JOUTEAU Paul, Louis, Joseph dit JOUTEAU Pol

Par Jean Maitron et Claude Pennetier

Né le 19 février 1877 à Saint-Martial près de Chauvigny (Vienne), mort le 28 novembre 1948 à Montmorillon (Vienne) ; peintre décorateur ; dirigeant socialiste et syndical de Chauvigny et de la Vienne ; secrétaire du groupe socialiste des originaires de la Vienne à Paris avant la Première Guerre mondiale ; communiste ; secrétaire de l’Union départementale CGTU de la Vienne ; secrétaire de la Fédération nationale unitaire du Bâtiment.

Ouvrier peintre, Paul Jouteau était fils d’un ancien maire radical-socialiste de la commune. Il revint à Saint-Martial en 1898 après son service militaire et fonda un groupe de jeunesse socialiste révolutionnaire à Chauvigny doté d’un journal éphémère La Petite Sociale.

Jouteau se rendit ensuite à Paris, puis à Niort où il fut gérant du journal Le Socialiste de l’Ouest, de nouveau à Chauvigny, puis à Poitiers. Dans cette dernière ville, il travailla chez un entrepreneur, mais se fit renvoyer pour avoir dirigé la grève des boulangers de 1906.

Il s’installa alors peintre à Chauvigny, fut gérant du Réveil chauvinois (trois numéros) puis rédacteur à L’Écho des Travailleurs.

En septembre 1906, il fonda le syndicat des ouvriers du Bâtiment dont il fut secrétaire, puis la Bourse du Travail de Chauvigny (avril 1907) et en fut élu secrétaire général. Il soutint notamment les grèves du Bâtiment de Châtellerault en avril 1911. Syndicaliste révolutionnaire et antimilitariste, Jouteau fut, semble-t-il, inscrit au Carnet B.

Pendant la Première Guerre mondiale, Paul Jouteau, mutilé d’une main, fut affecté dans une usine. Un rapport de police du 19 janvier 1921 affirme qu’il devait cette place aux relations de Jacques Sadoul dont il avait été un des plus actifs collaborateurs pendant la campagne électorale de 1911 (circonscription de Montmorillon).

Jouteau se prononça très tôt en faveur de la IIIe internationale et fit partie, en 1919, d’un Soviet central provisoire. Cette même année, il fut administrateur de l’Internationale dont Péricat était directeur. Cet hebdomadaire désireux de rassembler la minorité révolutionnaire eut une vie éphémère : 15 février — 11 septembre (29 numéros). Il fit également reparaître une petite feuille du début du siècle, intitulée Le Réveil chauvinois avec comme sous-titre « Journal communiste des travailleurs de ce canton ». Paul Jouteau fut, avec Henri Barré*, l’artisan de la création du Parti communiste dans la Vienne.

Au congrès fédéral, tenu à la Bourse du Travail de Poitiers le 19 décembre 1920, il défendit la motion Cachin*-Frossard* et lut une déclaration de J. Sadoul en faveur de la IIIe internationale. La motion Cachin*-Frossard* recueillit trente-huit mandats contre vingt-neuf aux motions Blum et Longuet. Jouteau, Laverré (remplacé par A. Meunier) et A. Day représentèrent la Vienne au congrès de Tours (25-30 décembre 1920). Jouteau déclara à la deuxième séance, le 26 décembre : « La Fédération de la Vienne, qui était une fédération réformiste, est devenue révolutionnaire ; la Vienne est le pays de celui qui, là-bas, en Russie, a fait son devoir révolutionnaire. Pour nous, Sadoul est un symbole. C’est un drapeau » (Compte rendu, p. 125). Douze mandats de la Vienne se portèrent sur la motion Cachin*-Frossard*, deux sur celle de Longuet et trois allèrent au texte de Blum. Jouteau écrivit dans Le Prolétaire de la Vienne du 6 janvier 1921 : « Dans la Vienne, pas de défections, pas de suiveurs, pas de déserteurs ; ici il y a des hommes, des socialistes sincères et vrais. » En fait, sur sept cents militants, plus de cent restèrent à la SFIO (voir A. Meunier*).

Jouteau ne prit pas de responsabilités dans la Fédération communiste mais anima le groupe de Chauvigny dont les cinquante adhérents avaient unanimement rejoint le Parti communiste (selon Le Prolétaire de la Vienne, janvier 1921). Un rapport de police du 19 janvier 1921 donne un chiffre douteux : le groupe aurait compté cent vingt-quatre membres ; des carriers de l’entreprise Civet-Pommier, des ouvriers de la Société industrielle d’énergie électrique et de l’usine de faïence (Arch. Nat. F7/13022).

Jouteau consacra l’essentiel de son énergie à sa fonction de secrétaire de l’Union des syndicats de Chauvigny. Il organisa le 7e congrès départemental CGT à Chauvigny, le 10 juillet 1921, espérant mettre en difficulté E. Audinet*, secrétaire de l’Union départementale, qui avait voté pour l’exclusion des syndicats minoritaires : « Dimanche, nous dénoncerons tout cela et nous irons franchement, librement vers la pureté de nos idées, vers une internationale syndicale rouge, sans politiciens, ni traîtres, celle qui nous emmènera le plus vite vers notre idéal de justice et de fraternité, vers la cité communiste but final du véritable syndicalisme » (Le Prolétaire de la Vienne, 7 juillet 1921). Le congrès s’ouvrit sous la présidence de Jouteau : « au-dessus de la table présidentielle, le drapeau noir de l’Union locale est encadré de deux drapeaux rouges et de l’écusson des armes de la République des Soviets » (idem, 21 juillet 1920). La minorité n’obtint que vingt-cinq voix contre quarante-huit à la majorité et une abstention. Le congrès du 12 février 1922 entérina la scission : dix-sept syndicats restèrent à la CGT, six votèrent pour la CGTU : ceux de Chauvigny, le syndicat de la Manufacture d’armes de Châtellerault, le syndicat des cheminots de Loudun et Poitiers, le syndicat de l’Enseignement.

Jouteau représenta l’Union départementale CGTU au congrès confédéral unitaire. Il fut successivement : secrétaire à la propagande de l’UD (janvier 1922), secrétaire provisoire, cosecrétaire avec A. Loiseau, secrétaire général après la constitution définitive du 24 décembre 1922. L’année suivante, le bureau était formé de Jouteau (secrétaire), Loiseau (secrétaire adjoint), Guérin-Vital (trésorier), Multeau (trésorier adjoint). L’Union avait son siège à la Bourse du Travail de Chauvigny et groupait dix-sept syndicats. Notons que la police n’y avait aucun indicateur : (« il n’a pas encore été possible de connaître les résolutions prises » rapport du 26 mars 1923, commissaire spécial, Arch. Nat. F7/13022).

Élu, au cours du IXe congrès, secrétaire de la Fédération nationale du Bâtiment en juillet 1923, Jouteau quitta Chauvigny pour rejoindre son poste à Paris (voir Épinette*). Marcel Moreau lui succéda à la tête de la Bourse du Travail et de l’Union locale CGTU de Chauvigny. Au cours du congrès du Bâtiment, il avait voté avec la majorité hostile au Parti communiste.

En mars 1924, Jouteau fut gérant du journal Le Travailleur du Bâtiment, organe des syndicalistes révolutionnaires hostiles aux communistes. Membre de la CE de la Fédération, il avait été délégué avec Quemerais, Blois, Feyssagnet, Frago, Jouve, Kock et Lepen à la réunion interconfédérale du Bâtiment, du 17 février à Paris, qui visait à une éventuelle réunification des deux fédérations du bâtiment CGT et CGTU et qui se solda par un échec (Le Travailleur du Bâtiment, mars 1924).

La Voix du Travail, bulletin mensuel de l’association internationale des travailleurs, octobre-novembre 1926, annonça la publication, par les soins de la Fédération du Bâtiment, de sa brochure : Le syndicalisme, son histoire, sa philosophie, son idéal.

Jouteau publiait fréquemment des vers militants (voir par exemple « Le 1er Mai » dans Le Prolétaire de la Vienne, 27 avril 1922) et il choisit cette forme littéraire pour exprimer ses réticences face à la politique de Front unique :

« Un vent de folie orientale

Voudrait grouper les insoumis

Unir les Internationales,

Les amis et les ennemis ;

Pour moi, j’abhorre ces disputes

Des jaunes, des rouges, des noirs

Le seul Front que j’aime et qui lutte

C’est le bloc rouge des espoirs. »

(Le Prolétaire de la Vienne, 3 août 1922).

En 1933, Paul Jouteau publia un livre intitulé Chauvigny et les Chauvinois, ouvrage orné de dessins, cartes et plans de l’auteur. Cette histoire de sa ville, des origines aux années trente, offre quelques pages sur l’histoire politique et sociale et sur la naissance du socialisme à la fin du XIXe siècle. "Les lenteurs des progrès républicains furent cause que votre serviteur, revenu de Paris, entreprit de grouper une solide phalange, les jeunes travailleurs. Une Jeunesse socialiste révolutionnaire, fondée en 1895, fit de nombreux adeptes sous les plis du drapeau rouge blanquiste. La même année, à son appel, les vieux républicains sincères se groupèrent et le Parti socialiste Chauvinois fut fondé." Il cite le noms de 41 militants qui marquèrent la vie socialiste.

Paul Jouteau s’était marié en août 1903 ; il était père de deux enfants.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article114669, notice JOUTEAU Paul, Louis, Joseph dit JOUTEAU Pol par Jean Maitron et Claude Pennetier, version mise en ligne le 24 novembre 2010, dernière modification le 16 avril 2020.

Par Jean Maitron et Claude Pennetier

ŒUVRE : Chauvigny et les Chauvinois réédité en 1993 par Gaston Servanty (255 p.).

SOURCES : Arch. Nat. F7/13022 et F7/13586. — Arch. Dép. de la Vienne, M 4/91, 442, 536, 540, M 12585 et 142 (d’après le DES de J. Marion, Le Mouvement ouvrier dans la Vienne, 1871-1914, Poitiers, 1963). — A. Kriegel, Aux origines du communisme français, 1914-1920, Paris, 1964. — Le Prolétaire de la Vienne 1923. — Notes de Jacques Girault.

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