KAHN Émile, Joseph

Par Justinien Raymond

Né le 21 décembre 1876 à Paris (Xe arr.), mort le 21 janvier 1958 à Montpellier (Hérault) ; professeur et journaliste ; animateur de la Ligue des droits de l’Homme et du citoyen ; militant socialiste de la Seine.

Émile Kahn appartenait à une vieille famille parisienne de petits commerçants originaires d’Alsace. Il fit à Paris toutes ses études qui le conduisirent à l’agrégation d’histoire. Il y fit aussi toute sa carrière de professeur et enseigna notamment à l’école Arago.

Pour les contemporains des dernières années de sa vie, Émile Kahn incarnait la Ligue des droits de l’Homme et du citoyen (LDHC). Jeune étudiant secoué par l’affaire Dreyfus, il adhéra à la Ligue, à sa naissance même. Il fut un de ses plus ardents propagandistes jusqu’à son dernier souffle puisque c’est au cours d’une tournée hivernale en province qu’il dut subir l’opération chirurgicale qui lui coûta la vie. Il fut un ligueur type. Aussi gravit-il naturellement tous les échelons de sa hiérarchie : il entra au Comité central en 1909, fut vice-président de 1929 à 1932, secrétaire général de 1932 à 1953, président d’octobre 1953 à sa mort.

Mais le combat pour la liberté, pour la justice, pour tous les droits de l’Homme et du citoyen, Émile Kahn ne le livrait pas dans les nuées. Il le prolongeait par un combat dans la cité : de sa jeunesse à sa mort, il appartint au Parti socialiste SFIO et il n’en était pas un simple cotisant, même quand la présidence de la Ligue, qu’il voulait au-dessus des querelles de parti, lui imposa quelque réserve. Historien, il était aussi un journaliste né. En alternance avec Maurice Delépine*, il fut rédacteur en chef du Populaire, organe central de la SFIO. Il fut un collaborateur assidu de La Lumière, organe de l’Union des gauches. Après la Seconde Guerre mondiale, il aida à la résurrection de la Revue socialiste et appartint à son comité de rédaction. À deux reprises, il fut candidat du Parti socialiste SFIO aux élections législatives. En 1928, dans le XVIIIe arr. de Paris (2e circonscription : Clignancourt), il recueillit 6 185 et 7 040 voix (21,4 et 24,4 % des 28 872 inscrits), Sabatier, URD étant élu au second tour de scrutin. En 1932, dans le département de l’Ain (1re circonscription de Bourg), Émile Kahn obtint 1 719 voix (10 % des 17 111 inscrits) sur 14 721 votants. Il se désista pour Tony-Révillon, radical-socialiste qui battit le député de droite sortant, de Monicault.

Ce faisant, Kahn pratiquait l’Union des gauches à laquelle il resta toujours profondément attaché. Il l’entendit d’abord comme l’union du Parti socialiste et du Parti radical-socialiste. Avec Pierre Renaudel et Paul-Boncour, il aurait voulu la voir se poursuivre jusqu’au gouvernement : longtemps, avec la tendance de la Vie socialiste, il fut « participationniste ». Mais, au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, il défendit l’Union des gauches, avec la même ferveur quand elle signifiait la conjonction avec le Parti communiste, sans lequel, depuis 1936, la gauche ne pouvait plus prétendre être majoritaire en France.

Ce « ligueur » militant ne séparait pas les droits de l’Homme du droit des peuples : il le montra à propos de l’affaire algérienne. Comme il condamnait l’orientation du Parti socialiste vers une « troisième force », il n’approuva pas son attitude devant la revendication des Algériens à l’indépendance. C’est pour ne la cautionner à aucun titre qu’il quitta le comité de rédaction de la Revue socialiste, quelques années avant sa mort.
Émile Kahn avait été marié trois fois, le 29 mars 1906 en mairie du IXe arrondissement de Paris avec Suzanne Haymann-Goldsticker dite Haymann ; le 27 juin 1912 avec Julia Augustine Cartier aux Eaux Vives en Suisse. Enfin le 23 décembre 1937 il épousa Susanne Adèle Sophie Collette, professeur de lycée née dans le Nord, les témoins étaient Victor Basch, professeur honoraire à la Sorbonne, Président de la Ligue des Droits de l’Homme et de Georges Prévet, Inspecteur de l’Instruction Publique.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article114736, notice KAHN Émile, Joseph par Justinien Raymond, version mise en ligne le 24 novembre 2010, dernière modification le 21 mai 2021.

Par Justinien Raymond

SOURCES : Arch. Dép. Seine, D3 M2 n° 4. — Le Monde, 22 janvier 1958, 21 janvier 1965. — L’Humanité, 22 janvier 1958. — Jacques Kaiser : « Émile Kahn », Le Monde 23 janvier 1958. — J. Riès, « Émile Kahn », La Revue Socialiste, n° 114 de février 1958. — La Vie socialiste, 14 mai 1932. — G. Lachapelle, Les élections législatives de 1928. — Le Travailleur de l’Ain, 1932. — Le Progrès, janvier 1958. — H. Coston, Dictionnaire de la politique française, t. 2. — État civil numérisé V4E 3709, acte n° 5773 Paris (Xe arr.), notes de Daniel Grason.

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