FIORINI Thérèse [née GIOVANETTI Marie-Thérèse, dite]

Par Antoine Olivesi, Marie Barak

Née le 11 février 1902 à Marseille (Bouches-du-Rhône), morte le 7 mars 1995 ; institutrice ; militante communiste de Marseille.

Marie-Thérèse Giovanetti naquit à Marseille de parents corses ; sa mère, Joséphine Poggi, était couturière, son père, François Giovanetti, ouvrier imprimeur, puis l’imprimerie ayant fait faillite, grutier sur le port de Marseille.

En 1918, à seize ans, Thérèse (sa famille et ses amis l’appelaient ainsi) entra à l’École Normale d’institutrices d’Aix-en-Provence. Elle était la plus jeune de la promotion ; elle survécut à la terrible grippe espagnole et à une primo-infection pulmonaire, mais tenace, elle parvint à poursuivre ses études malgré plus d’un trimestre d’absence et la réticence de l’ENS. Elle milita aux Jeunesses socialistes (SFIO), adhéra au parti communiste dès sa fondation en 1920. Elle passa le brevet d’infirmière de guerre, obtint son premier poste d’institutrice à l’Estaque.

En novembre 1927 elle donna naissance à une fille, Stéphanette. "Fille-mère" et militante, c’était à l’époque un double stigmate ; l’inspecteur l’enjoignit d‘abandonner l’enfant selon son témoignage. Devant son refus, il finit par dire : « Je vais vous muter à Cadenet (Vaucluse), c’est la seule commune rouge, où vous n’aurez pas d’histoire ».

Elle milita avec les paysans et les ouvriers et artisans du Vaucluse. Quand elle organisa une grève des vanniers, l’inspecteur voulut la muter mais elle résista.
Dans les années 1930, elle mit en pratique les méthodes pédagogiques de Célestin Freinet ; quand elle fut directrice, selon la mémoire familiale, elle prit dans sa classe tous les élèves considérés comme irrécupérables par les enseignants et les mena au certificat d’études.

Dans son entretien avec enregistré par Marie Barak, elle déclara sans donner de date (mais avant son mariage avec Élie en 1932) "Le parti communiste donne pour mission à Élie Fiorini, qui est membre du bureau régional, d’exclure Thérèse."
« C’était l’époque où le parti parlait de rationalisation et de radicalisation des masses. Le camarade Denantes du Vaucluse a mis les dirigeants à la porte en les traitant de cons, on l’a exclu : Les cellules ont foutu le camp ; Ils ont exclu Ayme Henri Ayme, un dentiste de Pertuis parce qu’il n’avait pas fermé son cabinet le 1er mai. Il y a eu une assemblée générale pour décider de son exclusion aux voix. Le seul qui a voté pour était un cheminot qui n’était pas de Pertuis. Le lendemain dans Rouge-Midi, on écrivait qu’il avait été exclu à l’unanimité. »
Thérèse dit à Élie – « vas-y mais je te dis qu’il y en a qui ont décidé de liquider le parti. » Au bureau régional, ils ont dit à Élie – Elle t’a embobinée. Il répond – Non, j’ai consigné ce qu’elle m’a dit. Elle ne vous a pas traité de cons. Il leur a foutu l’Internationale au milieu. Y avait que la Russie à l’époque, aux paysans on parlait que de la Russie. Le neveu de Raymonde leur a dit – nous ne sommes pas en URSS, nous voulons savoir ce que les paysans doivent faire ici. Le problème, c’est qu’il y a trop de ouiisme, de sectarisme. Je leur pose la question – demain vous prenez le pouvoir, qu’est-ce que vous allez faire ? Il ne faut pas mentir aux gens, il faut gagner les autres, ne dites pas que les socialistes sont tous pourris. » Témoignage de Thérèse de décembre 1989

Elle se maria en 1932 avec Élie Fiorini, instituteur et militant communiste. Curieusement, elle dira à la fin de sa vie que c’était "sur injonction du PCF".

De retour à Marseille, elle effectua clandestinement la liaison avec les marins vietnamiens du vieux quartier du port, milita aux "Amies de l‘Ouvrière” avec Agnès Dumay et au Club des marins de la rue Fauchier dirigé par Auguste Dumay. Les Fiorini hébergent des militants allemands qui ont fui l’Allemagne nazie. Avec des camarades arméniens, Thérèse et Elie reconstituèrent dans les quartiers nord le parti communiste, qui n’existe plus depuis 1924.
Le couple s’était mis au service de " l’Internationale", en fait essentiellement de l’International syndicale rouge (ISR). Elle disait sur ses vieux jours à sa petite-fille, "on était du Service spécial".

Très actifs dans la solidarité avec la République Espagnole pendant la guerre d’Espagne, Thérèse et Elie recueillirent, vers fin mai 1937, un puis deux des fils de Candido Busteros Orobengoa, dernier maire républicain de Portugalete. Début janvier 1939, ils accueillent aussi Aniceta, la femme de Candido, et leurs autres enfants, jusqu’au départ d’Aniceta, probablement au camp de Rivesaltes, où son mari était interné. Aujourd’hui encore la famille Busteros, émigrée au Mexique, garde au coeur le souvenir des Fiorini. Les Fiorini donnent aussi asile au Commandant Juan Modesto et à Genoveva, cuisinière du Comité central du parti communiste espagnol, avant leur départ en URSS.

Elle était, avant-guerre, membre du bureau du SNI des Bouches-du-Rhône.
En 1939, Élie fut envoyé en résidence surveillée à Boulbon (Bouches-du-Rhône). Thérèse exigea de le suivre, prenant un congé de maladie, et finit par obtenir d’être nommée à Mézoargues. À Boulbon, l’appartement de fonction était délabré et sans chauffage. Le médecin de Mézoargues, apprenant que Thérèse était infirmière de guerre, l’envoya un peu partout faire “des piqûres aux gosses, aux gens, aux bêtes”. Elie et Thérèse aidaient tous ceux qui en avaient besoin, ce qui valut à la famille de ne pas avoir faim (entre-temps Élie a été mis à la retraite pour éviter la révocation) : “Elle ne voulait pas de sous… alors on lui donnait des oeufs, ou des fruits… un peu de tout”.

Chargés par les FTPF du Vaucluse de former un maquis de repli, Elie et Thérèse récupèrent les armes parachutées par Londres, signèrent les cartes d’alimentation pour les résistants, leur fille adolescente, Stéphanette, était agent de liaison. Thérèse choisit Dolorès comme nom de guerre (de toute évidence inspirée par Dolorès Ibarruri, grande figure du Parti communiste espagnol).

À la Libération, de retour à Marseille et directrice d’école, elle enseigna à mi-temps, détachée auprès de l’Académie pour épurer les dossiers des enseignants, “enlever tout ce qui n’était pas professionnel”, nommée par le rectorat sur proposition du syndicat, Elle fut élue deux fois conseillère départementale de l’Enseignement primaire de la Fédération de l’Éducation Nationale.

Très actifs dans les comités de quartier, Thérèse et son mari furent à l’origine de la création de plusieurs écoles dans les quartiers Nord. Elle contribua à fonder la MGEN (1946), Mutuelle de l’Éducation nationale, fut membre de l’Union Nationale des Intellectuels, de l’Union des femmes françaises (UFF), des Amis de l’Instruction laïque (AIL), des Vaillants et Vaillantes (Union de la Jeunesse Républicaine de France).

Ses rapports avec la fédération communiste des Bouches-du-Rhône furent chaotiques. Elle ne resta pas membre du comité fédéral.

À Bouc Bel Air, le village où le couple Fiorini s’installa vers 1972, quand les habitants de la Bricarde (la campagne où ils ont vécu pendant de nombreuses années) furent expulsés. Elle s’occupa du Centre aéré, à 70 ans, apprenant encore aux enfants à nager. En 1977 elle reçut la Médaille de la Jeunesse et des sports pour son dévouement en dépit d’une maladie de plus en plus invalidante (maladie de Pagé).

Marie-Thérèse Fiorini, devenue veuve, vivait, en 1985, dans la commune de Bouc-Bel-Air, entre Aix et Marseille (Bouches-du-Rhône). Sollicitée pour répondre au questionnaire-Dictionnaire, elle a préféré ne pas évoquer sa vie militante « qui, écrivait-elle, n’appartient qu’à moi [...] Notre vie est entièrement mêlée à celle de notre parti ». Elle ne se confia qu’à sa petite-fille, Marie Barak.

L’écrivain Alfred Bizot décrivait ainsi les Fiorini : “D’une fidélité extraordinaire à leurs engagements, lui très dur, par contre Thérèse, beaucoup plus souple, et plus intellectuelle”. C’était une toute petite femme d’1m 46 au caractère bien trempé, un militante déterminée, une institutrice exceptionnelle selon les témoignages.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article113347, notice FIORINI Thérèse [née GIOVANETTI Marie-Thérèse, dite] par Antoine Olivesi, Marie Barak, version mise en ligne le 24 novembre 2010, dernière modification le 27 août 2022.

Par Antoine Olivesi, Marie Barak

SOURCES : Arch. Com. Marseille, série K I, listes électorales de 1947. — Conversation et correspondance avec la militante en 1983-1984. — Renseignements communiqués par Michel Barak, Pierre Emmanuelli*, Henri Peyrot et Marie Barak.— RGASPI, Moscou, pas de dossier à son nom, ni à celui de son mari, dans les Archives du Komintern.

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