Par André Balent
Né le 30 septembre 1906 à Serralongue (Pyrénées-Orientales) , mort le 29 octobre 1995 à Arles-sur-Tech (Pyrénées-Orientales) ; entrepreneur de travaux publics ; militant socialiste SFIO des Pyrénées-Orientales ; résistant.
Fils de Pierre Jorda, entrepreneur, et de Madeleine Massardo, la famille de Jean Jorda était originaire du Tech, village du Haut-Vallespir, proche de Serralongue. Son grand-père avait fondé une entreprise de travaux publics reprise par son père qui s’établit, après 1918, à Arles-sur-Tech (Pyrénées-Orientales). Elle s’occupait de la construction ou de la réfection des routes et des ponts, plus rarement de la construction de maisons. Avant 1939, elle employait 350 ouvriers.
Le père de Jean Jorda fut et demeura un sympathisant actif du Parti socialiste SFIO.
Jean Jorda fréquenta l’école primaire de Serralongue et poursuivit sa scolarité à l’École primaire supérieure de Perpignan (Pyrénées-Orientales). Il obtint le Brevet d’études primaires supérieures et le Brevet élémentaire. Il suivit ensuite pendant un an les cours par correspondance d’une école spéciale de Travaux publics puis il travailla à l’entreprise familiale et prit la succession de son père. Jean Jorda se maria et fut le père d’une fille. Il fit son service militaire à Avignon (Vaucluse) au 7e régiment du Génie (1927).
Jean Jorda adhéra à la section locale du Parti socialiste SFIO d’Arles-sur-Tech vers 1932. Il milita activement dans les rangs de ce parti jusqu’en 1940 (voir Arquer*, Drapé François*) et la section l’élut au poste d’archiviste le 19 novembre 1936.
Élu conseiller municipal d’Arles-sur-Tech en mai 1935 sur la liste socialiste SFIO conduite par Baptiste Pams* il devint, peu après le scrutin, le troisième adjoint de la commune. Il fut plus particulièrement chargé des travaux publics. Il fut révoqué de son mandat par Vichy en décembre 1940. Voir également : Claparols Joseph*, Cruzet Antoine*, Ramon Jean*.
En septembre 1939, Jean Jorda fut mobilisé au 7e régiment du Génie à Avignon. Ce régiment gagna le front en Lorraine, près de Metz. Adjudant-chef chargé des transports, Jean Jorda assura l’acheminement d’un pont léger par camion. Il fut démobilisé à Figeac (Lot).
En octobre 1940, quelques semaines avant sa révocation, Jean Jorda dut, en sa qualité d’adjoint au maire et en l’absence du premier magistrat de la commune Baptiste Pams (bloqué dans sa propriété par l’inondation), faire face à un des plus grands cataclysmes naturels qu’aient jamais connu le Vallespir et les Pyrénées-Orientales, la crue mémorable des 16, 17, 18 et 19 octobre.
Jean Jorda fut un résistant qui déploya ses activités dans des directions très différentes.
Il adhéra rapidement au mouvement « Combat », fondé, dans l’arrondissement de Céret à la fin de 1941 (voir aussi Mau Pierre*). Jean Jorda, en même temps qu’Adrien Malart, responsable de « Combat » dans le Vallespir, organisa ce mouvement dans la région.
L’oncle de Jean Jorda, Camille Fourquet*, directeur d’école primaire à Perpignan, révoqué de ses fonctions pour avoir participé à la manifestation du 14 juillet 1942 à Perpignan, organisée par les mouvements de résistance avec l’appui du Parti communiste, devint (fin mai, début juin 1943) chef départemental des MUR. Jean Jorda resta en contact avec lui et devint l’adjoint d’Edmond Barde*, responsable des MUR pour le Vallespir et l’arrondissement de Céret. Il n’hésita pas à mettre à la disposition des MUR les véhicules de son entreprise de travaux publics.
Lorsque Miquel, capitaine d’active, abandonna les responsabilités — qui lui avaient été confiées en juin 1943 — de chef de l’AS pour le Vallespir, Jean Jorda prit le relais et fut associé dans cette tâche à Robert Benabencq, directeur des mines de dolomies d’Amélie-les-Bains. Le « tandem » Jorda-Benabencq conserva ses fonctions au sein de l’AS jusqu’à la Libération, en août 1944.
L’entreprise de Jean Jorda fut réquisitionnée par les autorités allemandes d’occupation et mise à la disposition d’organismes comme Todt et Hinteregger qui s’occupaient en particulier des travaux de fortification sur le littoral catalan. Jean Jorda pensa tout d’abord franchir la frontière franco-espagnole car, résistant, il ne voulait pas se compromettre en travaillant pour les Allemands. La direction départementale des MUR l’en dissuada. Ainsi put-il se procurer les plans des fortifications allemandes sur la côte rocheuse des Pyrénées-Orientales. Ceux-ci étaient dessinés par un soldat alsacien de la Wehrmacht détaché, à l’entreprise Todt qui remettait les calques à un chauffeur de l’entreprise Jorda. Jean Jorda les faisait parvenir au consulat britannique de Barcelone qui les envoyait à Londres.
Les MUR l’avaient mis en rapport avec Adrien Marcel qui depuis mai 1941 dirigeait le groupement départemental d’un service vichyssois, le 427e « groupement de travailleurs étrangers » qui s’occupait de l’utilisation de la main-d’œuvre immigrée. Adrien Marcel avait accepté de « travailler » pour les MUR. Jean Jorda envoyait ses camions à Perpignan pour prendre en charge des Espagnols embauchés par son entreprise ou des chantiers forestiers du Vallespir. Mais Adrien Marcel y adjoignait nombre de Français ou d’apatrides désireux de passer en Espagne.
Lorsque, le 7 juin 1944, des membres des mouvements de résistance de Céret et du Vallespir gagnèrent la région de Saint-Marsal dans les Hautes-Aspres pour former le « maquis 44 » dont la création avait été décidée par les MUR, Jean Jorda fut chargé de le ravitailler, tâche dont il s’acquitta pendant plusieurs semaines jusqu’à la Libération (voir Mau Jean*, Mathieu Ferréol*).
Le 15 août 1944 il fit parvenir au « maquis 44 » une mitrailleuse, un mortier, des fusils, des grenades, des munitions qui provenaient d’un parachutage effectué près d’Eus, en Conflent.
Jean Jorda ne voulut pas faire partie du comité local de Libération d’Arles-sur-Tech. Toutefois, en sa qualité de responsable adjoint des MUR, il participa à la désignation de cette assemblée puis du conseil municipal provisoire de la commune. Baptiste Pams, SFIO, retrouva son poste de maire ; un instituteur communiste, Bassole, lui fut adjoint.
Après la Libération (et jusqu’à 1984) Jean Jorda se tint à l’écart de toute activité politique. Il ne réadhéra pas à la SFIO et ne brigua aucun mandat. Selon son propre témoignage il devint « gaulliste de sentiment et non de parti ». Il abandonna ses activités professionnelles en 1978. Il vécut à Arles-sur-Tech jusqu’à sa mort.
Par André Balent
SOURCES : Arch. Dép. Pyrénées-Orientales, 2 M 5/302/303/304. — Renseignements communiqués par M. le secrétaire de mairie d’Arles-sur-Tech (lettre du 5 novembre 1982). — Entretien avec M. Jean Jorda (9 juillet 1984). — Entretiens avec M. Pierre Mau, militant socialiste SFIO puis communiste de Céret, dirigeant des MUR et de l’AS à Céret (Céret, 28 juin 1984, 6 juillet 1984). — Fichier chronologique (inédit) de la Résistance dans les Pyrénées-Orientales établi par M. Jean Larrieu, professeur d’histoire et géographie au lycée François-Arago à Perpignan et correspondant départemental du comité d’histoire de la Seconde Guerre mondiale. — Entretien avec M. Jean Larrieu (Perpignan, 11 juillet 1984). — Camille Fourquet (ancien chef départemental des MUR et oncle de Jean Jorda) : Le Roussillon sous la botte nazie, ouvrage dactylographié inédit, 207 p. — Jean Ribes, Haut et Moyen Vallespir au fil du temps, tome 3, Perpignan, 1982. — Jean Larrieu : « La Résistance française dans la montagne catalane » in : Conflent, Vallespir et montagnes catalanes, actes du LIe congrès de la Fédération historique du Languedoc méditerranéen et du Roussillon, Montpellier, 1980, pp. 235-244. — Le Socialiste des Pyrénées-Orientales, 3 décembre 1936. — Annuaire-Guide des Pyrénées-Orientales, Chastanier et Alméras, Nîmes, 1937.