Par Madeleine Rebérioux
Né le 10 décembre 1887 à Sore (Landes) ; instituteur ; militant socialiste des Landes.
Jacques Lamaison est né dans une famille (dont le père, Georges, était menuisier, et la mère, Elisabeth Darrouze, sans profession), et dans une localité aux fermes traditions républicaines : Sore fut la seule commune landaise à voter en majorité « non » au plébiscite de 1852, et son grand-père resta « démoc-soc » sous l’Empire. Le jeune homme, combatif, impétueux, bon organisateur, fut rapidement conquis par la parole guesdiste comme un certain nombre de jeunes instituteurs de sa génération. Il milita dans les Landes jusqu’à la fin de 1915.
Non sans difficultés. Après avoir été quatre ans élève au lycée d’Angoulême (Charente) où sa conduite « n’avait pas donné entière satisfaction », il passa son brevet supérieur en 1905, devint instituteur stagiaire à Saint-Lon-les-Mines, près de Dax, jusqu’en avril 1906, puis suppléant, pour quelques mois, à l’École primaire supérieure de Dax. On le retrouve stagiaire à Labrit (l’inspecteur primaire note alors qu’il a « besoin de beaucoup travailler ») pendant l’année scolaire 1906-1907, puis à Soustons, en plein pays résinier, jusqu’en avril 1909.
Exempté du service militaire, il est alors déplacé à Sanguinet, « un sale trou à quatorze km du village le plus rapproché », à dix km de la halte du train. C’est là qu’il fait la connaissance de sa fiancée, institutrice elle aussi, et qu’il se marie, civilement bien sûr. En 1910, il passe de justesse les épreuves pratiques du CAP et le voici instituteur titulaire jusqu’à ce que, le 16 novembre 1915, maintenu exempté du service militaire en 1914, il soit nommé commis d’inspection académique à Carcassonne (Aude).
Dans ce département des Landes où le socialisme était, au début du XXe siècle, un objet de curiosité, Jacques Lamaison se tailla rapidement une place de premier plan, aidé en cela par la solidarité guesdiste, comme en fait la preuve la correspondance qu’il échangeait avec Lucien Roland. On le vit batailler à la fois contre les curés, les radicaux, les salariés misérables sans conscience politique et les « insurrectionnels » de la tendance Gustave Hervé, assez influents dans la fédération. Élu secrétaire fédéral en octobre 1907, il le resta jusqu’en 1910 et, s’il faut l’en croire, ne démissionna à cette date que pour prouver l’incapacité des insurrectionnels à diriger la fédération. Le fait est qu’il en reprit la direction en 1911 et qu’il la garda jusqu’en janvier 1914, date à laquelle il quitta le comité fédéral. Délégué à plusieurs congrès nationaux (Saint-Étienne en 1909, Lyon en 1912, Brest en 1913), il représenta à maintes reprises la fédération au Conseil national de la SFIO, et ce, même après avoir quitté le comité fédéral.
« Guesdiste complet », si l’on ose cette formule, Lamaison n’était pas seulement préoccupé par des problèmes d’organisation et de propagande et par la polémique qui l’opposait aux tendances adverses ; il eut à cœur d’implanter l’influence du socialisme dans le mouvement syndical landais et, en particulier, chez les ouvriers et métayers résiniers. C’est dans cette intention qu’il écrivit, d’ailleurs sur commande de la fédération SFIO, une brochure dont il donna d’abord lecture au comité fédéral de mars 1909, Le Collectivisme au pays de la résine. Dans ce but aussi qu’il contribua, au début de 1912, au lancement de L’Avenir social. On le vit prendre part en personne à l’action et, par exemple, à Soustons, pendant la grève des résiniers de janvier-février 1909, se rendre « à la réunion tenue chez le président du syndicat, à la tête des grévistes, suivant immédiatement les drapeaux rouges » (Arch. Dép. Landes, T 1984).
Soumis à plusieurs enquêtes administratives (notamment à Soustons pour « propagande de théories révolutionnaires » et à Sanguinet où le maire, clérical, ne cessa de susciter contre lui des plaintes de parents d’élèves), Jacques Lamaison eut en outre longtemps pour supérieur hiérarchique un inspecteur primaire qui lui était franchement hostile et considérait qu’un instituteur ne pouvait avoir « d’activité au dehors » (rapport du 11 août 1910). Par contre, les radicaux le soutinrent souvent et notamment, en 1908, le député de Mont-de-Marsan, lui-même ancien inspecteur primaire, Léo Bouyssou. Lamaison ne craignait pas d’ailleurs d’attaquer : on le vit par exemple poursuivre en diffamation, aux félicitations de l’Amicale des Instituteurs des Landes, deux journalistes que la cour d’assises acquitta le 3 juillet 1911.
Majoritaire au début de la guerre, Lamaison évolua ensuite. En 1919, il signait un compte rendu du Comité de la fédération socialiste de l’Aude assez favorable à la Troisième Internationale, et l’inspecteur d’Académie, une fois encore, demandait au préfet son déplacement (Arch. Dép. Aude, 5 M 100).
Par Madeleine Rebérioux
ŒUVRE : auteur d’une importante brochure de vulgarisation et de lutte : Le collectivisme et le pays de la résine.
SOURCES : Arch. Dép. Landes, 5 M s 169 et T 1984 ; état civil et registre matricule. — Correspondance Lamaison-Lucien Roland (Arch. privées de M. Dommanget). — La Tribune socialiste. — Le Combat du Lot-et-Garonne. — La Bataille landaise. — L’Avenir social.. — Aperçus, n° 75 : "Syndicalisme et luttes en terre landaise 1905-1950".