FOUILLAND Charles

Par Yves Lequin et Justinien Raymond

Né le 6 février 1858 à Jarnosse (Loire), mort le 25 février 1942 à Montluçon (Allier) ; ouvrier tisseur ; terrassier ; employé ; militant syndicaliste et socialiste de la Loire et de l’Allier.

Fouilland était le fils d’un républicain libre penseur qui s’efforça de lui inculquer ses convictions dès le plus jeune âge. Les nécessités de la vie l’avaient contraint à un travail précoce. Quand il devint tisseur à Roanne, à l’âge de treize ans, en 1871, il avait déjà été berger et domestique de ferme.

Il n’avait pas vingt ans qu’il participait, au premier rang, au mouvement ouvrier de la Loire. Dès 1876, il fut des fondateurs de la chambre syndicale des travailleurs réunis, qui groupait les tisserands de Roanne et qu’il dirigea jusqu’en 1891. En, 1879, avec la fédération collectiviste des travailleurs roannais, il créa l’un des premiers groupes socialistes du département. Membre du comité électoral de la candidature Blanqui, en 1879, il figura en 1880 parmi les 150 adhésions roannaises au programme collectiviste publié par l’Égalité. Pendant la longue grève du tissage roannais de 1882, il fut membre du comité et chargé des relations avec la presse.

Délégué la même année au congrès de Saint-Étienne, il suivit Guesde à Roanne pour participer à la fondation du Parti ouvrier français détaché de la Fédération des travailleurs socialistes de France, possibiliste. En 1884, il représenta les tisseurs roannais au congrès corporatif de Roubaix et au congrès du POF tenu dans la même ville. À son retour, il fut arrêté pour s’être livré à des voies de fait sur un agent de police au cours d’une bagarre survenue alors qu’il était encore dans le train. Il n’en fut pas moins condamné à seize mois de détention, qu’il fit à la prison Saint-Paul, de Lyon, et privé des droits civiques pour cinq ans.

Dans les batailles électorales que les socialistes livraient alors, sans espoir souvent, un militant incarcéré, victime de la répression bourgeoise, était un bon candidat ; de fait, Fouilland fut élu conseiller municipal de Roanne le 4 octobre 1884, mais aussitôt invalidé. Le POF le présenta vainement en 1885, dans le département du Nord. Il fut élu à nouveau, à Roanne, en 1888, et encore une fois, l’élection fut annulée ; enfin, un scrutin complémentaire en 1890 porta de 15 à 25 les membres socialistes du conseil : parmi eux, Fouilland, qui fut nommé adjoint au maire Augé. Ses nouvelles responsabilités politiques ne lui faisaient pas oublier l’action syndicale, et, en février 1891, il refusait d’associer le syndicat des tisseurs, dont il était toujours secrétaire général, aux demandes du patronat textile local, désireux d’une baisse des droits de douane sur les fils de coton.

Fouilland était alors l’un des leaders les plus actifs et les plus écoutés de la classe ouvrière et des socialistes roannais qui respectaient son intelligence et sa probité. En relations constantes avec Jules Guesde*, correspondant du Socialiste, de l’Action de Lyon, collaborateur du Réveil roannais que publiait Delmorès, il était, écrit le commissaire spécial en mai 1891 « l’âme de toute l’action socialiste » (rapport du 1er mai 1891, Arch. Dép. Loire 10 M. 96) à tel point que sa suspension, puis sa révocation pour ses propos et son action publics au 1er mai 1891, suivies de sa mise à l’index par les entreprises locales, les difficultés matérielles qui en résultèrent, créèrent momentanément de sérieux troubles dans le fonctionnement du POF roannais.

Obligé de devenir terrassier, il n’en continua pas moins son action, fut délégué au congrès socialiste international de Bruxelles en août 1891 et le principal artisan du projet de création d’une Bourse du Travail ; il fut réélu conseiller municipal en 1892 et subsista cependant difficilement en travaillant un instant comme manœuvre, aux travaux d’adduction d’eau.

En septembre 1894, il assista au VIe congrès national corporatif tenu à Nantes. Avec Lebourg et Passat, il y représentait l’Union des syndicats de Montluçon et, avec Debourgues et Sauvanet, le syndicat des bûcherons de l’Allier et divers autres syndicats. L’année suivante, son ami Jean Dormoy l’appelait au service de la voirie de Montluçon et à l’administration du nouveau journal socialiste Le Petit Montluçonnais. Assuré d’un gagne-pain qui garantissait sa pleine liberté de militant, il fut organisateur infatigable du socialisme et des syndicats régionaux. Président de la société de secours mutuels « la Solidarité montluçonnaise » à compter de 1896, secrétaire du POF et de l’Union locale des syndicats, il fut en 1900 le fondateur d’une Bourse du Travail dont il assuma le secrétariat jusqu’en 1906.

Son rôle dépassait de loin les horizons locaux ; il fut délégué aux congrès du POF en 1894, 1895, 1897, 1898, 1899, 1900 et 1902. Représentant des comités républicains socialistes de Cérilly et de La Chapelaude et du syndicat des employés de Montluçon, toutes organisations adhérentes du POF, au congrès général de la salle Japy, à Paris en décembre 1899, il s’éleva contre toute participation ministérielle au nom de la lutte des classes : « Le ministère n’est purement et simplement que le conseil d’administration de la société capitaliste (...) et vous voulez croire que ce conseil d’administration va introduire dans son sein un caissier qui a pour mandat de procéder à l’expropriation de la société bourgeoise ? (...) La bourgeoisie appellera un socialiste quand son intérêt de classe le commandera »... (compte rendu, p. 110). Secrétaire de la fédération du Centre du POF, il participa avec mandat de l’Allier au congrès de la salle Wagram, en 1900 et, en 1901, appartint à la commission mixte départementale d’arbitrage qui assura la fusion des éléments POF et PSR en une seule fédération socialiste révolutionnaire, puis devint en 1903 administrateur du journal socialiste Le Combat. Il avait par ailleurs dirigé, en septembre 1898, le dernier congrès, à Montluçon, de la Fédération nationale des syndicats.

À partir de 1906, il était trésorier de la fédération de l’Allier du parti socialiste SFIO, avant d’en devenir secrétaire en 1908, année où il reprit à la mairie un poste dont il avait été chassé par une municipalité modérée éphémère : pendant ces quatre années il avait repris la pioche de terrassier. Bien que fixé définitivement dans l’Allier, il était encore un orateur écouté dans la Loire, dont il représenta la fédération SFIO aux congrès nationaux de Lyon (1912), Brest (1913) et Amiens (1914) ; aux élections législatives de 1910, il avait été candidat malheureux des unifiés avec 2 405 voix, contre Sérol dans la 1re circonscription de Roanne. Il ne fut pas plus heureux dans l’Allier, en 1914, à Gannat.

Lors de la scission de 1920, il demeura dans la minorité et reconstitua la SFIO, en assurant toujours le secrétariat jusqu’en 1924. Après avoir été un an trésorier à nouveau, il se retira de la vie active tout en demeurant un membre assidu de la section socialiste de Montluçon où il mourut en 1942.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article113793, notice FOUILLAND Charles par Yves Lequin et Justinien Raymond, version mise en ligne le 24 novembre 2010, dernière modification le 15 janvier 2022.

Par Yves Lequin et Justinien Raymond

SOURCES ET BIBLIOGRAPHIE : Arch. Nat. F7/12 491 et F7/12 494. — Arch. Dép. Loire, 10 M 95, 10 M 96, 93 M 1 à 6. — Arch. Mun. Roanne et Archives de la bibliothèque municipale.
Congrès général des organisations socialistes françaises (1899), Compte rendu (pp. 109-110, 296 et 419). — Hubert-Rouger, Les Fédérations socialistes I, op. cit., pp. 86-87, ibid. II, pp. 308-310. — Compère-Morel*, Grand Dictionnaire socialiste, op. cit., pp. 33, 315, 494, 596. — G. Rougeron, Aperçu sur le mouvement socialiste dans l’Allier, plaquette de 48 p. Ed. du Centre, Nevers, 1933, pp. 29 à 44. — Cl. Willard, Les Guesdistes, op. cit., pp. 624. — Journaux : Le Réveil républicain de Roanne, L’Union républicaine de Roanne, L’Avant-Garde de Roanne.

ICONOGRAPHIE : Les Fédérations socialistes I, op. cit., p. 86.

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