LABRUNIE Émile [LABRUNIE Jean, Marie, Émile]

Par Jacques Girault, Jean Maitron, Claude Pennetier

Né le 21 août 1896 à Saint-Barthélémy d’Agenais (Lot-et-Garonne), mort le 28 avril 1980 à Marmande (Lot-et-Garonne) ; instituteur ; militant syndicaliste FUE et SNI ; militant communiste du Lot-et-Garonne, conseiller général de Marmande.

Fils d’un facteur rural des postes et d’une future couturière, Émile Labrunie reçut les premiers sacrements catholiques et cessa de croire à l’adolescence. Il fréquenta l’école primaire supérieure d’Aiguillon et entra à l’École normale d’instituteurs de Montauban (Tarn-et-Garonne), dans la section du Lot-et-Garonne, en 1913. Mobilisé dans l’infanterie en avril 1915, il fut démobilisé en août 1919. Après avoir été instituteur rural de 1919 à 1924 et secrétaire de mairie (1922-1924), il fut nommé à Marmande en octobre 1924.

Émile Labrunie adhéra en 1919 à l’Amicale des instituteurs du Lot-et-Garonne, qui se transforma en syndicat. Il fut délégué en septembre 1921 à la commission permanente nationale des Amicales. Le 5 février 1925, il participa à la constitution du syndicat affilié à la Fédération CGTU de l’Enseignement, dont il fut secrétaire. Le Syndicat national le conserva cependant à son conseil syndical départemental. Sa double affiliation dura jusqu’à la fusion des deux syndicats dans le SNI à la fin de 1935. Il participa à la fondation de l’Union locale CGTU de Marmande et fut le secrétaire du congrès constitutif du 30 mai 1926 à 1930.

Il se maria religieusement le 4 août 1921 à Tonneins (Lot-et-Garonne), avec une employée des PTT, catholique pratiquante, fille d‘un coiffeur et d’une ouvrière à la manufacture des tabacs de Tonneins. Le couple eut deux filles qui furent seulement baptisées.

Émile Labrunie était, en 1926, secrétaire du groupe départemental des Jeunes de l’enseignement et de 1926 à 1928, secrétaire général de son Comité central. Abonné à L’École émancipée de 1920 à 1936, il signa dans l’Humanité des articles corporatifs au nom des Jeunes de l’enseignement, notamment sur la question des traitements. Délégué à tous les congrès nationaux de la Fédération unitaire de l’enseignement, il y défendit les positions de la majorité confédérale. Secrétaire de l’UL-CGTU de Marmande de 1926 à 1930, il participa au congrès national de la CGTU tenu à Bordeaux (19-24 septembre 1927).

Membre du Parti communiste depuis juillet 1925, sous l’influence de Renaud-Jean, Labrunie fut membre du bureau du rayon du Lot-et-Garonne de 1925 à 1929 puis secrétaire de 1929 à 1934 et assuma dès 1929 la responsabilité du journal Le Travailleur du Sud-Ouest. De 1934 à 1936, il fut au bureau de la région bordelaise, puis au bureau régional de la nouvelle région Lot-et-Garonne. Il contesta certains aspects de la politique « classe contre classe ». À la conférence régionale de 1928, intervenant sur le fonctionnement du Parti communiste dans le Lot-et-Garonne, il concluait à son effacement, appréciation discutée lors d’une réunion du bureau politique le 14 décembre 1928. À la conférence de la région communiste bordelaise, le 21 février 1932, il vota la résolution mais avec des réserves « portant uniquement sur un point de tactique concernant la question électorale ». Le congrès du rayon du Lot-et-Garonne de novembre 1932 décida la création, à partir du 1er janvier 1933 d’un sous-rayon de Villeneuve-sur-Lot dirigé par Labrunie. Il succéda vers cette époque à Robert Philippot comme secrétaire du rayon du Lot-et-Garonne, responsabilité qu’il conserva peu de temps d’autant qu’il habitait, à la suite de sanctions administratives, en 1935, Morizes (Gironde) où travaillait son épouse.

Secrétaire du cartel des fonctionnaires du Lot-et-Garonne, dirigeant de la Fédération départementale des comités de lutte contre la guerre, Labrunie assista au congrès contre la guerre d’Amsterdam (27-29 août 1932). Il redevint membre de la Ligue des droits de l’Homme en 1930 après en avoir démissionné en 1925 pour suivre les mots d’ordre du Parti communiste. L’administration académique le menaça de déplacement d’office en décembre 1934, en lui reprochant d’avoir fait de la propagande parmi les élèves de l’école laïque pour le patronage prolétarien et d’avoir mis en doute la neutralité des Éclaireurs de France, organisation parrainée par son inspecteur. Le 22 décembre 1934, sept mille personnes, selon les organisateurs, manifestèrent dans les rues de Marmande pour le soutenir. Il fut cependant muté d’office à Sainte-Abondance, commune de Virazeil en janvier 1935, puis à Samazan enfin à Sainte-Bazeille avant de retrouver son poste en octobre 1936 à Marmande. Il fut révoqué de son grade de lieutenant de réserve par décision ministérielle du 16 avril 1935 pour « faute grave en dehors du service ».

Le Parti communiste le présenta aux élections législatives des 1er et 8 mai 1932 dans la circonscription de Nérac où il recueillit 2113 voix sur 13 325 électeurs inscrits puis 1 989 voix au second tour. Candidat au conseil général dans le canton de Casteljaloux en 1934, il obtint 733 voix sur 1 552 votants. Lors de la réunion du comité de la région communiste bordelaise, le 5 janvier 1936, Labrunie proposa une motion sur la tactique électorale à propos de l’élection au Conseil général à Marmande qu’Étienne Fajon, qui suivait la région, fit repousser. Selon son témoignage, Louis Aurin refusa la proposition de la direction nationale du Parti communiste d’être candidat aux élections législatives d’avril 1936. Aurin écrivait que Labrunie était un « résistant déclaré à la formule de Front populaire » d’autant qu’il avait accepté difficilement la nouvelle politique après la déclaration de Staline à Laval en 1935 : « la section marmandaise du PC était si troublée qu’il a fallu que J. Duclos vînt expliquer la nécessité de la défense nationale ». Finalement, candidat dans la circonscription de Nérac les 26 avril et 3 mai 1936, il recueillit 3 245 voix sur 12 924 inscrits et se maintint au second tour contre le seul concurrent, le radical-socialiste Paul Courrent. Son nombre de voix tomba à 2 417.

Il resta jusqu’à la guerre la cheville ouvrière du communisme dans le Lot-et-Garonne, comme secrétaire du rayon puis de la région communiste (Lot-et-Garonne et Gers) de 1937 à décembre 1938. Dans son autobiographie du 28 juillet 1937, il déclarait que, pendant ses douze années de parti, « ayant toujours occupé des postes responsables, [il avait] toujours gardé vis-à-vis du parti ou de ses militants l’esprit de libre examen, tout en respectant la plus stricte discipline ».

Émile Labrunie joua un rôle national dans les syndicats de l’enseignement. Il fit partie en 1934 d’une délégation de trois membres chargés par le congrès de Montpellier de la FUE d’aller proposer l’unification au congrès du SNI réuni à Nice et fut délégué en 1935 au congrès d’unité de la Fédération générale de l’enseignement. Au congrès du SNI de Lille (3-5 août 1936), il combattit les positions pacifistes du secrétaire général André Delmas et déclara qu’il fallait faire une distinction entre armée et militarisme : « J’estime qu’il y a des circonstances où l’armée s’écarte du militarisme, c’est quand le peuple a arraché le contrôle de cette armée à la bourgeoisie ». Il fut aussi délégué au congrès national de Paris en 1937. Le 30 novembre 1938, comme l’ensemble des militants, il dut ne pas grève, celle-ci ayant été annulée par la section départementale du SNI. La veille, au siège parisien du Parti communiste, lors de la réunion des secrétaires régionaux, on lui avait fait remarquer qu’il aurait dû être dans son département, ce qu’il fit dans la nuit du 29 au 30. À son arrivée, il constata la démobilisation syndicale. La direction du Parti communiste contesta son attitude explicable, selon lui, par « le sabotage » de la grève par la direction du SNI. Après avoir été écarté de la responsabilité de secrétaire régional, il la reprit dans l’été 1939 après les protestations des communistes locaux.

Émile Labrunie, titulaire du « fascicule bleu », ne fut pas mobilisé à l’automne 1939. Le Préfet le convoqua, le 30 janvier 1940, pour lui demander s’il condamnait le Pacte germano-soviétique. Sa réponse étant négative, on le révoqua de l’enseignement sur le champ. La section départementale du SNI prononça son exclusion au début du mois de février. Selon Roger Pestourie, « Labrunie m’expliquait longuement le caractère impérialiste de cette guerre [...] Son attachement pour l’URSS était sans faille. Lorsque celle-ci reprit possession de son territoire de Bielorussie et d’Ukraine annexé en 1921, il m’expliqua pourquoi cette décision était normale et nécessaire. » (op. cit. p. 21-22). Labrunie fut placé en résidence surveillée à Ally (Cantal) en mai 1940 tandis que sa femme, receveuse des postes en Gironde, était déplacée dans la même commune. Arrêté le 2 décembre 1940, il fut interné aux centres de séjour surveillé de Gurs, Nexon, Sisteron, Saint-Sulpice-la-Pointe puis déporté en Algérie le 3 mars 1941 (Djelfa, Bossuet) et libéré le 14 juillet 1942 après un deuil familial. Il milita rapidement dans la Résistance en Haute-Auvergne puis, en avril 1944, participa à Lyon au triangle de direction du Front national des instituteurs et reconstitua les sections clandestines SNI de la Loire, du Rhône, de la Creuse, de la Haute-Garonne, des Bouches-du-Rhône. De retour à Lyon en mai 1944, il travailla à la réorganisation du comité militaire FTP et fut mêlé aux préparatifs de la Libération de Lyon. Il fit, comme colonel FFI, des conférences sur les relations entre la Résistance et le corps enseignant. Il rédigea dans la clandestinité un journal, L’École de Bara.

Labrunie, dans le premier numéro légal de L’École libératrice en septembre 1944, membre du « comité directeur du syndicat clandestin », signait l’appel à reconstituer un Syndicat national des instituteurs. Lors de la réunion du bureau politique du Parti communiste français du 5 octobre 1944, il fut désigné comme un des cinq responsables des instituteurs communistes pour la préparation de l’assemblée générale du SNI qui devait consacrer la renaissance du syndicat dans la région parisienne.

Habitant désormais Le Mas-d’Agenais, près de Marmande, il entra au bureau national du SNI en décembre 1944 et y resta jusqu’à sa retraite à la fin de l’année 1951. Lors de la réunion du BN du SNI, le 17 janvier 1946, il exprima son accord avec la déclaration lue par Paul Delanoue des cinq membres qui regrettaient que leur courant qui, en accord avec la direction de la CGT, s’estimaient sous-représentés mais déclaraient continuer à travailler à condition que le SNI ait une vie démocratique. Le 25 octobre 1946, les commissions du BN furent réorganisées. Il devint l’adjoint d’Henri Aigueperse dans la commission des affaires corporatives et figurait dans les commissions des relations internationales, des finances, des œuvres post et périscolaires. Lors de la réunion du BN, le 12 janvier 1950, il devint membre des commissions des affaires corporatives, des affaires administratives, d’action laïque et de l’Union française.

Pour la première fois, les élections du BN se firent à la proportionnelle. Labrunie fut réélu, lors de la réunion du conseil national, le 28 décembre 1947, sur la liste B « pour un syndicalisme indépendant démocratique et efficace » conduite par Delanoue, « secrétaire de la FEN ». Réélu en 1948, candidat en quatrième position sur la liste B « Par l’unité et l’action, nous œuvrerons à la sauvegarde de l’école, de la liberté et de la paix », les membres du conseil national du 27 décembre 1949 le réélurent en le plaçant en première place des élus « cégétistes ». Il devint dès lors le porte-parole de la tendance et il annonça au congrès, le 19 juillet 1950, que ses partisans voteraient contre le rapport moral.

Lors des débats sur les choix que les enseignants devaient faire dans la scission syndicale, Labrunie intervint fermement. Il signa un article dans L’École libératrice, le 29 janvier 1948, « Notre maintien à la CGT est la meilleure sauvegarde du maximum d’unité dans le maximum d’efficacité ». Lors du congrès national (22-24 mars 1948), dans le débat sur les questions corporatives, il critiqua les réactions du BN lors de la grève de Paris et à propos de l’indemnité de résidence. Quand la décision de l’autonomie fut prise, il déclara, lors d’une réunion du BN, le 14 avril 1948, qu’il n’y avait pas d’incompatibilité entre le militantisme au SNI et à la FEN-CGT et que la cohabitation était possible. Devant le refus d’Aigueperse, il déclara quitter la réunion. En ce sens, il apparut comme un des plus chauds partisans du développement de la FEN-CGT dont il devint un des principaux dirigeants. Membre du bureau fédéral, puis de la commission administrative, il intervenait dans ses congrès et écrivait dans sa presse.

Les interventions de Labrunie, comme dirigeant du SNI, furent nombreuses. Lors de la réunion du conseil national, le 19 juillet 1945, il présenta un rapport sur le logement des instituteurs, thème qu’il développa souvent, avec la question de l’indemnité de résidence, dans la presse syndicale ou dans diverses réunions. Pour le congrès de Grenoble, il fut désigné comme rapporteur sur les questions du logement et de la formation prémilitaire. La motion qu’il présenta sur la formation prémilitaire, le 27 juillet 1946, obtint 612 mandats alors que celle soutenue par Juliette Harzelec (École émancipée) en recueillait 544, et que 134 mandats furent portés en abstention. Il intervenait par des articles de L’École libératrice sur l’indemnité de résidence, la préparation militaire, « L’éducation civique de la jeunesse » (20 avril 1947) et dans une série d’articles intitulés « Nos écoles se meurent » dans lesquels il décrivait l’état des locaux scolaires, « Participons à la défense de la Sécurité sociale » (23 novembre 1951).

Labrunie présida plusieurs séances des congrès nationaux du SNI (28 décembre 1945, 24 juillet 1946, 20 juillet 1950, 19 juillet 1951) ou du conseil national (27 décembre 1951). Lors de la réunion du BN du 5 mai 1946, désigné comme candidat du SNI pour le Conseil supérieur de l’enseignement primaire, il fut élu un mois plus tard dans le collège des instituteurs adjoints. Il fut nommé, en 1946, par le ministère, au Conseil d’éducation populaire et des sports.

Au titre de la motion « Bouches-du-Rhône », Labrunie siégeait à la commission administrative nationale de la Fédération de l’Éducation nationale à partir de 1946. À la fin de 1947, lors d’une réunion de la CA, il proposa de défendre l’école publique en réglant la question des postes déshérités, en établissant un plan de constructions scolaires et un aménagement de l’indemnité de résidence pour les enseignants ruraux.

Lors de sa dernière participation à une réunion du BN du SNI, le 9 janvier 1952, selon le compte rendu de L’École libératrice, Labrunie demanda « à tous, et en particulier à ses camarades cégétistes, de ne jamais se considérer comme faisant partie d’un groupement particulier ayant ses mots d’ordre ».

Émile Labrunie ne retrouva pas de responsabilité importante dans le Parti communiste français. Dans son rapport devant le comité central du PCF, les 3-4 novembre 1945, Maurice Thorez, notait en effet qu’il avait signé, pour être libéré en 1942, une « reconnaissance à Pétain ». Il siégea au conseil général du Lot-et-Garonne de 1945 à 1949. Il représenta le conseil général au conseil départemental de l’enseignement primaire et au comité de patronage des habitations à bon marché. En 1946-1948, vice-président de la commission départementale, membre de la commission de l’éducation, il présida la commission des finances.

Parallèlement à son activité au SNI, Labrunie assurait le secrétariat juridique de l’union locale CGT de Marmande. Il fut élu, selon certaines sources, au conseil général du Lot-et-Garonne de 1945 à 1948. Pendant cette période, il se lia d’amitié avec l’ancien dirigeant socialiste devenu militant communiste de Marmande, Jean Zyromski. Il restait très actif dans les années 1970 en tant que secrétaire juridique de l’Union locale CGT.

Au milieu des années 1950, son épouse étant receveuse des postes à Arès (Gironde). Émile Labrunie, correspondant de SUDEL, maison d’éditions du SNI, se déplaçait dans tout le Sud-Ouest.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article114946, notice LABRUNIE Émile [LABRUNIE Jean, Marie, Émile] par Jacques Girault, Jean Maitron, Claude Pennetier, version mise en ligne le 24 novembre 2010, dernière modification le 9 août 2021.

Par Jacques Girault, Jean Maitron, Claude Pennetier

SOURCES : Arch. Nat. F7/13000, 13035, 13129, 13747, F7/13790. — Arch. Dép. Lot-et-Garonne, cabinet du préfet, n° 8, Conseil général (J. Mortéra). – Arch. Dép. Seine-Saint-Denis, fonds PCF, microfilm 279. Arch. PPo. 50. — RGASPI, Moscou, des Archives du Komintern, 495 270 3209, Autobiographie, le 28 juillet 1937, 517 1 1815, 190. — Arch. Jean Zyromski (CHS du XXe siècle). — Le Travailleur du Sud-Ouest, 1926-1932. — Presse syndicale nationale. – DBMOF, notice par J. Maitron et Cl . Pennetier. — Paul Delanoue, Les Enseignants…, op. cit. — Roger Pestourie, La Résistance, c’était cela aussi, Paris, Éditions sociales, 1969. — Les communistes du Lot-et-Garonne dans la Résistance, Agen, 1984. — Témoignage d’E. Labrunie recueilli par J. Girault en 1975-1976. —Témoignages de Paul Delanoue et Louis Aurin. — État civil de Saint-Barthélémy-d’Agenais. — Note de Jean-François Clopeau.

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