Par Antoine Olivesi
Né et mort à Marseille (Bouches-du-Rhône), 15 février 1883-22 octobre 1940 ; machiniste de théâtre ; syndicaliste de Marseille.
Fils de la chanteuse Dugazon et d’un banquier de Brignolles (Var), Louis Jullien avait sept ans lorsque ses parents le légitimèrent par leur mariage. Il avait fallu attendre la mort du grand-père paternel qui s’était opposé jusqu’alors à cette union. Par sa mère, le jeune Louis connut l’amour de la musique. Il reçut une bonne éducation dans des écoles religieuses, où il se montra d’ailleurs mauvais élève, puis, son père ayant été ruiné, il dut travailler comme apprenti dans l’automobile, puis comme chauffeur-mécanicien. Mais, attiré par le théâtre, il entra comme aide figurant au Théâtre des Variétés puis resta dans cette profession.
Syndicaliste avant la Première Guerre mondiale, il milita à la Fédération du Spectacle et participa, en qualité de secrétaire de son syndicat depuis 1910, et de membre de la commission d’organisation, à la formation de l’Union départementale CGT des Bouches-du-Rhône au congrès constitutif de Marseille en mai 1913. Il faisait partie du conseil d’administration de l’UCSO (Union des chambres syndicales ouvrières) et collaborait à L’Ouvrier Syndiqué.
En 1914, Louis Jullien était chef du Nouveau Théâtre à Lyon mais il fut mobilisé dès le début de la guerre et rapidement réformé pour tuberculose. Son état de santé lui interdisait de travailler au théâtre. Il fut alors nommé secrétaire de l’Union départementale CGT des (Bouches-du-Rhône). À cette date, il adhéra au Parti socialiste SFIO au sein duquel il défendit des positions pacifistes.
Il fut délégué, en juillet 1918, au congrès national de la CGT à Versailles. À une séance du comité confédéral national de la CGT, il critiqua vivement l’annulation de l’ordre de grève générale décidée par Léon Jouhaux et le bureau, les 20 et 21 juillet 1919 : « Ou vous nous avez trompés avant, ou vous nous trompez maintenant », déclara-t-il (cité par Maurice Labi, La Grande division des travailleurs, op. cit., p. 122). Sur le plan local, il eut de la peine à calmer la base ouvrière opposée aux leaders réformistes, et il préféra d’ailleurs démissionner aussitôt de son poste de secrétaire de l’Union départementale. Il représenta, jusqu’au mois d’août, les minoritaires à la commission exécutive de l’UD.
Le 16 novembre 1919, Jullien fut candidat sur une liste « syndicaliste » d’extrême gauche (avec Claude Blanc, cheminot ; César Matton, ouvrier civil de la guerre ; Félix Cani, métallurgiste ; Werrhaegues, comptable) aux élections législatives, dans la première circonscription des Bouches-du-Rhône. Il recueillit 1 071 voix sur 126 846 inscrits (0,8 %) et 84 054 votants. La liste obtenait 1 064 voix de moyenne.
En février-mars 1920, il se prononça, au cours de nombreux meetings, en faveur de la grève générale. Sa participation au congrès confédéral CGT d’Orléans (XVe, 27 septembre-2 octobre 1920) lui permit d’apporter les mandats de la Fédération du Spectacle, des Choristes, de la Danse et des Machinistes (280 adhérents) à la motion Verdier. L’année suivante, au congrès confédéral CGT de Lille (25-30 juillet 1921), il fut également délégué par son syndicat, mais les voix de la Fédération se dispersèrent sur différentes motions : les musiciens (500), artistes lyriques (120), les opérateurs électriciens (30) et les danseurs (80) se prononcèrent pour la majorité, alors que les machinistes (120), les opérateurs électriciens (30) et les danseurs (80) votèrent pour les minoritaires. D’autre part, un délégué nommé Jullien — le même ? — vota pour la minorité au nom des chauffeurs d’automobiles.
En mai 1922, Jullien, employé à la Bourse du Travail de Marseille, « machiniste chômeur », disait avoir démissionné de son syndicat car il était, lui, favorable à la Révolution russe.
Par la suite, il semble qu’il ait réintégré la CGT car, en 1931-1932, Louis Jullien (sauf confusion avec un homonyme) était secrétaire de la Bourse du Travail de Marseille et responsable du Midi Syndicaliste, au bureau exécutif de l’Union départementale. Il écrivit un article sur la crise économique mondiale en janvier de cette année. Jullien participa également, le 1er Mai 1933, au nom de la CGT, avec Nédelec, qui représentait la CGTU, à un meeting unitaire, contre le fascisme et la politique sociale du gouvernement français, à Aix-en-Provence.
Le nom de Louis Jullien figurait toujours sur les listes électorales de Marseille en 1939 ayant comme indication de profession : « secrétaire de la Bourse du Travail ». Mais, sur l’Indicateur Marseillais 1935-1939, il apparaissait toujours dans le personnel municipal rattaché à l’Opéra de Marseille, avec rang de sous-chef machiniste.
Par Antoine Olivesi
SOURCES : Arch. Dép. Bouches-du-Rhône, II M3/54 ; M 6/3 851 (rapport des 8 et 9 juillet 1918) ; M 6/8 322 (rapport du 29 février 1920) ; M 6/10 827 (rapport du 13 mai 1913) ; XIV M 24/60 et 61. — Arch. Com. Marseille, listes électorales. — Le Petit Provençal, 1916, 1917, 1919, 1920, 1921, 1922. — L’Ouvrier syndiqué 1912 à 1914. — La Vague n° 101, 4 décembre 1919 (avec photo). — Le Midi Syndicaliste, janvier 1932. — P. Barrau, J. Bonnardel, D. Moulinard, J. Galanis, J. Mattei, M.-A. Stagliano, thèses et mémoires cit.