 abstentions. Mais il soutint contre la « droite » — incarnée selon lui dans le département par le Dr Ricard — les positions défendues par la direction de l’Internationale dont Guibbert était le porte-parole dans le département. C’est lui qui fut à l’origine de l’exclusion de Ricard. Il fut secrétaire adjoint, aux côtés de Guibbert, qui avait remplacé Raffin-Dugens au secrétariat fédéral. En 1923, il fut l’un des fondateurs du comité d’action contre l’impérialisme et la guerre, fondé en janvier, lors de l’occupation de la Ruhr, et, en qualité de dirigeant local de l’ARAC, conduisit dans la rue la manifestation du 11 novembre 1923. C’est dans le cours de cette année qu’il remplaça Guibbert au secrétariat fédéral, assurant simultanément la responsabilité de la direction des Jeunesses communistes. En 1924, il défendit une fois de plus la politique de refus de participation aux élections et accusa la direction du Parti communiste d’« étouffer la discussion ». En 1925, il céda le secrétariat fédéral à Charles Martel*, mais fut désigné comme secrétaire du comité de ville de Grenoble et la police continua à le considérer comme le principal animateur du PC dans la région. Il présida la commission d’organisation de la campagne électorale pour les municipales et déclara au cours d’une réunion publique qu’il appellerait à voter au second tour, en cas de ballottage, pour la liste socialiste conduite par Paul Mistral. Nous ignorons les raisons précises qui le firent relever de toutes ses fonctions dans le Parti pour trois mois, lors d’une conférence régionale du Parti, tenue le 2 août 1925, une décision qui ne devait d’ailleurs être rendue publique qu’au mois d’octobre suivant lorsque, après la réunion d’une commission d’enquête, il fut écarté de tout poste responsable pour un an. Certains de ses anciens camarades assurent qu’il était devenu éthéromane et que cela comportait des risques aux yeux des dirigeants du Parti.

Il continua encore à militer cependant, devenant secrétaire départemental du Secours rouge : il ne fut pas élu par son congrès le 8 novembre 1925, mais reprit ces fonctions, « à titre provisoire » à dater du 15 décembre suivant. Au début de 1926, il était toujours membre du Parti communiste mais allait cesser rapidement toute activité. Il ne nous a pas été possible de retrouver trace de son exclusion qui aurait été prononcée, dans ces années, selon certains de ses contemporains. En tout cas, c’était un homme gravement diminué sur le plan physique qui mourut à moins de trente ans.

Représentatif de la génération du Feu, jeune homme, ancien combattant et syndicaliste à la fois, Louis Ferrier a joué un rôle considérable dans la fondation du PC et laissé le souvenir d’une personnalité vigoureuse, au dévouement indiscutable, un « homme de parti ».

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article113177, notice FERRIER Louis, Jean, Marie, dit Charles Loufer par P. Broué, version mise en ligne le 24 novembre 2010, dernière modification le 24 novembre 2010.

Par P. Broué

SOURCES : Arch. Nat. F7/13091, rapport du 5 juillet 1920. — Arch. Dép. Isère, 8 M 45 bis, 10 M 31, 16 M 304, 54 M 24, 55 M 3, 77 M 1. — IMTh., bobine 120 (Jacques Girault). — Le Travailleur de l’Isère, 1921-1922. — Le Travailleur des Savoies et de l’Isère, 1922-1925. — G. Bouchet, Le PC dans l’Isère 1923-1925, TER Grenoble, 1972. — Éliane Juquel, Biographies de Militants, TER Grenoble, 1971. — Geneviève Teyssère, Aux origines du PC dans l’Isère TER Grenoble, 1973.

rebonds ?
Les rebonds proposent trois biographies choisies aléatoirement en fonction de similarités thématiques (dictionnaires), chronologiques (périodes), géographiques (département) et socioprofessionnelles.
Version imprimable