JORY Auguste

Par G. Bourgeois

Né le 14 mars 1902 à Champ de Praze (Italie) ; militant des Jeunesses socialistes italiennes puis du Parti communiste français (MOI) ; administrateur de Fraternité et responsable de certaines affaires financières du PCF à la fin des années 1930.

Auguste Jory fait figure de personnage énigmatique. Absent des organigrammes officiels et officieux, il fut surtout l’un des animateurs de l’appareil discret du Parti communiste français. Il naquit à Champ de Praze, petite localité italienne du Val d’Aoste où dominait la langue française. Giulio Cerreti* a évoqué, dans son livre de Mémoires Con Togliatti e Thorez, Quarant’anni di lotte politiche (op. cit.), les circonstances dans lesquelles Jory vint à la politique. Secrétaire de la Jeunesse socialiste dans sa commune, il dut fuir l’Italie fasciste et s’installa à Paris où il travailla en qualité d’ouvrier de la voirie. Embauché plus tard dans une compagnie de taxis, il se révéla très vite un excellent organisateur et propagandiste. Membre de la MOI (Main-d’œuvre immigrée, chargée de l’intervention du PC parmi la population étrangère), il se fit particulièrement remarquer en prenant la tête d’une grève générale au cours de laquelle son influence s’étendit à près de 14 000 chauffeurs.

Plusieurs personnes exercèrent alors un rôle de promoteur dans la carrière politique de Jory : Maurice Thorez, qui suivait de près ces mouvements en tant que membre de la cellule de la Syndicale taxi, Cerreti, qui emmena Jory en URSS à la fin du mois d’avril 1934 à la tête d’une délégation de dix-sept représentants de l’immigration italienne en France, Manouilski, qui vit en l’homme un cadre d’avenir. Le Valdotain perça, dès son retour, en prenant la tête de l’organe de la MOI, Fraternité. Et Cerreti de conclure : « Fraternité gagna un excellent administrateur et moi, un ami pour la vie » (op. cit., p. 136). Jory fut dès ce moment associé aux diverses besognes que lui proposait le dirigeant florentin. Il joua un rôle tout à fait prépondérant dans l’histoire de la compagnie France-Navigation, créée par le PCF dans le but de ravitailler en armes l’Espagne républicaine. Les auteurs des Brigades de la mer ont décrit, à partir des souvenirs de Cerreti, les réceptions de prestige qu’ils donnèrent de conserve à bord du fastueux yacht « Vanadis » (op. cit., p. 193), ainsi que les circonstances dans lesquelles Jory fut chargé de déposer, à l’ambassade d’URSS en Belgique, les 28 000 actions de la compagnie, peu après l’annonce du Pacte germano-soviétique. Jory occupa une place capitale en ces années difficiles : il avait, dès la fin de l’été 1938, acquis pour le compte de Cerreti la maison de Bruges dans laquelle furent tour à tour « planqués » certains dirigeants communistes français et où se déroula, le 8 octobre 1939, une décisive réunion du Comité central. Vassart* indique par ailleurs que Jory avait directement accédé aux leviers de commande du PCF dès avant son passage dans la clandestinité, en participant, aux côtés de Mauvais*, Gaston Monmousseau* et Decaux*, à « l’embryon de secrétariat » qu’avait formé Jacques Duclos* en septembre (Tasca, op. cit. p. 336). Peut-être suivit-il Cerreti et continua-t-il à le seconder à Anvers dans ses entreprises technico-financières ?

Jory revendit la maison de Bruges le 22 février 1949 et joua dans l’après-guerre un rôle dans le réseau des sociétés commerciales du PCF. Il disparut au début des années 80. Ajoutons que tout avait été fait pour le dissimuler, comme en témoigne l’édition française de l’ouvrage de Cerreti déjà cité (À l’ombre des deux T), et où le nom de Jory ne figure que sur une seule page. Demeurera-t-il éternellement pour l’histoire un anonyme « chauffeur de taxi valdotain » ?

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article114541, notice JORY Auguste par G. Bourgeois, version mise en ligne le 24 novembre 2010, dernière modification le 24 novembre 2010.

Par G. Bourgeois

SOURCES : Actes notariés de l’étude Deweert. — Carlos Vlaemynck, Brugsch Handelsblad du 3 juin 1977, « Franse KP-leider Maurice Thorez dook onder te Brugge ». — Giulio Cerreti, Con Thorez e Togliatti, Quarant’anni di lotte politiche, Milan, Feltrinelli, 1973 (trad. fr. À l’Ombre des deux T, Julliard, 1973). — Dominique Grisoni et Gilles Hertzog, Les Brigades de la mer, Grasset, 1979. — Arch. Tasca (sous la dir. de Denis Peschanski), Vichy 1940-1944, Milan, Feltrinelli, 1986.

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