LAFAYE Gabriel

Par Michel Dreyfus, Claude Pennetier, Justinien Raymond

Né le 14 octobre 1888 à Eauze (Gers), mort le 19 janvier 1959 à Paris ; ouvrier mécanicien ; syndicaliste ; député socialiste puis néo-socialiste de Gironde (1928-1942) ; sous-secrétaire d’État au Travail (1938).

Un homonyme avait représenté la Fédération socialiste de la Gironde aux congrès nationaux du POF à Montluçon (1898) et de la SFIO à Toulouse (1908) et à Saint-Étienne (1909). Les premières dates écartent l’hypothèse d’une identité avec notre militant. Peut-être s’agit-il d’un membre de sa famille.

Son père, Augustin Lafaye, né en 1858, était homme d’équipe aux chemins de fer. Ouvrier électricien puis mécanicien à Bordeaux, Gabriel Lafaye se syndiqua en 1902 et fut pupille du syndicat des chemins de fer de Bordeaux. Quatre années plus tard, il était adhérent puis fit, en 1908, son service militaire à Bordeaux. Cependant, en 1910, il fut transféré à la forteresse de Blaye (Gironde) par mesure disciplinaire. Il réussit à maintenir le contact avec les cheminots lors de la grève d’octobre 1910, mais à son retour à la vie civile, il ne fut pas réintégré aux chemins de fer du Midi. Il travailla donc dans divers ateliers de métallurgie et devint secrétaire adjoint du syndicat des Métaux. Ouvrier des PTT, en 1912, il fut licencié, en 1913, pour avoir participé à un meeting contre la loi des trois ans. Entré comme ouvrier des lignes à la Compagnie générale d’éclairage de Bordeaux, qui devint la régie municipale d’éclairage de la ville après fusion avec deux autres sociétés, il y devint secrétaire adjoint du syndicat.

Inscrit au Carnet B, Gabriel Lafaye fut mobilisé en usine, puis incarcéré pour « propagande pacifiste ». Libéré sur intervention de Marcel Sembat, il fut envoyé au front. En 1918, il retrouva son emploi et participa, comme délégué, à l’élaboration d’un statut du personnel. Lors des grèves de 1920 il fut à nouveau révoqué. Délégué par la Fédération de l’Éclairage au congrès national de la CGT à Orléans (27 septembre-2 octobre 1920), il assista également au congrès de Lille (1921), et à celui de Paris (1923) comme représentant de l’Éclairage et de l’Union de « Gironde et Lot-et-Garonne ». Secrétaire, de 1925 à 1928, de l’Union départementale CGT « Gironde et Lot-et-Garonne », il fut choisi également comme secrétaire de la Bourse du Travail de la ville jusqu’à son élection, en 1928, à la députation.

Militant socialiste depuis 1902, il fut candidat sans succès aux élections législatives du 16 novembre 1919, sur une liste qui comprenait : Camelle ; Boisseau, médecin ; Cayrel, chirurgien dentiste ; Gibaud, industriel ; Lafaye, mécanicien ; Henri Larroque, commerçant ; Antonin Larroque, employé à la poudrerie ; Marquet, dentiste ; Maurin, propriétaire ; Mourgues, serrurier ; Rebeyrol, instituteur et Saint-Germain, propriétaire. Il recueillit 23 596 voix (moyenne de la liste 24 488) sur 235 947 inscrits et 159 336 votants. Resté au Parti socialiste SFIO après le congrès de Tours (décembre 1920), il ne fit pas partie de la liste du Bloc des Gauches aux législatives de mai 1924, mais, l’année suivante, il entra au conseil municipal de Bordeaux. Il devint conseiller général du canton d’Auros en juillet 1936.

Élu député de la circonscription de Bazas le 29 avril 1928, au second tour, il avait recueilli au premier tour 3 624 voix sur 14 095 inscrits et 12 947 votants puis 6 544 contre 6 053 à son adversaire « républicain de gauche » Constant, sur 12 829 votants. Les électeurs lui confirmèrent leur confiance dès le premier tour, le 1er mai 1932, en lui accordant 6 925 suffrages. Son action parlementaire fut intense qu’il s’agisse de ses multiples interventions à la tribune ou du dépôt de nombreuses propositions de loi. Il se préoccupa particulièrement des congés annuels des travailleurs, des accidents du travail, de la réforme de l’inspection du travail, des rapports entre patrons et employés dans l’agriculture, du métayage... Les gemmeurs touchés par la crise de la sylviculture trouvèrent en lui un actif défenseur.

En 1933, Lafaye suivit le chef de file des députés socialistes girondins, Adrien Marquet, dans la dissidence dite néo-socialiste et appartint au Parti socialiste de France puis à l’Union socialiste républicaine dont il devint le secrétaire parlementaire en 1936, sous la houlette de Marcel Déat. Il fut adjoint au maire de Bordeaux en 1933. Ayant refusé de voter, en 1934, la confiance au gouvernement Doumergue, ses relations avec Adrien Marquet s’en trouvèrent altérées et lors des élections municipales d’avril 1935, il figura sur la liste d’A. Marquet en dernière position. En raison de cette évolution et de la surabondance des candidats de gauche, sa réélection fut un peu plus difficile aux élections législatives de mai 1936, mais il l’emporta au second tour avec 69,88 % des suffrages exprimés. Du 18 janvier au 13 mars 1938 (date de sa démission), il fut sous-secrétaire d’État au Travail dans le cabinet Chautemps. Lors de la crise internationale de novembre 1938. il se rangea du côté des partisans de l’accord de Munich.

Le 10 juillet 1940, il vota les pleins pouvoirs au maréchal Pétain. Sous l’Occupation, Lafaye fut, avec René Mesnard*, directeur de l’Atelier, hebdomadaire du travail français, qui parut du 7 décembre 1940 jusqu’en août 1944. Il s’en expliquait en ces termes : « De même que nous considérons comme une folie de vouloir instaurer la dictature du prolétariat [...] de même nous considérons comme une erreur redoutable et périlleuse de vouloir créer la France nouvelle contre la classe ouvrière et ses représentants, en dehors d’elle et d’eux ou les ignorant. Lorsque le Maréchal Pétain avec l’autorité qui s’attache à sa personne demande « l’union des Français » cela signifie non pas l’union de certains Français contre d’autres mais l’union de tous pour des tâches non partisanes d’intérêt national. L’ancien combattant que je suis est plus convaincu que quiconque de cette nécessité d’union et de concorde... » Il affirma à plusieurs reprises que la France « sera socialiste européenne ou ne sera pas ». Président du comité directeur du Centre syndicaliste de propagande créé en octobre 1941 et président du Comité d’information ouvrière et sociale, proposé en avril 1942 et fondé en juin 1942, il écrivit dans La France socialiste et dans de très nombreux journaux. Membre de la commission permanente du Rassemblement national populaire de Marcel Déat, il en présida les organisations départementales puis régionales. Ce comportement lui valut, le 18 octobre 1944, une exclusion à vie de toutes les organisations syndicales en tant que président du CIOS et une condamnation à cinq ans d’indignité nationale le 21 mai 1948. La Libération mit fin à sa carrière politique.

Marié le 24 décembre 1919 à Bordeaux, Gabriel Lafaye se remaria le 4 février 1956 à Paris (XVIIIe arr.).

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article115190, notice LAFAYE Gabriel par Michel Dreyfus, Claude Pennetier, Justinien Raymond, version mise en ligne le 24 novembre 2010, dernière modification le 29 septembre 2022.

Par Michel Dreyfus, Claude Pennetier, Justinien Raymond

SOURCES : Arch. Ass. Nat., dossier biographique. — L’Atelier, 1941. — L’OEuvre, 14-15 avril 1941, 19 juin 1942. — G. Lafaye, « Ma vie syndicale », Bulletin du CIOS n° 1, avril 1944. — La République libre, n° 465, 20 janvier 1959. — Le Monde, 22 janvier 1959. — Jean Jolly. Dictionnaire des Parlementaires français, t. VI, op. cit. — E. Ginestous, Histoire politique de Bordeaux sous la IIIe République, Bordeaux, 1946, op. cit. — Marc Sadoun, Les socialistes sous l’Occupation, Presses FNSP, 1982, pp 79, 80, 101. — Marie-Claude Jean, communication sur G. Lafaye au colloque « Au temps du Front populaire en Gironde », 1986, Bulletin de l’IAES., n° 49, 1er semestre 1987 ; Paul Gabriel Lafaye, député du Bazadais..., Les Cahiers du Bazadais n° 7-8, 1987. — Pierre Brana, Joëlle Dusseau, « Les néo-socialistes et le syndicalisme : le rôle de Gabriel Lafaye », Bulletin de l’IAES., n° 27/28, 3e et 4e trimestres 1976.

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