LAGORGETTE Louis, Jean, Firmin

Par Claude Pennetier

Né le 20 mai 1895 à Issac (Dordogne), mort accidentellement le 29 décembre 1937 ; ingénieur des Travaux publics de l’État ; syndicaliste ; dirigeant socialiste de Boulogne-Billancourt (Seine) ; maire adjoint (1935-1937) ; membre de la Commission administrative permanente du Parti socialiste SFIO.

Louis Lagorgette était le fils d’un couple d’instituteurs exerçant à Auzelles (Puy-de-Dôme). Son père, ancien dreyfusard, contribua à sa prise de conscience politique. Lycéen brillant à Clermont-Ferrand, il donna dès l’âge de dix-sept ans son adhésion à la section socialiste. Après avoir été quelque temps surveillant de collège, Largorgette fut admis au concours de conducteur des Ponts et chaussées et nommé à la tête d’une subdivision routière du département de l’Ardèche. C’est en 1923 que le ministère le nomma ingénieur des Travaux publics dans la région parisienne.

Combattant de la Première Guerre mondiale entre mars 1915 et l’Armistice (« je n’en suis pas fier » dira-t-il au congrès socialiste de 1931), il revint blessé et avec « la haine de la guerre ». A nouveau militant socialiste, il utilisa ses qualités d’orateur au service de l’Association républicaine des anciens combattants (ARAC).

Lagorgette aurait été militant du Parti communiste après le congrès de Tours (décembre 1920), mais les biographies publiées à l’occasion des élections n’en font pas état. Nous ne savons donc pas s’il se confond avec Lagorgette qui prit la parole dans un meeting communiste au Pré-Saint-Gervais en juillet 1922 et signa, comme militant du XVIe arr., la déclaration de tendance Renoult-Dondicol en novembre 1922. Une certitude : sa compétence en matière de communisme était reconnue puisqu’il fit, comme franc-maçon, une conférence sur le Parti communiste à la Loge Jean Jaurès le 14 juin 1927. On peut penser qu’il avait quitté le PC au début de l’année 1923, avant de se voir confier la présidence d’une association nationale d’anciens combattants, dissidente de l’ARAC. Toujours est-il qu’il siégeait, en 1926, au Comité central de l’Union socialiste communiste, organisation formée par des militants issus du Parti communiste.

Dès 1923, Largorgette créa le premier syndicat des ingénieurs des Travaux publics, syndicat affilié à la Fédération des Fonctionnaires CGT (il siégea à la commission exécutive de la Fédération) et qui compta rapidement 3 000 membres. C’est en grande partie à son initiative que fut créée la Fédération des Travaux publics. De 1923 à 1927, il fut le rédacteur en chef de son organe La Tribune des Travaux publics. Il dirigeait une revue technique Les Travaux publics et donnait des cours dans une école technique. Le ministère des Travaux publics l’avait détaché, de 1924 à 1928, à la commission des marchés et spéculations de la Chambre des députés.

C’est donc un militant expérimenté qui rejoignit le Parti socialiste SFIO à la fin des années 1920 et milita à la section de Boulogne-Billancourt. Membre de la tendance la « Bataille socialiste », il refusa cependant d’approuver les positions de son leader, Jean Zyromski, sur la défense nationale, au congrès de Tours (mai 1931). Considérant que « la défense nationale est toujours une duperie pour les travailleurs », il présenta sa propre motion avec Farinet, Philip et Bernstein. Elle recueillit 473 mandats contre 2 443 à celle de Paul Faure et 824 à celle du Var. Lagorgette siégea à la Commission administrative permanente du parti de 1931 à sa mort.

Le Parti socialiste SFIO le présenta aux élections législatives des 1er et 8 mai 1932 dans la 8e circonscription de Saint-Denis (Boulogne-Billancourt) où il obtint 5 271 voix sur 23 134 inscrits (22,8 %) et 19 000 votants. Le maintien du communiste Alfred Costes lui fit manquer l’élection de 118 voix (7 681 suffrages, 33,25 %). Il mena par la suite une vive campagne contre son adversaire élu, Fernand-Laurent, surnommé le « Topaze dieu ». Il fut, dans la même circonscription, candidat aux élections partielles des 2 et 9 avril 1933 (4 913 et 6 444 voix sur 21 545 inscrits) qui virent une nouvelle victoire de Fernand-Laurent. La campagne avait été marquée par une des premières tentatives de rapprochement entre socialistes et communistes ; un meeting commun fut même organisé mais le contenu de l’intervention du délégué du Bureau politique du PC (Jacques Doriot) provoqua le départ de Lagorgette (Raymond Dallidet, Voyage d’un communiste, pp. 39-40). En avril 1936, malgré une progression en nombre de voix (6 230 suffrages sur 25 331 inscrits — 24,6 % — et 22 604 votants), il fut devancé par le communiste Alfred Costes qui, grâce à son désistement, fut élu au second tour.

Dans la Seine, le secrétaire de la section de Boulogne-Billancourt s’affirma, dès février 1934, comme un des partisans les plus résolus de l’unité d’action. Il créa aussitôt à Boulogne un comité de vigilance dont il assura le secrétariat ; le bureau comprenait : Pinçon du rayon communiste, Pomard de la CGTU, Lohiac de la Ligue communiste, Burghauser de l’Union des chômeurs et Bidaut, secrétaire des Jeunesses socialistes. Mais, à la CAP nationale du 21 février, « l’invitation » faite aux sections de favoriser l’unité d’action fut repoussée par 15 voix contre 6 (Pivert, Zyromski, Délépine, Descourtieux, Lagorgette, Farinet). Le 27 juillet 1934, il fut un des six signataires socialistes du pacte d’unité d’action avec le Parti communiste.

En 1935, Louis Lagorgette devint secrétaire général des Jeunesses socialistes qu’allait agiter un courant révolutionnaire né dans la Seine. Il s’efforça d’abord d’éviter la scission puis opta pour l’épreuve de force. À la conférence nationale de Lille (29 juillet 1935), il demanda l’exclusion de treize militants de la gauche dont le secrétaire de l’Entente de la Seine, Fred Zeller. Il se rapprocha de Paul Faure qui en fit son secrétariat particulier lorsque celui-ci fut ministre d’État.

Secrétaire de la section socialiste locale, rédacteur en chef de L’Émancipation (organe de la section), Largorgette avait été élu conseiller municipal, le 12 mai 1935, en première position de la liste dirigée par André Morizet. Il ne fut cependant désigné que comme troisième adjoint. Est-ce là un signe des tensions qui s’aggravèrent entre lui et Morizet et dont témoignent les archives de ce dernier ?

Lagorgette, sa femme et son fils se tuèrent dans un accident de la route à Montargis le 29 décembre 1937. La famille les fit inhumer à Puy-Guillaume (Puy-de-Dôme), sans cérémonie officielle.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article115400, notice LAGORGETTE Louis, Jean, Firmin par Claude Pennetier, version mise en ligne le 24 novembre 2010, dernière modification le 8 octobre 2018.

Par Claude Pennetier

SOURCES : Arch. Nat. F7/1308, Seine, SFIO. — Arch. Dép. Seine, DM3 ; versement 10451/76/1 ; listes électorales et nominatives. — Arch. Com. Boulogne-Billancourt, en particulier les papiers d’André Morizet. — Arch. J. Zyromski (CRHMSS), BI 3-6. — État civil d’Issac et de Montargis. — Comptes rendus des congrès nationaux du Parti socialiste. — L’Émancipation, 1929-1937 (surtout le numéro du 15 décembre 1931). — Le Trait d’Union socialiste, organe bi-mensuel interne de la section de Boulogne-Billancourt, 3e année, n° 18, 10 janvier 1938. — La Tribune républicaine, 6 janvier 1938. — Le Populaire, décembre 1937. — Cahiers du Bolchevisme, 15 mai 1933. — G. Lachapelle, Les élections législatives, op. cit. — Raymond Dallidet, 1934-1984 : Voyage d’un communiste, La Pensée universelle, 1984. — Jean-Paul Joubert, Révolutionnaires de la SFIO, Presses FNSP, 1977. — Frank Georgi, La première « Bataille socialiste ». Histoire et portrait d’une tendance dans le Parti socialiste, 1927-1935, Mémoire de Maîtrise, Paris I, 1983. — Renseignements recueillis par Justinien Raymond et Nathalie Viet-Depaule.

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