KAHN Jacques

Par Jean Maitron

Né le 13 novembre 1913 à Paris (XXe arr.), mort le 8 février 1973 à l’hôpital de la Salpêtrière ; licencié en droit ; militant communiste ; résistant ; secrétaire politique d’André Marty de 1946 à 1952 ; rédacteur à l’Humanité (chef de rubrique économique).

Jacques Kahn en 1941
Jacques Kahn en 1941

Fils d’Émile Kahn*, Jacques Kahn poursuivit ses études supérieures en étant maître d’internat et obtint la licence ès lettres en 1934. Il entra comme rédacteur au ministère du Travail, et y demeura jusqu’à la guerre. En 1936, il avait adhéré au Parti communiste — il était membre de la CGT depuis 1931 — et avait été affecté à la cellule 728 du ministère. Il y fit connaissance de celle qui allait devenir sa femme, en 1937, Alice, alors membre du bureau du rayon, fille du grammairien Maurice Schön. Deux enfants naquirent après-guerre de cette union ; Jacqueline et un garçon. Fin 1937, Alice et Jacques suivirent l’école régionale du parti et notamment les cours de Georges Politzer* et de Jacques Solomon*. Ils firent grève le 30 novembre 1938 et Alice fut suspendue sans traitement puis réintégrée en fin d’année.

Mobilisé, prisonnier de guerre, Jacques s’évada en 1941. Militant illégal dès octobre 1941, il s’engagea dans les FTP en juillet 1942 à Montpellier. Devenu lieutenant FFI, il fut arrêté dans la nuit du 19 au 20 décembre 1942 près de Montpellier et condamné à vingt ans de travaux forcés, le 16 décembre 1943, par la Cour d’appel de Montpellier. Emprisonné à Montpellier puis à Eysses (Lot-et-Garonne), enfin à Compiègne (Oise) le 31 mai 1944, il fut déporté, le 8 juin 1944 à Dachau (Allemagne) d’où il revint le 17 mai 1945.

Après la Libération, il devint secrétaire politique d’André Marty* en 1946. Il le demeura jusqu’à « l’Affaire » en 1952. André Marty fut exclu par sa cellule le 23 décembre de cette même année. Sur ce que furent les rapports d’André Marty* et de Jacques Kahn, nous disposons essentiellement de trois sources.

En premier lieu le cadeau de prix que Jacques et Alice firent à André Marty* le 6 novembre 1949 à l’occasion de son 63e anniversaire. Il s’agit de l’exemplaire relié de l’édition originale en français du Livre premier du Capital de Marx remis « en témoignage de fraternel respect et de gratitude pour son enseignement et son haut exemple révolutionnaire ».

Trois ans plus tard, le 8 septembre 1952, une lettre signée Jacques Kahn, André Vidal, Ghislaine Villiers, Georgette Harcaut, Gilbert Oustry, Gustave Coquillaud, Jeannette Frischmann fut adressée à André Marty*, à la veille de son exclusion. Elle disait en substance ceci : « Quoi que vous fassiez, nous restons et nous resterons des militants combattant activement pour l’application des décisions de notre cher parti, dans la voie lumineuse qui mène vers le bonheur du peuple, la voie tracée par notre meilleur guide, Maurice Thorez, la voie de la fidélité aux enseignements du camarade Staline » (...) Nous attendons de vous que vous reconnaissiez la vérité et vous vous conformiez honnêtement aux décisions du Comité central ».

Nous disposons enfin d’un troisième document : Jacques Kahn a rédigé un ouvrage avant de mourir. Cet ouvrage inachevé, intitulé Persiste et signe comporte quelques pages consacrées à André Marty*. Voici, pour l’essentiel — cf. p. 129-132 — les lignes s’y rapportant : « La figure d’André Marty* a été grande. Il n’avait rien de Massard, l’imbécile borné, la brute inculte dont Hemingway donne l’image dans Pour qui sonne le glas. Hemingway, écrivain remarquable (même pour qui préfère Faulkner) a transcrit là ce qui se racontait dans les potins de bars ou d’ambassades et dans les bruits d’antichambres des états-majors. Le document littéraire est vrai dans la mesure où il enregistre que ces médisances avaient cours.

« André Marty* n’était pas ce fantoche. Il lui est arrivé d’être brutal, autoritaire, injuste et dur, fantasque, etc. Parfois faux dans ses appréciations. Non exempt de dissimulation. Mais ces agissements qui éclataient par bouffée, n’étaient pas permanents et d’autres caractéristiques assez extraordinaires existaient chez André Marty* : souvent, un flair étonnant ; une expérience très étendue ; une aptitude à sentir ce qui est populaire ; une haine authentique à l’égard des exploiteurs et des oppresseurs ; quelquefois, une intelligence ultra-rapide et énergique d’une situation complexe.

« Il était grand de capacités exceptionnelles. Grand aussi, en même temps, de déformations exceptionnelles, et pas seulement à la fin de sa vie. On s’est aperçu qu’il avait commis des actes indubitablement répréhensibles, fourni des calomnies par écrit à des adversaires déclarés des communistes contre des membres de la direction du parti. Les faits ont été établis par des hommes qui ont fait preuve, en des moments difficiles et cruciaux par la suite, d’une conscience exemplaire : ils ne peuvent être soupçonnés d’intrigue ou de coup monté.

« Mais ce qu’on aurait absolument dû éviter à son égard, ce furent les imputations calomnieuses, le qualifiant de policier, sans rapport avec les faits établis. »

Reprenons maintenant le fil des événements. Entré à la rédaction de l’Humanité en 1953 en qualité de responsable de la documentation, Jacques Kahn fut secrétaire général du journal en 1955-1956. Il fut envoyé spécial permanent à Hanoï de 1956 à 1959. À son retour, la direction de l’Humanité lui confia le poste de chef de la rubrique économique. Il appartenait en outre aux comités de rédaction d’Économie et Politique et des Cahiers du Communisme. Il fut maire de Châtillon-sous-Bagneux (Hauts-de-Seine) de 1965 à sa mort en 1973.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article114737, notice KAHN Jacques par Jean Maitron, version mise en ligne le 24 novembre 2010, dernière modification le 14 septembre 2018.

Par Jean Maitron

Jacques Kahn en 1941
Jacques Kahn en 1941

ŒUVRE : Aux Éditions sociales : La Participation, 1969. — Pour comprendre les crises monétaires, 1969, 2e édition, 1972. — Persiste et signe, préface d’Étienne Fajon*, 1973.

SOURCES : L’Humanité, 9 février 1973. — Le Monde, 10 février 1973. — Persiste et signe, op. cit.

ICONOGRAPHIE : Persiste et signe, op. cit.

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