INGHELS Albert

Par Justinien Raymond

Né le 9 mai 1872 à Lille (Nord), mort le 11 juillet 1941 à Nice (Alpes-Maritimes) ; ouvrier du Textile ; militant syndicaliste et socialiste ; maire de Tourcoing ; député.

Albert Inghels
Albert Inghels
Encyclopédie socialiste

Albert Inghels appartenait à une famille de neuf enfants dont le père était ouvrier aux filatures de coton. Il perdit sa mère à l’âge de trois ans. Après quelques années d’école où il apprit à lire et à écrire, il entra comme rattacheur à la filature d’Hellemmes : il n’avait pas onze ans. Il fut, par la suite, fileur à Ronchin. Adolescent, il fréquenta le syndicat et les réunions socialistes. Il avait dix-huit ans quand il adhéra au POF. De 1892 à 1895, il accomplit son service militaire à Longwy.

À son retour, il reprit son travail, mais se heurta aux tracas d’employeurs qu’indisposaient son action militante et sa propagande. Un havre de sécurité s’offrit à lui en 1896. Delory, devenu maire de Lille, l’employa à l’état civil (1897-1904). En 1904, la municipalité de droite le congédia pour raison de suppression d’emploi.

Ce fut alors le syndicat qui l’abrita. Secrétaire du syndicat du Textile de Lille depuis 1897, puis de l’organisation départementale, il participa à tous les combats des ouvriers des filatures, y gagna un mois de prison le 1er mai 1892, trois jours en 1902. Il animait les congrès ouvriers et, en 1900, fut délégué au congrès syndical international de Berlin. En octobre 1906, il fut délégué au IXe congrès de la CGT, tenu à Amiens et, en septembre 1912, au XIIe congrès tenu au Havre. Au début de 1913, il accéda au secrétariat de la Fédération nationale du Textile et entra au Comité confédéral de la CGT.

Inghels mena de front une intense activité politique. Il militait au sein des groupes socialistes, paraissait notamment à presque tous les congrès fédéraux du Nord ; il assista au deuxième congrès général des organisations socialistes à Paris, salle Wagram (1900), aux congrès du POF à Ivry (1900), à Roubaix (1901), aux assises de la SFIO en 1911 à Saint-Quentin. En 1905, il était devenu bibliothécaire de la Fédération du Nord. Il assurait la propagande dans le Nord et hors du département et il mena des batailles électorales d’abord sans espoir : en 1902, aux élections législatives, à Reims, en 1906 au conseil général du Nord. En 1910, il combattit si activement le Dr Dron que, pour assurer le succès de ce dernier, les comités conservateurs de Tourcoing tentèrent de corrompre Inghels pour l’éliminer : il répondit par une plainte auprès du Procureur de la République. Aux élections législatives de 1914, toujours dans la 8e circonscription du Nord, il reprit la lutte, allant d’usine en usine, au sortir des ateliers, haranguer les ouvriers, juché sur une chaise qu’il transportait avec lui. Au second tour, il fut élu député par 10 624 voix contre 9 029 sur 25 724 inscrits. Vandeputte le remplaça alors au secrétariat de la Fédération du Textile.

Dans les années qui précédèrent la guerre, Inghels était donc à la fois un élu socialiste et un leader de la CGT, en un temps où les deux organisations ne marchaient pas toujours la main dans la main. Face au danger de guerre, notamment, leurs positions officielles respectives différaient profondément. Le conflit engagé, elles se retrouvèrent proches. Inghels, qui avait souhaité des relations étroites et constantes entre le parti et la confédération, a pu jouer un rôle dans cette conjonction. Sa protestation contre la déportation de jeunes gens et de femmes en 1916, la détention par lui de journaux de la France lui valurent une condamnation à cinq ans de forteresse. Incarcéré à Condé, puis à Aix-la-Chapelle, enfin à Coblence, il y fut libéré par la révolution allemande, passa aux Pays-Bas, arriva à Amsterdam le 11 novembre 1918 et regagna la France par Dieppe. Arrivé à Paris, il se fit acclamer à la Chambre des députés en dénonçant les méthodes allemandes de guerre.

En novembre 1919, Inghels fut réélu député au scrutin de liste, demeura membre de la commission de l’Hygiène dont il devint le secrétaire. Il prit une part notable à la législation des loyers et dénonça âprement le « scandale » des dommages de guerre. Très critiqué en 1924 (de fausses listes circulèrent où son nom ne figurait pas), il fut battu. Alors la SFIO en fit son délégué permanent à la propagande. Pendant sept ans, il promena à travers la France son éloquence claire, directe et sans apprêt. En 1926, la Fédération socialiste des Hautes-Alpes posa sa candidature à une élection complémentaire : il échoua avec 3 684 voix, le 3 octobre.

Conseiller général du Nord, conseiller municipal de Tourcoing, il en fut élu maire le 5 octobre 1930, à la mort du sénateur-maire Gustave Dron ; il le demeura jusqu’en mai 1935. Le 1er février 1931, il abandonna son poste de délégué à la propagande socialiste et, en 1932, au second tour de scrutin, il fut réélu député du Nord (9e circonscription) par 12 237 voix. Sa profession de foi confiait à un suffrage universel éclairé l’avenir du socialisme. « Le régime capitaliste fait faillite dans tous les domaines, déclarait-il (...). Il est temps que vous vous serviez de votre bulletin de vote pour remplacer l’État capitaliste par l’État du travail émancipé... » (Arch. Ass. Nat.) Désormais, Inghels s’attacha à l’administration de la ville ouvrière de Tourcoing. Au compte de cette œuvre édilitaire, il faut mettre le percement de l’avenue Gustave-Dron, l’édification d’immeubles collectifs, d’hospices, d’un parc public et d’un stade nautique, d’un centre médical, l’achèvement du préventorium de Marcoing, l’agrandissement du collège moderne et technique de garçons. Il offrit aux chômeurs la réfection des voies privées et le secours d’un restaurant municipal.

En 1936, Inghels se retira de la vie politique. Chassé du Nord par l’invasion, pour la seconde fois au cours de sa vie, il alla mourir dans le Midi.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article114525, notice INGHELS Albert par Justinien Raymond, version mise en ligne le 24 novembre 2010, dernière modification le 10 novembre 2022.

Par Justinien Raymond

Albert Inghels (1927)
Albert Inghels (1927)
cc Agence Meurisse
Albert Inghels
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Encyclopédie socialiste

ŒUVRE : Compte rendu du IVe congrès international des syndicats de l’industrie textile, tenu à Berlin du 16 au 20 juillet 1900. Préface de H. Ghesquière, Lille, 1901, in-8°, 48 p.

SOURCES : Arch. Ass. Nat. dossier biographique. — Arch. Dép. Nord, M 154/78, M 37/68-72-73. — Comptes rendus de congrès syndicalistes et socialistes. — Rapports au XXIVe congrès du Parti socialiste à Lyon, 1927 (p. 20) et au XXVIIIe congrès à Tours 1931 (p. 28). — Hubert-Rouger, Les Fédérations socialistes t. I, op. cit., pp. 455-456. — L’Humanité, 10 juillet 1914. — Souvenirs recueillis auprès de M. Liart-Inghels. — La vie politique à Tourcoing sous la IIIe République, publication du CNRS dont d’importants extraits ont été publiés par le quotidien roubaisien Nord-Éclair (Édition de Tourcoing), août 1959-décembre 1961.

ICONOGRAPHIE : La CGT, op. cit., p. 441.

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