FRADET Jacques

Par Eric Panthou

Né le 25 juillet 1877 dans le 2éme arrondissement à Lyon (Rhône), ouvrier des cuirs et peaux, militant socialiste, secrétaire de l’UD-CGT du Puy-de-Dôme de 1922 à 1937, décédé à Sauvagnat-Sainte-Marthe (Puy-de-Dôme), le 2 mai 1960.

Jacques Fradet est connu comme le secrétaire de l’UD CGT du Puy-de-Dôme qui resta le plus longtemps en poste, pendant 15 ans.

Le père de Jacques Fradet était maçon à Lyon.
Ce dernier s’est marié le 8 avril 1899 à Lyon avec Caroline Wolff. Cette dernière fut la première femme élue comme conseillère prud’homale en France.

Après un apprentissage, il devint imprimeur et travailla dans divers établissements entre Rhône et Saône. Il est aussi présenté en début de carrière comme ouvrier des cuirs et peaux et ayant fondé son premier syndicat à Lyon.
Lors de la Première guerre mondiale, il fut mobilisé dès le premier jour et servit dans l’infanterie, ce qui lui valut la croix de guerre.
Il s’installe à Clermont-Ferrand à l’issue de la guerre. Il fut de la première équipe du service des rotatives du quotidien fondé par le socialiste Alexandre Varenne en 1919, La Montagne. Il assura d’emblée des responsabilités. Ainsi, il fut l’un des principaux orateurs d’une assemblée de la CGT en présence de 400 ouvriers le 25 novembre 1919.
En 1922, il devint secrétaire de l’UD CGT à la place d’Albert Paulin, quittant alors son emploi à La Montagne. L’UD passa de 70 à 44 syndicats, à la fois en raison de la scission survenue un an plus tôt au niveau national avec la création de la CGTU mais aussi au départ en 1920 des syndicats de la Haute-Loire qui voulaient retrouver une autonomie et fonder leur propre UD.
Le 22 septembre 1924, il présida le congrès national de la fédération des cuirs et peaux à Paris. Il intervint pour dire que si la semaine de 44 heures serait certainement un progrès à réaliser, il fallait d’abord maintenir et appliquer la semaine de 48 heures.

Bien que tout au long de la période allant de 1921 au printemps 1934 les relations sont très conflictuelles avec les militants du PCF et en particulier ceux regroupés à la CGTU, il y eut des cadres de discussions communs. Fradet invita par exemple le secrétaire du syndicat unitaire des cheminots d’Arvant à participer à la réunion qu’il organisa ici pour les cheminots. Mais la séance se termina par un ordre du jour blâmant l’attitude des dirigeants confédérés qui refusent le Front unique ! Malgré le fait qu’il soit, en tant que dirigeant de la CGT et de la SFIO, régulièrement dénoncé, il n’était pas la cible privilégiée des communistes qui lui reconnaissent une forme de courage car c’est souvent lui que les socialistes et confédérés envoient pour mener des réunions contradictoires. Si bien que Le Cri du Peuple parle du “bon garçon” Fradet, celui “qui est de tous les coups durs” à propos d’une réunion des locataires du quartier Saint-Jacques à Clermont-Ferrand. Fradet y intervint non pas en tant que secrétaire CGT ou élu socialiste de la ville mais secrétaire de l’Union des locataires du Puy-de-Dôme.

Fradet était régulièrement dénoncé pour son attitude hostile aux communistes et à la CGTU ou pour ses consignes de modération. Ainsi, il fut qualifié de “1er flic de Clermont” pour avoir déclaré lors d’une réunion de policiers municipaux voulant créer un syndicat CGT, qu’il désapprouvait le recours à la grève et ne condamnerait pas les interventions policières contre des grèves ou manifestations. Les propos tenus ce jour là lui furent reprochés pendant des années.
La période classe contre classe qu’adopta le PCF mi 1927 entraîna une aggravation des accusations portées contre les dirigeants socialistes ou confédérés, contre Fradet en particulier. On ne manqua pas alors pendant des mois de l’affubler de nouveau du qualificatif de “premier flic de Clermont” à chaque fois qu’on dénonça son action. On dénonça en particulier le fait que les travailleurs municipaux aient été mal défendus par la CGT au nom du fait que Fradet était élu municipal.

À la chute du gouvernement Painlevé, Fradet aurait voté en faveur d’une participation des socialistes au gouvernement.
Fin avril 1929, il fut accusé d’avoir brisé les grèves des ouvriers de chez Ollier, dans la métallurgie clermontois puis de l’ameublement ou de la verrerie de Puy-Guillaume. Les attaques du PCF allaient jusqu’à s’en prendre à son physique et en particulier sa petite taille. Pourtant, quelques jours plus tard, Fradet reçut une invitation de la CGTU pour venir participer à une réunion contradictoire organisée par le syndicat dirigé par les membres du PCF.
Fin 1930, proposé par la direction nationale de la CGT, il fut élu titulaire au Conseil supérieur de l’enseignement technique. Il fut un ardent propagandiste dans la campagne pour le vote par le Parlement de la loi sur la création des Assurances sociales en 1930 et 1931. En 1931, il fut membre de la Commission de chômage municipal, créée à Clermont-Ferrand.
Il fut également membre du comité confédéral national de la CGT.
Fin 1934, l’UD comptait environ 8600 syndiqués regroupés dans 149 syndicats contre 1450 à la CGTU dans 39 syndicats.

Parallèlement à ses mandats syndicaux. Il était secrétaire de la section socialiste SFIO de Clermont-Ferrand en 1921 et il fut aussi conseiller municipal de Clermont-Ferrand de 1925 à 1928, la ville étant dirigée par les radicaux. Il fut également membre du Conseil national économique de 1936 à 1940.

En juin 1936, Fradet fut extrêmement sollicité pour à la fois aider à l’arbitrage des conflits mais aussi pour la structuration d’une UD où près de 30 000 nouvelles adhésions vont être enregistrées en quelques mois. Bien que proche de la retraite, il fut réélu au conseil d’administration des caisses ouvrières d’assurances sociales et des mutuelles ouvrières groupées dans la Fédération nationale des mutuelles ouvrières “Le Travail”. Il fut membre de ce conseil d’administration depuis la fondation de la mutuelle en 1930.
Il quitta son poste de secrétaire de l’UD et prit sa retraite à l’issue du congrès de l’UD des 5 et 6 juin 1937. Hommage fut alors rendu à sa vie de militant. On rappela aussi l’importance du rôle de son épouse à ses côtés durant ces années. Celle-ci fut la première femme de France envoyée aux conseils des prud’hommes. Le jour du congrès, un appel à la solidarité fut lancé pour aider Fradet à prendre une retraite que ses ressources personnelles ne lui permettent pas de prendre de façon correcte. Il fut alors à la tête d’une organisation rassemblant plus de 40 000 syndiqués qui resta dirigée par un socialiste, Raymond Perrier, mais où, de fait, les syndicats proches du courant dirigé par les ex-CGTU étaient majoritaires grâce notamment aux syndicats de la chimie, de la métallurgie et du bâtiment.

Fradet eut la douleur de perdre son épouse l’année de son départ en retraite. Il se retira alors à Sauvagnat-Sainte-Marthe, un petit village entre Clermont-Ferrand et Issoire au sud du département. Sa fille avait épousé le fils de Pierre Leclerc, lui-même ancien secrétaire de l’UD CGT de 1915 à 1919 et militant socialiste.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article114024, notice FRADET Jacques par Eric Panthou, version mise en ligne le 24 novembre 2010, dernière modification le 10 mars 2020.

Par Eric Panthou

Lors du congrès de réunification de la CGT 63, début 1936 (archives Eric Panthou)

SOURCES : Arch. Nat. F7/130127. — “Un bon militant du syndicalisme : Jacques Fradet”, La Montagne, 14 juin 1936. avec un portrait ; “Le congrès des syndicats ouvriers s’est conclu dans l’enthousiasme”, La Montagne, 7 juin 1937 ; Comptes-rendus de congrès de l’UD CGT, La Voix du Peuple, organe de la CGT, années 1919 à 1937 ; Congrès des 5 et 6 juin 1937 tenu à Clermont-Ferrand, rapport moral présenté par le camarade Jacques Fradet (archives Henri Verde, CGT Michelin Clermont-Ferrand). — Eric Panthou, L’année 1936 dans le Puy-de-Dôme, mémoire de maîtrise, université Clermont II, 1994. — Le Cri du Peuple, organe du PCF de l’Allier et du Puy-de-Dôme, années 1924 à 1934 ; “Monographie d’organisation syndicale dans le Puy-de-Dôme”. — La Voix du Peuple, organe de la CGT, 1929-11, p. 813-822. — L’Auvergne socialiste, 1934. Rapport de l’inspecteur Lamboursin à Monsieur le Commissaire de Police Chef de la Sûreté, 19 décembre 1934. Archives municipales de Lyon, registre état civil 1877. Notice nécrologique dans La Montagne.

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