LAJARRIGE Louis

Par Michel Dreyfus, René Gaudy, Claude Pennetier

Né le 8 juin 1875 à Saint-Nazaire (Loire-inférieure), mort le 10 juin 1956 à La Baule (Loire-Inférieure) ; ouvrier chaudronnier en cuivre, ouvrier gazier puis secrétaire général du quotidien Le Journal ; secrétaire général du syndicat de la Compagnie du gaz de Paris ; conseiller municipal du XIXe arr. de Paris de 1902 à 1919 (Pont-de-Flandre) ; député républicain socialiste de 1914 à 1924 ; maire d’Escoublac-La Baule de 1935 à 1939.

Orphelin de père et de mère à neuf ans, Louis Lajarrige fut élevé par un oncle déjà chargé d’une nombreuse famille. C’est comme boursier qu’il fréquenta le collège de Saint-Nazaire, mais il dut interrompre ses études pour des raisons financières. Il fut « mousse » aux chantiers de la Loire et apprit le métier de chaudronnier en cuivre, puis travailla pour le compte de la Compagnie générale transatlantique et de la Compagnie des wagons-lits. Après son service militaire, il s’installa à Paris où il suivit les cours de l’Institut philotechnique. Un des professeurs était le socialiste Gustave Lesesne.

Ouvrier chaudronnier sur cuivre à l’usine à gaz de Clichy (Seine), il devint très vite un des responsables syndicaux les plus actifs. Il remplaça Darène à la tête du syndicat CGT de la Compagnie du gaz de Paris lorsque celui-ci fut licencié pour avoir conduit la grève de 1899. À l’exception de quelques mois, entre mars et septembre 1900, Louis Lajarrige fut le secrétaire général du syndicat de la Compagnie du gaz de Paris, semble-t-il jusqu’en 1912. Citons parmi les autres membres du bureau : Denfert, Michel, Pages, Risselin, secrétaires adjoints ; Bouvillon, Delaliaux, Dimary, Istasse, trésoriers ou trésoriers ajoints ; Laporte, archiviste. En 1909, Louis Lajarige étant toujours secrétaire général, le bureau était ainsi composé : secrétaire du conseil d’administration : Georges Buisson ; secrétaires adjoints : Bienner et Simon ; trésorier général : Robert ; trésoriers adjoints : Bernardon et Brugnière ; archiviste : Trapp.

En septembre 1900, Louis Lajarrige assista comme délégué au XIe congrès national corporatif — cinquième de la CGT — tenu à la Bourse du travail de Paris. Il fut également, pendant quinze ans, dirigeant du syndicat national de la Fédération du Gaz et, selon un rapport de police de 1908, il était « la bête noire de la CGT » syndicaliste-révolutionnaire qui ne pouvait compter sur son concours pour une action d’envergure comme la grève générale. Essentiellement syndicaliste, Louis Lajarrige n’était cependant pas indifférent à l’action politique puisqu’il participa, comme délégué de la Seine, au congrès général des organisations socialistes à Paris, salle Wagram en 1900. Il resta à l’écart de l’unification de 1905.

Pour défendre leurs intérêts au conseil municipal de Paris, les syndicalistes du gaz le présentèrent aux élections municipales de 1902, dans le quartier du Pont de Flandre (XIXe arr.) où se trouvait l’importante usine de La Villette. Il succéda à Alfred Brard, décédé, chef d’équipe à l’usine de La Villette et conseiller depuis 1893. C’était la période de renouvellement de la concession de la Compagnie du gaz de Paris, période favorable dont Louis Lajarrige profita pour mener, jusqu’en 1907, avec le soutien de son syndicat et des gaziers parisiens, une longue et tortueuse bataille qui déboucha sur un statut du personnel des plus intéressants pour les salariés avant 1914. Dans son Historique du syndicat des gaziers de Paris, Maurice Claverie, qui l’avait bien connu, le décrivait ainsi : « Lajarrige n’était pas un révolutionnaire, tant s’en faut. C’était plutôt à cette époque un impulsif, donnant vaillamment de sa personne, avec de l’allant et du cran. Mais quoique privé de connaissances générales et d’expérience, un bon sens solide devait toujours le retenir sur la pente. Il ramena les ouvriers, un instant égarés, à notre tactique d’action auprès du conseil municipal ». Ses positions « municipalistes » furent critiquées à partir de 1907 : Émile Pataud, le syndicaliste révolutionnaire, celui qui avait fait « l’éclipse » sur Paris pendant vingt-quatre heures en mars 1907, tenait la vedette et s’affirmait comme son adversaire. La même année, Louis Lajarrige créa un syndicat national des travailleurs du gaz qui concurrença la Fédération CGT de l’Éclairage, née en 1905. Cependant, jusqu’en 1914, il garda une grande influence sur les gaziers parisiens et en janvier 1913, il réussit, avec Raphaël Rhul, à écarter une menace de grève, non sans protestations.

Réélu conseiller municipal en 1904, 1908 et 1912, Louis Lajarrige avait participé le 10 décembre 1906 à la constitution de la fédération de la Seine à l’origine du deuxième Parti socialiste français (1907-1910). Ayant pris goût aux "réalisations pratiques", il se présenta sous l’étiquette "républicain socialiste" aux élections législatives sans se réclamer d’aucune des deux obédiences issues de la scission du parti en novembre 1913. Dans le XIXe arrondissement de Paris, il recueillit 7 870 voix sur 17 848 votants, contre 6 021 au socialiste André Dubois. Au second tour, le 10 mai 1914, il fut élu avec 9 235 voix contre 6 777, sur 16 372 votants (56,4 %). Membre en 1914 du groupe de députés de gauche non inscrits, puis en 1915 du groupe républicain socialiste, il se préoccupa surtout, selon le Dictionnaire des parlementaires (tome 16), des questions de solidarité sociale. « Malade à la suite du surmenage et des coups reçus au cours de la période électorale », il fut mobilisé au 13e régiment territorial d’infanterie où il fut caporal, sergent, puis sous-lieutenant. Réformé, il s’occupa d’institutions d’aide aux orphelins de guerre.

En novembre 1919, il fut réélu dans le 4e secteur de la Seine sur la liste d’Union républicaine et sociale, en fait de Bloc national, aux côtés d’Henri Coutant, Claude Nectoux et Raphaël Rhul. Il ne se présenta pas aux élections générales du 11 mai 1924 et devint secrétaire général du quotidien, le Journal. En 1928, il tenta un retour à la vie politique et, candidat républicain socialiste à Levallois-Clichy (7e circonscription de Saint-Denis), il fut nettement devancé par le communiste Charles Auffray (10 067 voix) et le socialiste SFIO Louis Rouquier (6 520 voix), ne recueillant que 5 256 voix.

Depuis le début du siècle, il s’occupait de l’action sociale en faveur de l’enfance et particulièrement des colonies qu’il créa dans la presqu’île guérandaise. Agissant d’abord pour le compte d’œuvres sociales, puis à son propre compte, il devint, au début des années vingt, propriétaire d’une importante partie de l’actuelle station de La Baule-les-Pins qu’il mit en valeur. Il obtint le déplacement de la voie ferrée vers le littoral, céda, de 1925 à 1951, des parties de ses propriétés pour la création d’édifices, de terrains ou de voies publiques. Élu conseiller municipal, puis maire d’Escoublac-La Baule en 1935, il démissionna en mai 1939. L’avenue principale porte son nom et une stèle a été élevée à sa mémoire.

L’exemple de Louis Lajarrige contribua à entretenir la méfiance des gaziers parisiens à l’égard des élus municipaux. Au congrès fédéral d’unité de Toulouse (février 1936), Jean Duflot, au nom des ex-unitaires, évoqua son exemple : « Les syndiqués peuvent contrôler l’action de ceux des leurs qui ont un mandat politique. Ils les chasseraient s’ils venaient à trahir l’intérêt des travailleurs. C’est ce qu’ont fait les gaziers de Paris lorsque Lajarrige, conseiller municipal et secrétaire du syndicat, a cessé de défendre leurs intérêts ». Àquoi un ex-confédéré, André Wintermantel, répondit : « Duflot n’a pas tout dit. De cette aventure politico-syndicale, notre organisation a eu à souffrir. Quand un militant a eu une certaine vogue, il se fait des amis. Et quand on le chasse, ses amis partent avec lui, affaiblissant l’organisation. C’est ainsi qu’il y a encore, en 1936, un syndicat « Lajarrige » en marge du syndicat régulier du gaz de Paris. Il n’a que de très faibles effectifs, mais il nous a fait beaucoup de mal dans les usines » (compte rendu du congrès, séance du 28 février).

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article115486, notice LAJARRIGE Louis par Michel Dreyfus, René Gaudy, Claude Pennetier, version mise en ligne le 24 novembre 2010, dernière modification le 19 juillet 2021.

Par Michel Dreyfus, René Gaudy, Claude Pennetier

ŒUVRE : Une méthode syndicale, Imp. Le papier, 1907.

SOURCES : Arch. FNE-CGT. — Le Réveil municipal de Clichy, 18 février 1928. — Comptes rendus des congrès cités. — M. Claverie, Historique des gaziers de Paris (1892-1932), Éd. du syndicat, 1932. — J. Julliard, Clemenceau briseur de grèves, Paris 1965, p. 70. — R. Gaudy, Les porteurs d’énergie, Paris, Temps actuels, 1982. — La Résistance de l’Ouest, 1956-1957. — Bulletin de la chambre syndicale de la propriété bâtie de la presqu’île guérandaise, mai-juin 1956. — Yves Billard, Le Parti républicain-socialiste de 1911 à 1934, thèse, histoire, Paris 4, 1993. — État civil de Saint-Nazaire. — Renseignements communiqués par la mairie de La Baule.

rebonds ?
Les rebonds proposent trois biographies choisies aléatoirement en fonction de similarités thématiques (dictionnaires), chronologiques (périodes), géographiques (département) et socioprofessionnelles.
fiches auteur-e-s
Version imprimable