LABONNE Victor [LABONNE Baptiste, Victor]

Par Jean Maitron, Claude Pennetier, complété par Guillaume Davranche et François Gaudin.

Né le 8 janvier 1877 à Tulle (Corrèze), mort le 2 octobre 1954 à Paris (VIe arr.) ; ajusteur mécanicien ; secrétaire du syndicat des Métaux de la Seine ; délégué au congrès constitutif de l’Internationale syndicale rouge (1921).

Les activités de Victor Labonne avant 1914 sont mal connues. Il appartenait à un groupe anarchiste à Bordeaux en 1905. Il fut condamné par défaut à un an de prison (avec sursis ?), à Poitiers le 25 avril 1906, pour coups donnés sans doute lors d’une grève. Il donna une conférence à la Bourse du travail, pour l’Union des métaux, le 26 janvier 1912. Le 28 juillet suivant, en tant que membre du conseil syndical du syndicat des métaux de la Seine, il cosigna un manifeste contre la loi Berry-Millerand, affirmant que le syndicat viendrait en aide aux jeunes camarades qui choisiraient la désertion pour échapper à la loi. Le manifeste exhortait également les femmes à faire la « grève des ventres ». Il se maria le 10 octobre 1912 à Paris (XXe arr.).

Mobilisé au début de la Première Guerre mondiale, il fut affecté spécial dans diverses usines de la région parisienne. Son adresse était, entre 1914 et 1920 au moins, 37 rue Mazarine dans le VIe arr. de Paris. De 1916 à 1918, sa femme tint un dépôt de pain « Paris-Médoc » , au 31 de cette rue.

En août 1920, il signa un appel du syndicat des métaux qui dénonçait en Une de L’Humanité la vente à la Pologne de moteurs d’avions. Il demandait « aux ouvriers de chez Karman de ne pas continuer cette fabrication qui ne sert qu’à tuer les nôtres et nos frères de Russie. » En août 1920, secrétaire du syndicat des ouvriers et ouvrières sur métaux du département de la Seine (section technique de la mécanique), Victor Labonne occupait la fonction de trésorier par intérim du Comité des syndicats minoritaires (dit aussi Comité de défense syndicaliste) en remplacement de Jules Gué (celui-ci prenait au secrétariat la place de Pierre Monatte, emprisonné). La police le qualifiait de « syndicaliste révolutionnaire extrémiste » et soulignait la « violence de ses propos » (Arch PPo. 296, 21 août 1920). De fait, les extraits de ses discours prononcés au Pré-Saint-Gervais le 13 août 1920 et à Asnières le lendemain indiquaient une volonté de s’opposer par l’insurrection populaire à la guerre contre la République des soviets. Son nom apparaît pour la première fois dans les congrès confédéraux à Orléans (27 septembre-2 octobre 1920). Il prit encore la parole le 28 octobre, à Alfortville, pour le Conseil central des métaux.

Trésorier du Comité de secours à la famille Vergeat, trésorier du Comité central des Comités syndicalistes révolutionnaires (CSR) en mars 1921, permanent, Victor Labonne fit partie de la délégation française au premier congrès de l’Internationale syndicale rouge (Moscou, 3 au 19 juillet 1921), avec Jean Gaudeaux, Gaye, Victor Godonnèche, Michel Kneller, Claudine et Albert Lemoine, Henri Sirolle et Joseph Tommasi. On sait qu’Alfred Rosmer critiqua le travail de cette « équipe », « composée d’anarchistes remuants et en proie à des dissensions » (Les Archives Monatte, p. 291). Le procès-verbal d’une réunion privée tenue le 13 août 1921 avec la délégation et des membres du bureau de l’ISR, permet de saisir la position personnelle de Labonne : partisan de l’autonomie syndicale, il acceptait l’adhésion à l’ISR mais en dénonçant les « fautes » commises par « Moscou » (en particulier les lettres de Zinoviev) et la situation du mouvement syndical en Russie. Resté à Moscou, il ne put assister au congrès national de la CGT à Lille (25 au 30 juillet 1921).

De retour en France, il affirma : « le syndicalisme français doit répudier l’Internationale d’Amsterdam et se diriger vers celle de Moscou » (F7/13775, rapport du 6 novembre 1921).

Il semble donc qu’il ait été favorable à la motion Monmousseau au Ier congrès de la CGTU à Saint-Étienne, en juin 1922, même s’il ne figura pas parmi les délégués. En octobre 1923, il se situait dans la minorité structurée par les Groupes syndicalistes révolutionnaires (GSR, voir Benoît Broutchoux) puisque, à l’approche du congrès de Bourges, les GSR le présentèrent sur leur liste de candidats à la commission exécutive confédérale de la CGTU. Là encore, il ne fut pas délégué au congrès confédéral.

En avril, avec d’autres minoritaires – Guillaume Verdier, Pothion, Benoît Broutchoux – il tenta en vain de renverser le conseil d’administration de la coopérative La Famille nouvelle, également passé sous le contrôle du PCF. Le conflit fut alors porté devant la justice par les communistes. Le 6 février 1923, il prit la parole à l’hôtel des Sociétés savantes pour dénoncer la « politique de provocation guerrière et sociale de Poincaré ».

Vers cette période, il anima, avec Eugène Humbert, la Librairie du progrès, fondée par Maurice Lachâtre, qu’Eugène Merle, ami de la fille du libraire-éditeur, continua rue Montmartre, et qui diffusait des publications anticléricales et néo-malthusiennes. Par la suite, Victor Labonne s’en occupa seul de 1926 à 1928. Son nom ne figure pas dans les comptes rendus des congrès nationaux de la CGTU et rien n’indique qu’il ait joué un rôle dirigeant à la CGT-SR. Il soutint une souscription pour La Révolution prolétarienne, en 1927 et, en janvier 1933, pour soutenir « la Phalange d’honneur » du Cri du peuple.

Une seule mention permet de reconstituer une partie de son itinéraire : le journal de René Belin, Syndicats, publia le 18 octobre 1939 un article de Victor Labonne, ancien militant de la CGTU, « syndicaliste révolutionnaire », présent à Moscou lors de la constitution de l’ISR où il s’opposa à Rosmer « alors représentant de l’orthodoxie bolchevique » et vota contre « la direction unique parti-syndicat ». Il s’y élevait contre la colonisation de la CGT par le PC.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article114877, notice LABONNE Victor [LABONNE Baptiste, Victor] par Jean Maitron, Claude Pennetier, complété par Guillaume Davranche et François Gaudin., version mise en ligne le 24 novembre 2010, dernière modification le 17 octobre 2021.

Par Jean Maitron, Claude Pennetier, complété par Guillaume Davranche et François Gaudin.

SOURCES : Arch. Nat. F7/12987, F7/13618, F7/13715. — Arch. PPo. BA/882, carton 296, 21 août 1920. — Syndicats, 18 octobre 1939. — Le Libertaire, 29 juillet au 5 août 1921 — L’Humanité, 1922-1924. — S. Jospin, La CGT-SR., Mémoire de Maîtrise, 1974. — Syndicalisme révolutionnaire et communisme, les archives de Pierre Monatte, présentées par Jean Maitron et Colette Chambelland, Maspero, 1968. – La Révolution prolétarienne, 15 septembre 1927, p. 16. – Bulletin communiste, 13 octobre 1921, n° 43, cité dans le « Sommaire des numéros du Bulletin communiste : 1920-1924 », Les Cahiers du CERMTRI, 1984. – Jeanne Humbert, Eugène Humbert. la vie et l’œuvre d’un néo-malthusien, éd. La grande réforme, Paris, 1947.

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