LACROIX Maurice

Par Alain Dalançon

Né le 28 août 1893 à Pignols (Puy-de-Dôme), mort le 13 février 1989 à Champeix (Puy-de-Dôme) ; professeur agrégé des lettres ; militant chrétien de la CGT puis du SPES, du SNES ; président de la "Franco-Ancienne" ; militant politique de la Jeune République, Résistant, député UDSR de la Seine en 1945, militant de l’UGS, du PSA puis du PSU.

Maurice Lacroix à la fin des années 1940 (collection familiale).
Maurice Lacroix à la fin des années 1940 (collection familiale).

Maurice Lacroix était le fils aîné de François, Joseph, Robert Lacroix, propriétaire rentier à Pignols, une toute petite commune proche de Clermont-Ferrand (Puy-de-Dôme), et de Francine Gabrielle Bourg, sans profession. Son père, devenu par la suite professeur dans l’enseignement libre, lui donna une éducation chrétienne et le goût des études. Après le baccalauréat, obtenu en 1910 dans la capitale auvergnate au lycée Blaise Pascal, Maurice Lacroix fit sa khâgne au lycée Lakanal de Sceaux (Seine) et intégra l’École normale supérieure en 1912. Il fut alors influencé par les idées du christianisme social du « Sillon », mouvement lancé par Marc Sangnier autour de la revue du même nom, qui se transforma en 1912, après sa condamnation par le pape Pie X, en un nouveau mouvement politique, « Jeune République ».

Exempté du service militaire, il ne put se présenter au concours de l’agrégation masculine qui fut suspendu durant toute la guerre. Il enseigna donc comme professeur délégué aux lycées de Bourges (Cher) (mars 1915) puis de Clermont-Ferrand (octobre 1915), avant d’être nommé à l’École d’Athènes (1915-1917) où il approfondit sa connaissance du grec ancien, dont l’enseignement fut une véritable passion durant toute sa vie. Il eut aussi l’occasion d’être en contact avec des jeunes de sa génération qui montaient au front d’Orient et dont beaucoup ne revinrent pas, ce qui ne fit que renforcer ses convictions pacifistes.

De retour en France, Maurice Lacroix fut nommé en février 1917 professeur délégué au lycée Carnot à Paris, termina l’année scolaire au lycée Janson de Sailly à partir du mois de mai, puis resta les deux années suivantes au lycée de Beauvais (Oise). Reçu second à l’agrégation des Lettres en 1919, au premier concours normal d’après-guerre, il fut nommé professeur agrégé au lycée de Troyes (Aube) de 1919 à 1927. De son mariage contracté en octobre 1925 naquirent trois enfants.

Maurice Lacroix poursuivit ensuite la voie royale d’une carrière professorale classique. Intégré dans le cadre parisien, il fut nommé au lycée Rollin à la rentrée 1927 puis au lycée Michelet de Vanves de 1928 à 1930. En 1928, il devint directeur d’étude (« caïman ») à l’ENS, où il continua de collaborer jusqu’à la fin de sa carrière, et en 1930, il obtint une chaire en première supérieure au lycée Henri IV, enseigna d’abord en première année puis fut nommé en octobre 1935 en deuxième année. Celui que ses élèves surnommaient le « Croux » allait dès lors présider aux destinées de l’hypokhâgne et de la khâgne d’Henri IV jusqu’à sa retraite en 1959.

Au début des années 1920, Maurice Lacroix militait activement dans la Fédération autonome des professeurs de lycée et membres de l’enseignement secondaire féminin (A3), dans l’amicale locale et au plan national. Il était partisan de sa transformation en syndicat et de son adhésion à la CGT, objectifs qui n’obtinrent pas la majorité nécessaire des 2/3 des mandats au congrès de 1920. Avec Ludovic Zoretti et Marcel Déat, il constitua donc en 1923, la Fédération des membres de l’enseignement secondaire et supérieur affiliée à la CGT, qui fut constitutive de la Fédération générale de l’enseignement en décembre 1928. Mais il avait assuré dès 1924 que les « cégétistes » ne remettraient pas en cause leur adhésion à l’A3. Du début des années 1920 jusqu’en 1937, Lacroix fut donc un des principaux militants double-affiliés. En 1925, lorsque la Fédération autonome se transforma en syndicat (S3), il en devint même un des dirigeants : membre adjoint au bureau national (1925-1926) puis secrétaire adjoint du bureau national (1926) et enfin secrétaire général de 1926 à 1934, aux côtés d’Edmond Lackenbacher et de Laure Bréchot, tous deux également « cégétistes ». En même temps, à partir de novembre 1925, il était le secrétaire de rédaction du mensuel du syndicat de la CGT, Le syndicaliste universitaire, et avec Pierre Boivin, il fut un moment représentant de l’enseignement secondaire au comité fédéral.

Catholique convaincu, Maurice Lacroix ne voyait aucune contradiction entre sa foi et son engagement à la CGT, qu’il justifia dans un texte en janvier 1927. En tant que travailleur et que chrétien, il croyait « utile l’entente de tous les prolétaires pour mettre fin aux abus du capitalisme », mais estimait que « les réformes pour cette vie terrestre », pour lesquelles il combattait, ne lui faisaient pas oublier que « c’est dans le plan de l’ordre divin ou éternel que je cherche à situer mon effort ». Il demandait seulement qu’on n’exige pas des catholiques qui militaient à la CGT, le renoncement à leur foi ou qu’on ne les expose pas à la voir « bafouée et raillée ». Une telle position constitua par la suite une référence pour nombre d’autres militants syndicalistes catholiques de la CGT (voir André Drubay). Il persista donc longtemps dans sa fidélité à la CGT : ainsi démissionna-t-il de son poste de secrétaire général du S3 en 1934 – tout comme le président Lackenbacher – suite à deux nouveaux échecs du référendum pour faire adhérer le syndicat autonome à la confédération, et participa-t-il, fin 1937, à la création par les cégétistes du Syndicat du personnel de l’enseignement secondaire, dont il fut membre du bureau national constitutif.

En même temps, Maurice Lacroix militait politiquement dans la Ligue de la Jeune République au côté de Marc Sangnier qui fut pour lui, d’abord un exemple et longtemps un ami. Dans cette petite formation, de la même manière qu’à la CGT, il tentait une synthèse entre foi et engagement dans le siècle. Au congrès de 1920, il fut élu au comité de la fédération de la Seine sur la liste 4, partisane d’une action morale préférant la propagande dans les esprits et dans les cœurs plutôt que la conquête du pouvoir. Tout en restant fidèle à cette philosophie politique, il évolua, manifestant pleinement son accord avec le caractère non confessionnel de la JR agissant sur un terrain strictement politique et économique. Il en devint l’un des premiers responsables jusqu’à la fin de son existence. Candidat aux élections législatives de 1924 à Paris sur une liste « d’Union républicaine pour la paix » conduite par « Marc », cette liste n’eut pas d’élu, de sorte que la JR n’eut pas de député à la Chambre. Mais il poursuivit le combat politique, pour la défense des plus démunis, parmi lesquels les petits rentiers et petits propriétaires appauvris du fait de la Première Guerre mondiale, et pour la Paix. En août 1926, il assista au 6e congrès démocratique pour la paix organisé à Bierville, à l’initiative de Marc Sangnier, qui devait être le « Locarno de la jeunesse mondiale ». Sur cette lancée, il participa au printemps 1930, à Toulouse, au congrès de la LAURS, à la mise sur pied d’une « Entente franco-allemande des étudiants républicains et socialistes » et dans Jeune République, il en conclut que « la confiance mutuelle des générations qui montent à la vie, en France et en Allemagne, est peut-être un des garants les plus sûrs de la paix ». Son intérêt pour la jeunesse étudiante l’amena par la suite à jouer un grand rôle à la « Paroisse universitaire » fondée en 1929 par la Jeunesse étudiante chrétienne.

Quelques années plus tard, sentant que la démocratie était en danger en France et en Europe, il milita au Comité de vigilance des intellectuels antifascistes en entrant à son comité directeur avec Georges Hoog, secrétaire général de la JR. Il favorisa l’élection au conseil de Paris de Paul Rivet en 1935, candidat unique des gauches pacifistes. Il s’engagea dans la constitution du Rassemblement populaire, conformément à la décision du congrès de Montrouge de la JR qui se transforma ensuite en Parti de la Jeune République. Ce choix introduisit plus nettement un clivage gauche-droite chez les démocrates chrétiens selon Emmanuel Mounier en 1938, et Maurice Lacroix en fut toujours très fier, le rappelant en 1967 lors d’un entretien avec Jean-François Kesler. Bien que ne faisant pas partie du comité directeur du Rassemblement populaire, il souhaitait que son petit parti soit témoin d’une sorte de conscience morale du mouvement populaire. Aussi écrivait-il avant les législatives de mai 1936 que la JR avait mission de rappeler que la démocratie « a besoin de forces morales et spirituelles » et qu’il n’est « pas de liberté qui ne puisse vivre sans se discipliner ».

Maurice Lacroix était un ferme partisan de la laïcité mais suivant une approche particulière. Ainsi, au congrès de 1923 de la JR, il suggéra un système où les établissements scolaires privés seraient classés en deux catégories : ceux acceptant le contrôle de l’État seraient subventionnés, les autres pas, suggestion qui trouva plus tard sa réalisation dans la loi Debré. Lors de l’établissement du programme électoral du Front populaire, Hoog et lui obtinrent le retrait du paragraphe sur la laïcité rappelant la nécessité de l’application des lois laïques non appliquées, notamment l’expulsion des congrégationnistes, et son remplacement par la simple réaffirmation de la laïcité de l’École et de l’État.

Il militait également pour une réforme de l’enseignement, dont il fut le rapporteur lors du congrès de 1927 de son parti. Il était notamment partisan de « l’École unique », une « immense espérance » selon lui, mais il était opposé à l’expérience de « l’amalgame ». Il exposa ses positions dans une brochure et divers articles, y compris dans des revues officielles (La Revue universitaire, L’Éducation). Dans une de ses formules qu’il affectionnait, il justifiait la seule voie de la « démocratisation scolaire » : « ce n’est pas en établissant des équivalences entre le primaire supérieur et le secondaire » qu’on l’instituerait, mais « en invitant les riches et les pauvres à s’asseoir ensemble à la table luxueuse où est servi le délicat et substantiel festin des humanités classiques ». Seul, le partage par tous de ce socle de notre culture, de la démocratie et de l’humanisme (dont il percevait également les origines dans le christianisme), permettrait une réelle démocratisation de la société, le rejet de toutes les exclusions et de la guerre. Il resta fidèle à cette argumentation, y compris après la Seconde Guerre mondiale, et la défendit toujours avec vigueur et talent, influant fortement sur les positions du syndicalisme enseignant du secondaire.

Pour mieux défendre les humanités classiques, il occupa des responsabilités importantes, de manière continue, dans la très influente Société des professeurs de français et de langues anciennes de l’enseignement secondaire public (couramment dénommée « Franco-ancienne »). Membre du bureau dès 1921, il occupa successivement les fonctions de trésorier, de secrétaire puis de vice-président. Mais il ne parvint pas à se faire élire comme président en 1938 après le départ de Théodore Suran. La scission intervenue dans le Syndicat autonome (S3), et son choix en faveur du SPES le fragilisait face à la candidature de Raoul Binon, secrétaire général du nouveau SNALCC. Ce dernier remporta contre lui les élections au Conseil supérieur de l’Instruction publique, mais accepta de renoncer à la présidence de la Franco-Ancienne au profit d’un candidat syndicalement neutre. Il était également très présent dans la puissante Société des agrégés et fit partie de son bureau durant près d’une trentaine d’années.

En 1939-1940, comme nombre de professeurs parisiens, Maurice Lacroix fut affecté spécial en province, au lycée Blaise Pascal de Clermont-Ferrand, puis reprit son poste parisien à la rentrée 1940. Tout en poursuivant son enseignement, il continuait à participer à la rédaction de diverses revues (Revue des études grecques, Revue de Philologie) et collabora en 1941-1942 à l’édition des inscriptions de Délos et aux mélanges offerts à Gustave Glotz. En même temps, il était membre du comité directeur du réseau « Résistance » formé à partir de militants de la JR. Il hébergea dans son domicile parisien, rue de Quatrefages (Ve arr.), des juifs et des résistants. Il s’opposa très vite aux tentatives du gouvernement d’enrôler les enseignants du secondaire dans une organisation corporative et, dans le courant 1942, répondit à l’appel des militants de L’Université libre pour la création de comités de résistance pluralistes. Il participa ainsi avec des anciens militants unitaires (René Maublanc et Jacques Pastor) et des anciens confédérés comme lui (Maurice Janets et Lucien Mérat), à la création d’un Comité de résistance de l’enseignement secondaire, mais en refusant nettement, selon le témoignage de Pastor, qu’il rejoigne le Front national universitaire, trop dominé à son goût par les communistes. Le comité, que rejoignirent en 1943 les anciens responsables du SNALCC (Eugène Cossard et Raoul Binon), eut donc pour but essentiel la reconstitution d’un syndicat unique du second degré affilié à la CGT à la Libération, le Syndicat national de l’enseignement secondaire.

Tout en étant membre du Comité de Libération à Paris au titre du MLN, Maurice Lacroix fit donc partie du bureau provisoire constitutif du SNES à la fin 1944, mais ne fut pas élu dans ses instances nationales par la suite. En 1945, il s’engagea en effet un peu plus en politique. Sollicité pour entrer dans le Mouvement républicain populaire, comme Marc Sangnier, il refusa de suivre son ami et marqua ce choix en étant candidat, dans la première circonscription de la Seine, aux élections à la première Assemblée nationale constituante, le 21 octobre 1945, sur la liste conduite par Paul Rivet, socialiste SFIO. Élu, il rejoignit le groupe de l’Union démocratique socialiste de la Résistance.

Membre de la commission de l’Éducation nationale et des Beaux-arts et de la commission du travail et de la sécurité sociale, souvent rapporteur, il intervint notamment, le 30 décembre 1945, pour s’opposer à la création des propédeutiques dans les facultés de lettres, conformément aux positions du SNES qui souhaitait qu’elles soient créées dans les lycées et qu’y enseignent les professeurs agrégés. Soucieux de défendre l’École laïque, il prit part à divers débats pour empêcher la diminution de ses moyens. Il se montra partisan d’une extension de la démocratie et du multipartisme et hostile à la désignation d’un président de la République aux pouvoirs étendus. Il dénonça les pratiques électorales en Algérie et affirma sa compréhension des revendications des populations autochtones. Le Parti socialiste SFIO, insatisfait de ses résultats aux élections, décida de renoncer à mettre parmi ses candidats éligibles des non-socialistes, de sorte que Robert Verdier le remplaça en deuxième position pour l’élection de la deuxième Assemblée constituante. Déçu par l’UDSR et le MRP, il revint à la JR qui fut réduite à n’être plus qu’un « havre de conscience et de pureté ».

Maurice Lacroix semble avoir refusé alors les propositions qui lui furent faites de devenir inspecteur général. Proche de certains inspecteurs généraux comme Pierre Clarac, il s’opposa en revanche ouvertement à Jean Guéhenno. Durant toute la décennie suivante, il intervint avec vigueur dans tous les débats sur la réforme de l’enseignement. Tout en restant président de la Franco-ancienne dont il avait été à l’initiative de la reconstitution en 1946 avec Jeanne Lac, il tint à être élu membre du Conseil de l’enseignement de second degré en juin 1946 sur la liste du SNES et à siéger au Conseil supérieur de l’Éducation nationale. Réélu en 1950, 1954 et 1958 dans ces instances consultatives, il y défendit avec constance les humanités classiques. Ainsi, dans une sous-commission de la commission Langevin-Wallon, il se distingua en affirmant que « le corps professoral s’opposerait à tout retardement du commencement des humanités classiques ». Tout en n’étant pas membre de la CE du SNES ni ensuite de la CA du nouveau SNES (classique et moderne) créé en 1949, il participait aux réunions de la commission pédagogique en tant que membre du Conseil supérieur et aux congrès. Il s’opposa catégoriquement au projet de réforme d’Yvon Delbos, toujours pour les mêmes raisons, qu’il exposait aussi à la Société des agrégés et dans des organes politiques. En 1950, dans la Revue socialiste, n’écrivait-il pas : « il faut s’attaquer non à l’humanisme gréco-latin mais à l’injustice qui en fit trop longtemps l’apanage de la bourgeoisie. » En 1958, dans un article de la revue de la Franco-Ancienne intitulé « Face au péril », il manifestait son désaccord avec la tendance de l’organisation de l’enseignement en fonction des débouchés professionnels et réaffirmait avec force la mission prioritaire de l’école : « assurer à l’enfant, dans la mesure de ses aptitudes, une culture générale aussi large que possible […] nécessaire pour l’ensemble de son activité humaine et civique et qui lui ne sera pas moins utile dans la vie professionnelle… »

Maurice Lacroix s’opposa aussi à la création d’une agrégation de lettres modernes, que revendiquaient les militants de l’ancien Syndicat national des collèges modernes, ancien(ne)s normalien(ne)s de Saint-Cloud et Fontenay-aux-Roses. Si la direction du SNES y devint favorable à la fin des années 1950, il persista dans son opposition, encore en 1959, en votant différemment des autres élus de son syndicat au CSEN. Il avait toujours été attaché aux prérogatives des spécialistes dans les grands conseils, en matière de pédagogie ; aussi s’était-il opposé en vain, lorsqu’il était député, en tant que rapporteur de la loi portant création de ces conseils, à ce que les représentants des agrégés soient élus par groupes de disciplines (littéraires, scientifiques) et non par spécialité. Sa sûreté et son indépendance de comportement au Conseil supérieur, qu’il manifesta également dans son opposition au projet fédéral de réforme de cette instance, qui aurait donné selon lui trop de pouvoir aux syndicats, étaient de moins en moins goûtées par la direction du SNES dès le début des années 1950, de sorte qu’Alexandre Kreisler s’employa à le contrer. Cependant, son soutien au Comité d’action universitaire fut apprécié et l’article qu’il écrivit dans Jeune République « Une grève pour la loi », fut reproduit in extenso dans L’Université syndicaliste.

Homme se situant au-dessus des querelles partisanes, Lacroix ne participa pas au premier plan au débat sur l’affiliation de la FEN et du SNES en 1948, même s’il signa la déclaration "Pour un syndicalisme indépendant" parue dans L’US du 23 février 1948, en faveur de l’affiliation du SNES à la CGT-FO, assortie de l’exigence du « regroupement d’un syndicalisme indépendant qui ne soit pas coupé du syndicalisme ouvrier ». Au plan politique, il participa à presque toutes les initiatives de réunion de la gauche « unitaire » non-communiste, en dehors des grands partis historiques constitués, parti radical-socialiste et SFIO. Ainsi se porta-t-il candidat aux élections municipales en 1951 dans la deuxième circonscription de la Seine sur la liste du Cartel des gauches indépendantes conduite par Claude Bourdet. En octobre 1952, il rejoignit ce dernier et d’autres personnalités dans le comité directeur constitutif du Centre d’action des gauches indépendantes (CAGI). En décembre 1952, il fut un des créateurs et animateurs du Comité d’étude et d’action pour le règlement pacifique de la guerre au Vietnam, réunissant des personnalités du monde politique et artistique, prônant la négociation directe avec Ho-chi-Minh.

Tout en étant toujours membre de la JR, il signa à la fin de 1954 la déclaration constitutive de l’UDT (Union démocratique du travail) avec 16 personnalités (5 gaullistes : Mme de Lipowski, Louis Vallon, Manuel Bridier, René Capitant, Roger Sauphar ; 6 membres de JR dont lui : André Denis, Georges Montaron, Jacques Nantet, Bertrand Schneider, Camille Val ; 2 MRP : Léo Hamon, Georges Marée, un ancien progressiste : Paul Rivet, Jean Cassou et Olivier Pozzo di Borgo, Inspecteur général de l’Éducation nationale). La même année, il fit partie du comité national de la Nouvelle gauche créé en décembre par des personnalités du CAGI, de l’UP et de la JR.

En 1957, Maurice Lacroix fut un des acteurs de la fusion de la JR avec le MLP (Mouvement de libération du peuple) et la Nouvelle gauche pour donner l’UGS (Union de la gauche socialiste). En juillet 1958, il participa à la création de l’Union des forces démocratiques, cartel électoral soutenu par la FEN, FO et la CFTC, contre le retour au pouvoir du général de Gaulle et le vote non au référendum. Il était au bureau national avec Pierre Mendès-France, Edouard Depreux, Robert Verdier, Gilles Martinet, Maurice Merleau Ponty, Laurent Schwartz et François Mitterrand. Puis il adhéra au Parti socialiste autonome en 1958 dans la section du Ve arrondissement avec Robert Verdier et ensuite au PSU, dont il était membre du comité exécutif en 1967.

Après sa prise de retraite professionnelle en 1959, il quitta la présidence de la Franco-Ancienne mais il continua d’imprimer sa marque sur la vie de l’association : il participait régulièrement aux réunions du bureau et intervenait avec autorité dans les assemblées générales. Mais la représentativité de l’association déclinait : boudée par les jeunes générations, elle peinait à s’ouvrir aux professeurs de Lettres modernes.

Après Mai-juin 1968, dont une des conséquences fut la fin du latin en classe de 6e, à laquelle il s’était si vigoureusement opposé, Maurice Lacroix se retira de la vie publique. Il se consacra à terminer la rédaction du Dictionnaire Grec-Français puis la publication de textes grecs (Les Bacchantes d’Euripide). Il poursuivit aussi son enseignement du grec ancien à l’ENS de Saint-Cloud et au cours Sévigné à Paris jusqu’à un âge avancé, peaufinant ses thèmes et « cultivant son jardin des racines grecques » selon Jean-Pierre Rioux qui, après son décès survenu en Auvergne où il s’était retiré, lui rendit dans le Monde du 22 février 1989 un hommage appuyé, intitulé « La vaillance du "Croux" » .

Officier de la Légion d’honneur, médaillé de la Résistance, il repose auprès de son épouse, décédée en septembre 1987, dans le cimetière du petit village de Chadeleuf, proche d’Issoire, d’où était originaire sa mère.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article115135, notice LACROIX Maurice par Alain Dalançon, version mise en ligne le 24 novembre 2010, dernière modification le 6 septembre 2022.

Par Alain Dalançon

Maurice Lacroix à la fin des années 1940 (collection familiale).
Maurice Lacroix à la fin des années 1940 (collection familiale).
 Maurice Lacroix dans les années 1960 (collection familiale).
Maurice Lacroix dans les années 1960 (collection familiale).

ŒUVRE : L’école unique. Étude critique, bibliographique et documentaire, Paris, PUF, 1927. — En collaboration avec Georges Hoog, Gaston Puel, Jean Pralong, La Jeune-République, les réformes de structures et la défense de la paix, Paris, La Jeune-République, 1938. — Historique de la Jeune République, Action et propagande, supplément à JR du 30 nov. 1954. — En collaboration avec Victor Magnien, Dictionnaire Grec-Français, Paris, Belin, 1969. — Les Bacchantes d’Euripide, Paris, Belin, 1976. — 50 thèmes grecs, Paris, Belin, 1985.

SOURCES : Arch.Nat., F17/ 27117, 27599 (dossier Lablénie), 28421 (dossier Bonin). — Arch. Ppo, 304, IV, 1930. — SHD, dossier GP 16 p/328045. — Arch. IRHSES (La Quinzaine universitaire, SPES, Congrès, L’Université syndicaliste). — Site Internet de l’Assemblée nationale. — Bodin Louis, « Qui fera la nouvelle gauche ? », Esprit, mars 1955. — Kesler Jean- François, « la JR, de sa naissance au tripartisme(1914-1947) », RHMC, janv.mars 1978, p. 61-85. — Bayet Guy, « Nécrologie de Maurice Lacroix », L’Agrégation, 1989. — Fouilloux Etienne, « ‘Intellectuels catholiques" ? Réflexion sur une naissance différée. », XXe siècle, n°53, 1997, p.13-24. — Séguy Jean-Yves, « La transmission de la culture secondaire en France dans l’entre-deux-guerres : des engagements politiques et syndicaux paradoxaux », Les doctoriales, 2008, Université Lyon 2. — Prat Olivier, « La paix par la jeunesse ». Marc Sangnier et la réconciliation franco-allemande, 1921-1939 », Histoire @politique, revue électronique du centre d’histoire de Sciences PO, n° 10 janvier-avril 2010. — Claudine Guerrier, La Jeune République de 1912 à 1945, Thèse, Paris II, 1979. — Robert Verdier, Mémoires, Paris, L’Harmattan, 2009. — Notes de Clémence Cardon-Quint, Lettres pures et lettres impures ? Les professeurs de français dans le tumulte des réformes. Histoire d’un corps illégitime (1946-1981), thèse de doctorat d’histoire, Rennes 2, sous la dir. de Gilbert Nicolas et Jean-Noël Luc, 2010). — Notes de J.C Vaysette et de Jacques Girault. — DBMOF, article de Michel Dreyfus. — Renseignements fournis par son fils, Michel Lacroix.

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