LABRUX Camille, Louis

Par Maurice Moissonnier

Né le 23 décembre 1911 à Saint-Dié (Vosges). Métallurgiste, militant de la CGTU dans la région parisienne et dans le Poitou, adhérant du Parti communiste à la veille de la Seconde Guerre mondiale, militant du Parti communiste clandestin et de la CGT illégale aux usines Berliet à Vénissieux (Rhône). Résistant, déporté.

Fils de Camille Auguste Labrux (né en 1892), ouvrier polisseur sur granit, et de Jeanne Dardaine (née en 1893), ouvrière fileuse, Camille Louis Labrux fut fortement marqué dans sa jeunesse par les conséquences de la Première Guerre mondiale. Entre trois et huit ans, il vécut avec son frère les dures conditions infligées aux populations de la zone des armées. Vers 1917, les enfants vécurent le plus clair de leur temps dans une garderie installée dans les sous-sols d’un hôpital militaire, adoptés par des militaires convalescents qui les nourrissaient. Le retour du père, en 1919, s’accompagna d’une reprise en mains familiale difficile. Fortement perturbé, le jeune Camille Labrux n’accéda pas à la classe du Certificat d’études et, à douze ans et demi, il entra dans un petit atelier de serrurerie où il apprit son métier sous la houlette de deux compagnons aux idées anarchisantes. A dix-sept ans, en 1928, il prit sa première carte à la CGTU.

L’année suivante, par goût de l’aventure, il quitta les Vosges avec trois autres camarades pour aller travailler à Paris. Malgré la crise économique commençante, Camille Labrux trouva du travail comme soudeur et, au début de 1930, il reprit son métier de serrurier dans un atelier de la rue de Bagnolet, XXe arr., puis, en 1931, rue Orfila dans le même arrondissement. Il conserva cette place jusqu’au lendemain des grandes grèves de 1936, le patron se saisissant du premier prétexte pour se débarrasser d’un ouvrier qu’il considérait comme un meneur.

Camille Labrux s’était marié en août 1932 et deux mois plus tard avait été appelé sous les drapeaux où il fut affecté au 20e BOA à Strasbourg puis à l’arsenal d’Epinal. Un premier enfant naquit à son foyer le 3 juillet 1933, un deuxième le 7 mars 1935 et un troisième le 22 novembre 1936.

Après son licenciement, jusqu’en mars 1937, Camille Labrux travailla dans trois autres ateliers parisiens, puis le jeune couple s’établit à Saint-Secondin (Vienne) où le beau-père de Labrux était artisan-menuisier. En mai 1937, Camille Labrux trouva à Poitiers un emploi de serrurier dans une coopérative ouvrière mais, le mois suivant, sa femme qui s’opposait à ses activités syndicales le quitta pour retourner à Paris. Il reçut en ces circonstances l’appui de sa belle famille, son beau-père, militant communiste, l’encourageait à poursuivre son action et Labrux obtint facilement le divorce en même temps que la garde des trois enfants puisque sa femme fut déchue de ses droits maternels. Plus rien ne freinant son engagement syndical, il devint, dès la fin de 1937, secrétaire des serruriers unitaires de Poitiers ; en 1938 il consacra une grande part de son temps à l’organisation de la solidarité aux réfugiés espagnols. Au cours de l’été, il adhéra au Parti communiste et se heurta avec violence aux Croix de Feu qui développaient dans la ville beaucoup d’initiatives. Après la grève du 30 novembre, il connut, sans qu’il s’en suivit d’inculpation, ses premières difficultés avec la police ; vendeur de l’Humanité dans les rues de Poitiers, il eut plusieurs fois l’occasion d’en venir aux mains avec les hommes des Ligues. Afin de prendre du champ avec une ville où il était trop connu, Camille Labrux vint s’installer à la fin de juin 1939 à Lyon et fut muté à la cellule communiste de Saint-Paul, quartier du vieux Lyon.

Au moment de la déclaration de guerre, se croyant mobilisable, il retourna à Poitiers pour revoir ses enfants dont sa belle-famille assurait l’éducation mais, la veille de son retour à Lyon, à la suite d’une provocation des Croix de feu dans un café, il fut arrêté et condamné à quatre mois de prison pour attentat à la sécurité du territoire. Il fit ainsi trois mois de prison à Poitiers du 11 septembre au 10 décembre 1939.

À son retour à Lyon, il fut affecté spécial dans une petite serrurerie de la rue Moncey qui travaillait pour l’armée. Il ne fut pas envoyé au front en raison de ses charges de famille. Après la débâcle de 1940, il entra comme serrurier à l’entretien aux usines Berliet de Vénissieux (Rhône). Dès le mois de septembre, il fit partie d’un « groupe de trois » du Parti communiste clandestin avec Escoffier, responsable du « triangle » et la femme de Paul Mille*. Jusqu’en décembre, le groupe publia à la ronéo et distribua la Voix du Peuple clandestine, mais l’arrestation d’Escoffier mit fin à cette activité. En janvier 1941, il passa à l’organisation clandestine de l’usine Berliet et Louis Aulagne*, le chargea de prendre en main le travail syndical. Il devint ainsi, en liaison avec Marius Tardivier* responsable légal du syndicat des métaux et dirigeant de la CGT illégale. Dans l’exercice de ses fonctions, il fut contacté par un émissaire de la résistance gaulliste et le syndicat illégal qu’il dirigeait accepta de mettre en oeuvre des groupes d’action qui distribuaient conjointement le journal illégal Franc-Tireur et les tracts du Parti communiste dans l’usine. Parallèlement, le sabotage de la production destiné à l’armée allemande se poursuivit jusqu’au printemps 1942.

Devenu suspect à l’usine, discrètement surveillé, Camille Labrux redoutait une arrestation qui intervint le 28 avril 1942 devant son domicile, au retour d’un collage d’affichettes sur les quais de la Saône. Une perquisition dans son logement fournit les preuves de son appartenance à des organisations clandestines : les policiers y trouvèrent des autocollants de fabrication artisanale et une liasse de Franc-Tireur.

Mis au secret pendant six jours au petit parquet de Lyon, plusieurs fois interrogé, conduit à la prison militaire de Montluc, il fut inculpé de propagande et d’organisation en faveur de la IIIe Internationale et, au début de juin, il se vit condamner par la Cour spéciale à dix ans de travaux forcés, vingt ans d’interdiction de séjour et saisie de tous ses biens. Successivement, il connut la prison militaire de Montron (Dordogne) — juillet à décembre 1942 —, puis la prison civile du Puy (Haute-Loire). Dès son arrivée dans ce dernier lieu de détention, il s’associa à la préparation d’une évasion collective dont le maître d’oeuvre fut Antoine Rey* qui avait conservé, par sa famille, un contact avec les Francs tireurs et partisans français (FTPF). En tant que serrurier, Camille Labrux fut chargé de relever les empreintes des serrures, il remplit parfaitement sa mission et, le 25 avril 1943, les FTP parvinrent à sortir de la prison, en utilisant des passe-partout, vingt-six détenus politiques sur soixante. Camille Labrux faisait partie du groupe. Il fut affecté à un maquis installé dans une grange bâtie au fond des gorges de l’Allier mais, le 28 avril, trois jours plus tard, une unité formée de gendarmes et de GMR attaqua le camp au petit matin. Camille Labrux capturé par surprise avant l’attaque alors qu’il effectuait une corvée d’eau parvint à s’évader au cours de la bataille. A la mi-mai, Camille Labrux rentra clandestinement à Lyon, trouva auprès de militants qu’il connaissait l’adresse d’un nouveau refuge à Montanay (Ain) et put reprendre contact avec l’organisation clandestine du PC. Dès le 20 juin il fut affecté dans les deux Savoies avec comme ville d’attache, Chambéry. Sa mission consistait à rechercher les évadés — souvent d’anciens responsables de syndicats — pour en faire des cadres FTP. Devant les bons résultats de son activité, le commandement lui confia l’interrégion H 1 (Nord des Alpes), puis la direction du recrutement des cadres pour la 1ère subdivision FTP qui s’étendait de Mâcon à Nice et Marseille ; cette tâche périlleuse l’obligeait à voyager très fréquemment par le train. Au début de mars 1944, il reçut la même mission dans la 2e subdivision qui rayonnait sur les villes de Saint-Étienne, Clermont-Ferrand, Montluçon, Vichy, Limoges et Nîmes. Il échappa de justesse à plusieurs arrestations avant de tomber, le 15 mai 1944 vers 19 heures dans la souricière tendue dès le matin pour capturer à Caluire au 2 de la grande rue Saint-Clair, le comité militaire interrégion et son commandant Charles Perrin (Vauban).

Interrogé dans les caves de la Gestapo installée à l’école de santé militaire de Lyon, il inventa des alibis et cacha son identité réelle que ses compagnons, en dépit des coups et des tortures, ne révélèrent pas. C’est donc sous un faux nom qu’il quitta la prison de Montluc à Lyon, le 1er juillet pour Compiègne avant d’être déporté au camp de Neuengamme où il arriva le 18 juillet 1944. Successivement, il fut affecté à une carrière de terre glaise, à un commando de déminage chargé de désamorcer les bombes à retardement tombées à Hambourg et enfin au camp de Bremen-Blumenthal pour travailler dans une usine située à deux kilomètres de ce lieu de concentration. Avec Duroméa, qui devint plus tard maire du Havre, et Legeay, qui fut conseiller de la République de Seine-et-Marne, Camille Labrux forma le « triangle » de direction du camp qui s’efforça de promouvoir une résistance des détenus par l’organisation de la solidarité et la préparation d’une évasion collective.

En avril 1945, le camp de Bremen-Blummenthal fut évacué sur Neuengamme et l’ensemble des détenus furent transférés à Lübeck pour y être embarqués sur des bateaux-prisons que les alliés bombardèrent. Le 3 mai, le cargo sur lequel se trouvait Camille Labrux, l’Athen, fut libéré par un commando britannique : les deux tiers des détenus qui s’y trouvaient au départ étaient morts au cours de cette ultime épreuve.

Le 22 mai 1945, Camille Labrux était de retour à Lyon, à la surprise de ses anciens camarades qui croyaient qu’il avait été fusillé au moment de son arrestation. Après un court repos en Savoie il reprit son travail à l’usine Berliet et retrouva son activité militante à la CGT et au Parti communiste. Il siégea au conseil d’administration de la gestion ouvrière à laquelle était alors confiée l’entreprise. Tombé malade en 1946, il entra dans un atelier de serrurerie et milita à la direction de la section du Vieux Lyon du PC. Il s’embaucha ensuite, en mai 1947, aux ateliers centraux de l’Office des transports lyonnais (OTL) où, sur le plan syndical, il devint responsable CGT des ateliers centraux et membre du conseil syndical de l’OTL ; il anima la cellule communiste des ateliers tout en conservant à la section communiste du Vieux Lyon la responsabilité de la diffusion de la presse.

Il prit sa retraite anticipée en mai 1964. De 1946 jusqu’à cette date, il assura la présidence de la section de la Fédération nationale des déportés internés résistants patriotes (FNDIRP) du Ve arrondissement de Lyon en tant que membre du bureau ou du comité départemental de la même organisation.

Il s’est remarié avec la veuve de son camarade de combat Paul Mille*.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article114951, notice LABRUX Camille, Louis par Maurice Moissonnier, version mise en ligne le 24 novembre 2010, dernière modification le 11 mars 2017.

Par Maurice Moissonnier

SOURCES : Documents familiaux. — Témoignages d’anciens résistants lyonnais. — Interview de Camille Labrux.

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