JOURDAIN Calixte, dit Frantz

Né le 3 octobre 1847 à Anvers (Belgique), mort le 22 août 1935 ; architecte ; premier président du Salon d’automne en 1903, il le demeura jusqu’à sa mort ; membre du Conseil national économique (1925-1931).

Fils d’un père belge et d’une mère française, Frantz Jourdain vint jeune à Paris avec sa mère devenue veuve. Après des études secondaires, il suivit les cours de l’École des Beaux-Arts, puis embrassa la profession d’architecte. Célèbre par ses œuvres et par les nombreuses présidences qu’il assuma — il fut un extraordinaire animateur — il ne sera retenu ici que pour ses sympathies libertaires. Ami de Jean Grave*, il viendra déposer en sa faveur lors du procès des Trente — cf. Gazette des Tribunaux, 9 août 1894 — de même qu’il témoignera pour Laurent Tailhade, le 9 octobre 1902, au cours du procès qui vaudra à celui-ci un an de prison et 1 000 f d’amende.

En 1914, il se montra très hostile aux Allemands et c’est ainsi qu’il écrivait à Grave, le 16 novembre 1914 :

« Ce n’est pas seulement l’armée, ce n’est pas seulement le parti hobereau, ce n’est pas seulement le militarisme qui ont agi, c’est l’Allemagne tout entière qui a commis ou encouragé ces infamies. J’attends encore un cri de colère et de protestation contre les assassinats, les pillages et les égorgements, les incendies et les viols. Et qu’on ne m’objecte pas que la presse prussienne est sous la botte du Kaiser. Il existe en Suisse, en Hollande, en Suède, n’importe où chez les neutres, des journaux qui auraient fort bien accueilli la malédiction d’une poignée de braves gens contre la sauvagerie de ces brutes en armes. Mais personne n’a bougé, parce que, au fond, personne pas plus dans le peuple que dans la bourgeoisie, pas plus chez les nobles que chez les intellectuels, personne n’a désavoué la mentalité de ces cochons. À part Léon Daudet qui possède le cerveau d’un sous-officier saxon, je crois qu’en France personne n’approuverait le bombardement de la cathédrale de Cologne ou la destruction de cette délicieuse merveille qu’est Nuremberg. Au nom du bon sens et de la plus vulgaire équité, je demande donc que l’Allemagne supporte les conséquences pécuniaires de sa bestialité, bestialité d’autant plus haïssable que nous nous trouvons vis-à-vis d’un peuple fort instruit et très intelligent. »

Frantz Jourdain n’en admirait pas moins « la noble campagne de Romain Rolland* dans Le Journal de Genève » et il plaignait le malheureux « livré aux bêtes et dévoré surtout par les Juifs, par ces bons Juifs que nous avons tant défendus lors de l’affaire Dreyfus, et qui abusent vraiment de la permission d’être ignobles » (à J. Grave, 10 avril 1915) ; et sans se montrer optimiste, il applaudit à Kienthal, « à l’effort de braves gens qui ont tenté d’arrêter la boucherie la plus monstrueuse que l’humanité se soit offerte depuis que le monde est monde » (à J. Grave, 3 octobre 1916). Aussi se trouva-t-il finalement en désaccord profond avec son correspondant rallié à la guerre du droit. Il ne vit plus que « faillite, partout et toujours ». Identifiant Grave et l’anarchisme, il écrivait le 15 juin 1918, toujours à Grave : si le Pape n’a fait que « bafouiller des phrases entortillées et vagues », « permettez-moi de vous dire que l’Anarchie n’a pas agi autrement. Tout en maudissant la guerre, par un vieux reste de pudeur, ses articles, ses manifestations, ses brochures auraient pu être signés par Déroulède ou de Mun, et, froidement, elle a conseillé la continuation de l’étripement, non plus au nom de la patrie, mais au nom du droit. »

Quant aux bolcheviks, ils ne valent pas mieux que les autres : « Lénine et Trotzky valent le tsar ; ce ne sont que des médiocres qui n’ont rien pu faire et ont donné à nos adversaires des armes terribles pour nous assassiner ». Et Frantz Jourdain, s’il gardait espoir en un avenir lointain, n’avait plus foi dans le présent, désespéré qu’il était par les hommes, comme il l’écrivait déjà le 18 novembre 1910, à Grave toujours : « Ah ! la sale engeance que l’humanité ! »

Peu avant de mourir, il n’avait pas retrouvé confiance. Ayant reçu par erreur un numéro du Semeur contre tous les tyrans, adressé à son fils Francis, il s’en prenait à Romain Rolland* pour qui « le gouvernement des Soviets a toujours raison » (cf. n° du Semeur du 9 mars 1935, lettre du 7 février).

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article114661, notice JOURDAIN Calixte, dit Frantz , version mise en ligne le 24 novembre 2010, dernière modification le 24 novembre 2010.

SOURCES : Arch. PPo. non versées. — Arch. Jean Grave, IFHS — Le Monde, 25 septembre 1947.

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