Par Madeleine Rebérioux, Claude Pennetier
Né le 12 mai 1881 à Paris (XVIIIe arr.), mort le 4 janvier 1969 à Auxerre (Yonne) ; instituteur ; militant socialiste de l’Yonne puis de la Seine ; conseiller municipal d’Alfortville (1919-1925).
Gabriel Fradet naquit à Paris d’un père ouvrier maçon, libre penseur et socialiste, originaire de Toucy dans l’Yonne, et d’une mère couturière dont le père aurait été Communard. La maladie de sa mère contraignit bientôt ses parents à revenir s’installer à Toucy où vivait toute sa famille : son oncle, cordonnier, abonné à la Petite République, lui fit lire de bonne heure les articles de Jaurès dont il était grand admirateur.
Très bon élève, le jeune homme entra en 1898 à l’École normale d’Auxerre. Lecteur, dès sa parution en janvier 1899, du Mouvement socialiste, il ne se contentait pas d’être dreyfusard. Le milieu normalien se prêtait à merveille à une intense propagande socialiste. Mais celle-ci inquiétait fort les autorités : alors qu’il était en troisième année, il fut renvoyé, en mai 1901, sur décision ministérielle et malgré l’opposition du conseil des professeurs. Il résultait de lettres privées par lui adressées à un ami de Chalon-sur-Saône, ouvrier métallurgiste, chez qui elles furent saisies, qu’il « faisait partie d’une organisation politique du Parti socialiste ». Il appartenait, en effet, aux Jeunesses socialistes d’Auxerre dont il était un des fondateurs : en 1900, le groupe comptait quelque 50 adhérents, dont 30 élèves de l’École normale. Il faut ajouter qu’on était en pleine affaire du premier Pioupiou de l’Yonne et que l’administration était sur les dents.
Gabriel Fradet quitta alors le département pour gagner sa vie. Instituteur libre, peintre en bâtiment, comptable dans une boulangerie coopérative, il fit un peu tous les métiers. On le vit réapparaître au bout d’un an, en mai 1902, pour préconiser l’organisation d’une Fédération des Jeunesses socialistes de l’Yonne. Il signait alors, dans le Travailleur socialiste, « Un Revenant » et il prendra un peu plus tard le pseudonyme de G. Loublié. En octobre 1902, grâce à l’appui de Ferdinand Buisson, et à l’arrivée au pouvoir du ministère Combes, il fut réintégré dans l’enseignement public et nommé instituteur à Chessy-les-Prés dans l’Aube. Il y épousa à Dracy (Yonne) une institutrice, Eugénie, Appoline Rousseau, le 29 août 1903. Un de ses témoins était le militant syndicaliste et socialiste Gaston Clémendot. Il se remariera le 30 décembre 1909 à Villemoiron (Aube) avec Charlotte Fèvre.
Il était revenu dans l’Yonne en 1904 après avoir occupé pendant quatre ans le poste d’économe du sanatorium de Font-Romeu-Odeillo-Via (Pyrénées-Orientales).
À partir de 1906, il recommença à écrire dans le Travailleur socialiste. Il appartenait alors, et il en fut ainsi jusqu’à la guerre, à la fraction de la Fédération de l’Yonne dite « parlementaire », ainsi que Verluisant (Eugène Marcoux) et un autre instituteur, Clémendot, dit Fergan. Ses articles, toujours empreints de dévouement, portaient aussi la marque d’une profonde amertume.
Nommé dans la banlieue parisienne, à Alfortville, un peu avant la guerre, il y trouva l’atmosphère dont il rêvait depuis longtemps, grâce à une municipalité socialiste. Versé dans le service auxiliaire en 1914, il fut en 1915 envoyé comme téléphoniste à Toucy. En 1917, il revint à Alfortville où il devint, après la guerre secrétaire de la section SFIO, collaborateur direct de Barthélémy Mayéras, Vénérable de la loge « l’Aurore sociale ».
Georges Fradet fut un des rares membres de sa corporation à s’engager personnellement dans la bataille électorale municipale du 30 novembre 1919 à Alfortville. La municipalité socialiste dirigée par Jules Cuillerier conserva la mairie. Élu en quatrième position (2 174 voix sur 6 040 inscrits et 3 947 votants), il s’affirma comme le responsable du secteur scolaire. Resté socialiste après le congrès de Tours, il fut pris à partie par le dirigeant du groupe communiste au conseil, Arsène Bellico , au cours de la séance du 11 avril 1922 : celui-ci jugeait « illogique et scandaleux » que Fradet soit conseiller alors que sa femme était employée à la mairie d’Alfortville. Il ne se représenta pas aux élections de mai 1925.
Nous le retrouvons instituteur à Villiers-sur-Tholon puis à Toucy (Yonne) - où résidait son père - vers 1930. Au congrès fédéral du 1er mai 1931, il appela à voter pour la motion de « La Bataille socialiste » de Jean Zyromski. En 1933, alors qu’il était secrétaire des élus cantonaux et municipaux de l’Yonne, il se solidarisa avec le groupe parlementaire socialiste - dont le député de l’Yonne, M. Roddes - qui avait voté le budget contre l’avis du Parti socialiste SFIO. La Fédération ayant blâmé ce vote, des militants se regroupèrent dans la Fédération de l’Yonne de l’Union Jean-Jaurès, dont Fradet devint le secrétaire. Cette organisation périclita rapidement en raison du retour de la plupart de ses membres à la « Vieille maison ».
En 1939, Fradet était secrétaire adjoint du Comité départemental d’action contre la guerre animé par Gaston Clémendot.
Son comportement en 1940 lui fut imputé à charge à la Libération, ainsi que certains propos tenus pendant la guerre et il fut frappé pour dix ans d’indignité nationale.
Par Madeleine Rebérioux, Claude Pennetier
SOURCES : Arch. Dép. Seine, DM3 ; Versement 10451/76/1 ; liste nominative de 1921. — Arch. Dép. Yonne, 27 T 12, 13 et 27. — Arch. Dép. Val-de-Marne, registres de délibérations du conseil municipal d’Alfortville. — Lettres de G. Fradet et E. Marcoux. — Le Travailleur socialiste de l’Yonne. — Le Réveil de l’Yonne, 1931-1933. — État civil de Paris XVIIIe arr. et de Dracy (commune du premier mariage). — Renseignements recueillis par Michèle Rault et Nathalie Viet-Depaule.