LABOURBE Jeanne [LABOURBE Marie dite Jeanne]

Par Jean Maitron

Née le 8 avril 1877 à Lapalisse (Allier), assassinée à Odessa dans la nuit du 1er au 2 mars 1919 par des « Blancs » pour avoir défendu la cause soviétique.

Jeanne Labourbe
Jeanne Labourbe

Fille d’un journalier, républicain avancé, qui soutint en 1876, aux élections législatives, la candidature radicale de Ceorges Gallay, vieux lutteur de 48 et de 51, Jeanne Labourbe vécut son enfance et son adolescence partageant ses jours entre l’école, les menus travaux à la maison, la garde des animaux à la pâture jusqu’à ce qu’elle entre en apprentissage du métier de repasseuse.

En ce temps-là, il était courant que les familles riches de Russie recherchent en France des jeunes filles ou jeunes femmes pour tenir le rôle de femmes de chambre et d’éducatrices d’enfants. C’est ainsi qu’en 1894, âgée de dix-sept ans, Jeanne Labourbe partit pour la Pologne russe. Esprit curieux, elle s’intéressa à la lutte nationale des Polonais, aux luttes sociales des travailleurs.

En 1903, Jeanne Labourbe revint en France et se présenta à l’examen du brevet élémentaire dans l’espoir de pouvoir ensuite enseigner. Mais, ayant échoué, elle retourna en Pologne où elle put devenir institutrice privée. Elle se lia avec la famille d’un déporté politique russe et entra elle-même dans l’activité clandestine révolutionnaire. Lors de la révolution de 1905, elle donna son adhésion au Parti social-démocrate. Son rôle militant s’accrut et elle s’acquitta de liaisons internationales. Expulsée fin 1905, elle réussit à revenir en Russie puis passa deux mois en France en 1907. De retour en Russie, elle épousa un militant V. Marcovitch et se trouvait à Moscou lorsque se produisirent les événements de 1917. En août 1918, ayant pris contact avec Jacques Sadoul, elle fut une des créatrices du Collège communiste étranger, ralliant des Français puis des militants d’autres nationalités autour de la IIIe Internationale. Au nombre des Français, citons avec Jeanne Labourbe, Rosalie Barberet (ou Barberey) institutrice et fille d’une Communarde, son fils Henri alors âgé de dix-huit ans, le capitaine Jacques Sadoul, le lieutenant Pierre Pascal, les soldats Marcel Body, Raoul Chapoan, Robert Petit et sa femme Marie-Louise Petit, institutrice, Inessa Armand. En mars 1919 Suzanne Girault, venant de Kiev, adhéra au groupe qui avait fait paraître IIIe Internationale dont le premier numéro est daté du 28 octobre 1918.

Fin 1918, l’intervention française se précisant en mer Noire, Jeanne Labourbe demanda à être envoyée dans le port d’Odessa afin de prendre contact avec soldats et marins et favoriser la fraternisation. Cachée chez une vieille militante elle s’employait à répandre tracts, brochures et à diffuser Le Communiste qu’elle rédigeait avec Henri Barberet, fils de sa camarade de Moscou. Cette activité attira l’attention des Russes blancs qui occupaient la ville. Le 1er mars au soir, des officiers russes et français firent irruption dans les locaux où se trouvaient notamment Jeanne Labourbe, sa logeuse et ses deux jeunes filles de dix-neuf et vingt et un ans. Après perquisition et saisie du matériel imprimé, les femmes furent emmenées à la Sûreté militaire. Torturées, elles furent ensuite entraînées au cimetière israélite et abattues à coups de revolver. Les cadavres, défigurés, furent par la suite difficilement identifiés et on ne reconnut Jeanne Labourbe qu’à ses cheveux courts et ondulés et à son vieux paletot de cuir.

Le 5 avril, les révolutionnaires reprenaient la ville et des funérailles solennelles furent organisées en l’honneur de Jeanne Labourbe et de ses camarades.
Un monument à Odessa a été élevé à sa mémoire et des voies publiques portent son nom.
Une carte postale dans la série « Les heures glorieuses de la Mer Noire », 30e anniversaire 1919-1949, a été éditée avec son portrait (voir photo ci-dessus).

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article114903, notice LABOURBE Jeanne [LABOURBE Marie dite Jeanne] par Jean Maitron, version mise en ligne le 24 novembre 2010, dernière modification le 2 mars 2022.

Par Jean Maitron

Jeanne Labourbe
Jeanne Labourbe

SOURCES : État civil de Lapalisse. — A. Marty, La Révolte de la mer Noire, Édit. Sociales, 1949 et notes. — Articles : l’Humanité, 11 août 1919, L’Internationale de Péricat, juin 1919, La Vie Ouvrière, 23 juillet 1919. — J. Fréville, Inessa Armand, op. cit. p. 137 et suivantes. — J. Fréville, « Une révolutionnaire française de la Révolution russe : Jeanne Labourbe « , Cahier de l’institut M. Thorez, n° 13, 1er trimestre 1969. — Notes de G. Rougeron.

rebonds ?
Les rebonds proposent trois biographies choisies aléatoirement en fonction de similarités thématiques (dictionnaires), chronologiques (périodes), géographiques (département) et socioprofessionnelles.
fiches auteur-e-s
Version imprimable