GUILLON Maxime [GUILLON Marc-Helvey, Maxime]

Instituteur, puis professeur d’École normale ; un des militants les plus en vue de la Fédération socialiste d’Algérie avant 1914 ; un des fondateurs du Parti communiste en Algérie, il en démissionna fin décembre 1922.

En 1905, Maxime Guillon fonda à Souk-Ahras (département de Constantine), un groupe socialiste, « l’Aurore sociale », d’inspiration guesdiste, qui dut son activité aux cheminots du chemin de fer Bône-Guelma. Nommé à Bône, Guillon redoubla d’activité, fonda une section socialiste, le premier syndicat des ouvriers des chemins de fer et, en 1907, la Bourse du Travail. Au lendemain des déchirements qui l’affaiblirent, Guillon réorganisa la Fédération socialiste d’Algérie et en devint secrétaire fédéral. En 1908, il lança Le Cri du Peuple qui ne dura qu’un an, mais dans lequel il mena une campagne mordante contre le projet de concession des mines de l’Ouenza au groupe Schneider-Krupp-Cockerill et c’est lui qui documenta sur cette question le groupe socialiste au Parlement. En avril 1909, il représenta la Fédération au congrès national de Saint-Étienne.

L’année suivante, la Fédération, qui se développait, fut partagée en trois sections : Oran, Bône, Constantine et, après 1912, en Fédérations départementales.

Après la guerre, Guillon fut professeur d’École primaire supérieure à Sidi-Bel-Abbès (département d’Oran) et resta le leader du socialisme en Algérie. La section socialiste de Sidi-Bel-Abbès fut la première à voter l’adhésion à la IIIe Internationale et entraîna la presque totalité de la Fédération SFIO d’Oran à devenir communiste. Aux élections municipales de 1919, Guillon et six autres socialistes avaient été élus au conseil municipal ; ils constituèrent donc ensuite la fraction communiste municipale de Sidi-Bel-Abbès. En 1921, Guillon devenait très normalement secrétaire interfédéral d’Algérie (les trois Fédérations socialistes donnant naissance à trois Fédérations communistes).

Mais, en guesdiste qui ignorait la question nationale au nom de la lutte de classe, et comme porte-parole du socialisme colonial qui dédaignait le nationalisme indigène, le redoutait et croyait en la mission assimilatrice de l’école et du syndicat, Maxime Guillon rejetta les directives de soutien de l’indépendance des colonies que rappelait aux Partis communistes et à leurs sections coloniales l’exécutif de la IIIe Internationale. C’est contre ce mot d’ordre d’indépendance, contre le nationalisme que l’on dit musulman, contre l’intervention de Moscou et de Paris dans les affaires coloniales qui seraient réservées à l’appréciation locale, soit à celle des Européens d’Afrique du Nord, que se prononcèrent la plupart des sections communistes d’Algérie en réponse à une enquête effectuée par Ch.-A. Julien, alors délégué du Parti communiste pour l’Afrique du Nord. La section de Sidi-Bel-Abbès, « la Mecque du communisme », par la plume de Maxime Guillon (c’est la première version, en date du 21 avril 1921, de ce que l’on appellera la motion de Sidi-Bel-Abbès) exprima très fortement ce refus du principe et des tâches de libération nationale : « L’émancipation des populations indigènes d’Algérie ne pourra être que la conséquence de la révolution en France. La propagande communiste directe auprès des indigènes est actuellement inutile et dangereuse. Elle est inutile parce que ces indigènes n’ont pas atteint encore un niveau intellectuel et moral qui leur permette d’accéder aux conceptions communistes... » Cette prise de position et cette argumentation étaient ensuite développées en réplique et en rejet de l’Appel lancé le 20 mai 1922 par l’Internationale communiste « pour la libération de l’Algérie et de la Tunisie » ; le texte de la section de Sidi-Bel-Abbès, en date du 27 juin 1922, publié par La Lutte Sociale devint motion de congrès, du congrès de la Fédération communiste d’abord, 10 septembre 1922, qui l’adopta à une forte majorité, puis du IIe congrès interfédéral communiste d’Afrique du Nord tenu à Blida le 24 septembre 1922, à l’unanimité, mais seules les Fédérations d’Algérie s’exprimaient ; la Fédération communiste de Tunisie ne semblait pas représentée. L’Appel de l’Internationale communiste était qualifié « d’erreur absolue ».

Ce sont les communistes de Tunisie (article de Robert Louzon intitulé « Une honte » que reproduisit le Bulletin communiste, 4 janvier 1923, et intervention de Tahar Boudengha au congrès de l’Internationale communiste) qui firent appel à l’Internationale communiste pour condamner la motion de Sidi-Bel-Abbès et Blida et rejeter « les pseudo communistes algériens ». C’est au IVe congrès de l’IC (novembre-décembre 1922) que Trotsky et Safarov et la résolution sur la question française, dénoncèrent « cette position purement esclavagiste », appelant à « combattre opiniâtrement et sans merci les tendances pseudo socialistes et colonisatrices de certaines catégories d’ouvriers européens bien payés travaillant dans les colonies » et à lutter pour la libération nationale en s’appuyant « en premier lieu sur la jeunesse prolétarienne indigène ».

Maxime Guillon, suivi par cinq des six conseillers municipaux communistes, renonça à son mandat municipal, démissionna de son poste de secrétaire interfédéral et quitta le Parti communiste, « ce parti qu’il avait contribué à créer en Algérie » comme le dit sa lettre de démission du 22 décembre 1922. Le texte de la motion de Sidi-Bel-Abbès et la lettre de démission de Maxime Guillon sont reproduits en annexes dans la thèse de A. Juving.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article114497, notice GUILLON Maxime [GUILLON Marc-Helvey, Maxime] , version mise en ligne le 24 novembre 2010, dernière modification le 24 novembre 2010.

SOURCES : Hubert-Rouger, Les Fédérations socialistes I, op. cit., pp. 36-37. — La Lutte sociale. — A. Juving, Le Socialisme en Algérie, thèse de droit, Alger, 1924. — Ch.-R. Ageron, « Les communistes français devant la question algérienne de 1921 à 1924 », Le Mouvement social, n° 78, janvier-mars 1972. — E. Sivan, Communisme et nationalisme en Algérie 1920-1962, Presses de la Fondation nationale des sciences politiques, Paris, 1976. R. Gallissot, « Sur les débuts du communisme en Algérie et en Tunisie » in Mélanges d’histoire sociale offerts à Jean Maitron, Éditions ouvrières, Paris 1976. Biographie complétée par René Gallissot.

ICONOGRAPHIE : Hubert-Rouger, op. cit., p. 38.

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