FOCILLON Henri, Joseph

Par Justinien Raymond

Né le 7 septembre 1881 à Dijon (Côte-d’Or) ; mort le 3 mars 1943 à New Haven (USA) ; professeur et critique d’art ; militant socialiste à Chaumont (Haute-Marne).

Henri Focillon était le fils du graveur dijonnais Victor Focillon à qui il dut la vocation qui orienta sa vie. De brillantes études secondaires le conduisirent à l’École normale supérieure et alla enseigner au lycée de Chaumont comme professeur de rhétorique, du 1er novembre 1905 au 1er octobre 1906.

À son arrivée en Haute-Marne, il était déjà acquis au socialisme et, pour cette raison, se lia à son collègue, le poète Charles Gros qui devait mourir peu après et qu’il remplaça dans son rôle à la section socialiste de Chaumont dont il prit la direction intellectuelle. Le 4 mars 1906, alors qu’il la représentait au congrès de la fédération socialiste de la Haute-Marne, il fut nommé délégué titulaire au Conseil national. Le 4 juin suivant, avec Robinet, ex-candidat à la députation pour l’arrondissement de Langres, il représenta sa fédération au grand banquet socialiste organisé au Salon des Familles à Saint-Mandé où Vaillant, Sembat, Jaurès et Guesde définirent l’attitude du Parti socialiste à l’égard des radicaux. Focillon représenta encore la fédération de la Haute-Marne au Conseil national de la SFIO assemblé rue de Belleville à Paris en septembre 1906, pour fixer l’ordre du jour du congrès de Limoges. Le 7 octobre 1906, à Nogent-en-Bassigny, à l’issue du congrès fédéral socialiste, il présida une conférence du député Adrien Veber, ancien président du conseil général de la Seine.

Cependant, Focillon, ayant été reçu, en août 1906, à l’agrégation des lettres (3e sur 24), obtint fin octobre une bourse de voyage pour l’Italie qui devait lui permettre de poursuivre ses études sur l’antiquité romaine. Avant de quitter Chaumont, il donna, le 31 octobre 1906, sous les auspices de la fédération socialiste de la Haute-Marne, une conférence publique où il traita de « socialisme et liberté ». Il s’efforça de faire tomber l’objection faite au socialisme de ne laisser aucune place à la liberté humaine. Il critiqua vivement la motion votée à Amiens au congrès de la CGT et la volonté du syndicalisme d’ignorer le mouvement socialiste. Vivement attaqué pour cette conférence par le journal de droite Le Petit Champenois qui prétendit que Focillon avait fait appel au désordre et à la violence, il répondit de Paris qu’il avait exposé en toute bonne foi une certaine philosophie sociale à laquelle s’étaient ralliés beaucoup d’hommes de pensée.

Pendant son bref séjour à Chaumont, Focillon s’était aussi donné pour tâche l’éducation socialiste des travailleurs. Non seulement il allait leur parler dans les centres ouvriers du département, mais il fut l’animateur de l’Université populaire de Chaumont. Le 26 mars 1906, il lança dans la presse un appel en faveur de cet établissement « où des maîtres dévoués assureront à l’homme du peuple un enseignement supérieur, la diffusion claire, rapide et précise des connaissances réservées jusqu’alors arbitrairement à une classe, le luxe nécessaire de la science et de l’art. »

Focillon s’entoura d’un comité d’organisation composé surtout de syndicalistes et de socialistes, le charpentier Baubonne, la gantière Louise Bosc, l’avocat Bresson, le mégissier Garonnat, l’ébéniste Larcher, le professeur Louis Mann. Pour la remercier de son concours, il y appela deux membres de la municipalité. Les cours devaient, en effet, se tenir provisoirement dans la salle de la Justice de Paix, à l’Hôtel de Ville, le mardi à 8 h 30 du soir. Tous les ouvriers pouvaient y venir moyennant la cotisation de 0 f 25 par mois. La séance inaugurale fut un succès dû surtout à la personnalité d’Henri Focillon qui attira une foule considérable venue du milieu bourgeois aussi bien que du monde ouvrier, et qui traita du sujet « Qu’est-ce qu’une Université populaire ? » À plusieurs reprises, il parla du Manifeste de Karl Marx et du matérialisme historique. C’est lui enfin qui clôtura les cours de cette Université le mardi 26 juin 1906. Il remercia les travailleurs qui avaient eu le courage de prendre quelques heures sur leur repos, d’entendre exposer des idées souvent très abstraites, de s’imposer ainsi une fatigue supplémentaire. Il formula l’espoir d’un succès encore plus grand l’année suivante. Mais le départ d’H. Focillon entraîna la disparition de l’Université populaire.

Cependant, il devait reprendre la parole à Chaumont, vingt-huit ans après cette tentative, en 1934, après une carrière magistrale à Lyon, puis à Paris. L’inspecteur d’Académie de la Haute-Marne ayant organisé pour son personnel une sorte d’Université, pendant les vacances, il y appela Focillon qui avait acheté une maison de campagne à Maranville (Haute-Marne). Ce dernier reparut donc sur la scène à Chaumont, aux côtés d’autres conférenciers comme Paul Rivet*, Victor Basch*, Gaston Bachelard.

Chaumont ne devait plus ni le revoir ni l’entendre. Ne pouvant supporter ni la défaite de 1940 ni l’occupation allemande, il s’exila aux États-Unis où il mourut.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article113520, notice FOCILLON Henri, Joseph par Justinien Raymond, version mise en ligne le 24 novembre 2010, dernière modification le 9 novembre 2022.

Par Justinien Raymond

SOURCES : Arch. Dép. Haute Marne, 230 M 11-234 T 5. — Archives du lycée de Chaumont. — Le Petit Haut-Marnais, 13 février, 9, 26, 27 mars ; 8, 28 juin ; 5 septembre, 27, 31 octobre, 15 novembre 1906.

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