LAPORTE Jean

Par Louis Bonnel et Claude Pennetier

Né le 3 décembre 1874 à Montluçon (Allier), mort le 24 mars 1964 à l’hôpital Beaujon de Clichy (Seine) ; ouvrier tourneur sur métaux, commerçant non-sédentaire puis agent communal ; syndicaliste ; socialiste puis député communiste de la Seine (1924-1928) ; exclu du Parti communiste en 1929.

Ayant perdu sa mère peu après sa naissance, Jean Laporte fut élevé par sa grand-mère dans la rigueur et la pauvreté. Il fit son apprentissage de tourneur à Montluçon. Marié le 11 février 1899 à Bourges (Cher), il eut deux enfants nés dans cette ville en 1901 et 1902. Après s’être fixé à Vierzon, au début des années 1900, il milita activement dans les organisations socialistes. Élu conseiller municipal de Vierzon-Villages le 19 juillet 1908, il siégea aux commissions des finances et des fêtes jusqu’au 12 mars 1910.

Adhérent depuis mars 1905 de la Chambre syndicale des ouvriers métallurgistes réunis de Vierzon, il fut délégué au XVIIe congrès national corporatif — 11e de la CGT — et à la IVe conférence des Bourses du Travail tenus simultanément du 3 au 11 octobre 1910 à Toulouse.

Sa très grande activité syndicale le fit mettre à l’index par le patronat local. Soucieux d’assurer à sa femme et à ses deux enfants, Raymond et Gaston, des conditions de vie décentes, Jean Laporte partit dans la région parisienne en 1910. Il habita dans un appartement de Colombes (Seine) rue Paul-Bert, puis dans un pavillon de l’avenue des Saules. Membre de la section socialiste de Colombes, il fut, avec Louis Marchand, un des créateurs du Restaurant coopératif « La Maison du Peuple ».

Mobilisé en 1917, il connut la vie dans les tranchées et revint plus décidé que jamais à militer pour le socialisme et contre la guerre. Partisan de l’adhésion à la IIIe Internationale, il rejoignit le Parti communiste après le congrès de Tours (décembre 1920), avec toute sa section moins deux membres. Jean Laporte se vit refuser l’embauche dans les usines métallurgiques de la région et dut, pour gagner sa vie, vendre des lames de rasoir, de l’eau de Cologne, des lacets aux portes des usines.

Déjà candidat socialiste aux élections municipales des 30 novembre-7 décembre 1919 à Colombes, il se représenta, comme communiste, aux complémentaires d’avril 1921 (avec J. Lomet) et aux générales des 3 et 10 mai 1925. Candidat à nouveau aux élections législatives du 11 mai 1924 dans la 4e circonscription de la Seine (banlieue), il figura en 12e position de la liste dirigée par Paul Vaillant-Couturier et Jacques Doriot. Sur 406 547 inscrits et 342 584 votants, la liste du Bloc ouvrier-paysan recueillit 105 312 voix de moyenne et Laporte (5e dans l’ordre des résultats) fut élu au quotient avec 105 481 voix. Neuf des dix-neuf sièges étaient conquis par les communistes. Laporte participa activement à la vie parlementaire.

Membre de la commission de l’hygiène et de celle des assurances et de la prévoyance sociale, il prit part à la discussion des budgets du travail de 1925 et de 1926. Il interpella, en 1926, le gouvernement sur les nombreux licenciements qui suivirent une grève chez Renault. L’année suivante, il dénonça les violations de la loi des 8 heures et parla de la vie chère et du chômage. En 1928, il s’éleva contre l’intervention de la police dans les locaux de la CGTU et participa à la discussion d’un projet relatif aux assurances sociales. Par ailleurs, le Parti communiste l’envoya comme orateur dans de nombreux meetings en province, particulièrement pendant la campagne contre la guerre du Maroc en 1925.

Laporte fut un des signataires de la Lettre des 250 à l’Internationale communiste, lettre qui critiquait l’action de la direction du Parti communiste (voir F. Loriot, et t. 16, pp. 474-481). De nombreux militants de Colombes l’imitèrent : Decaux, Fretigny, Jouveshomme, Lancien, Martin, Remignac et Texier. Jean Laporte intervint au congrès national de Lille (20-26 juin 1926) pour protester contre les attaques dont les élus étaient la cible : « Depuis le mois de juillet jusqu’au mois de décembre, nous n’avons pu presque jamais prendre contact avec le Parlement » (compte rendu, p. 220). Le Parti communiste le représenta cependant aux élections législatives des 22 et 29 avril 1928 dans la 10e circonscription de Saint-Denis (cantons de Colombes et de Courbevoie). Il recueillit 7 186 voix sur 35 181 inscrits et 29 569 votants, se plaçant en seconde position. Il semble avoir bénéficié au second tour d’une grande partie des 3 853 voix du socialiste SFIO Ducos de la Haille. Mais Louis Dubois (URD), député sortant, le battit par 15 283 voix contre 10 871.

Malade, épuisé par une activité militante intense, il décida d’exercer le commerce des produits alimentaires sur les marchés de Colombes.

Malgré son échec aux élections municipales des 3 et 10 mai 1925, il conduisit la liste communiste de Colombes les 5 et 12 mai 1929. La liste du Bloc ouvrier-paysan obtint entre 2 949 et 2 698 voix (moyenne 2 724 voix) sur 8 461 votants et 11 610 inscrits, et n’eut aucun élu.

Ses difficultés avec le Parti communiste commencèrent dès ce moment. Ainsi on lui préféra Ridard comme candidat à l’élection cantonale du 26 mai 1929. A la fin de l’année 1929, Laporte se solidarisa avec Charles Auffray, maire de Clichy, et plusieurs élus parisiens exclus du Parti communiste. Lui-même subit cette sanction, mais, selon le témoignage de sa belle-fille, son exclusion n’était pas liée à celle de Charles Auffray. En dépit de ses jugements critiques sur le cours sectaire du Parti communiste, il n’avait pas imaginé une telle issue et il en fut profondément affecté. À sa démoralisation s’ajoutèrent des problèmes de santé et des difficultés matérielles. Rien n’indique une activité politique postérieure à son départ du Parti communiste, même dans le cadre du Parti ouvrier-paysan de Charles Auffray. Il est cependant possible qu’il ait appartenu, comme simple membre, au Parti d’unité prolétarienne.

Auffray l’embaucha le 13 novembre 1929 à la mairie de Clichy. Administrateur adjoint de la salle des fêtes et employé à la bibliothèque, il assurait pendant les vacances scolaires, en collaboration avec le maire adjoint Rodolphe Barbedienne, la direction des colonies de Corancy (Nièvre) et de Saint-Gilles-Croix de Vie (Vendée). Il fut titularisé le 1er mars 1935 et, ayant atteint la limite d’âge, mis à la retraite le 31 décembre 1940.

Laporte subit une perquisition vers octobre 1940 mais ne fut pas arrêté.

Il se tint à l’écart de la vie politique pendant les dernières décennies de sa vie.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article115933, notice LAPORTE Jean par Louis Bonnel et Claude Pennetier, version mise en ligne le 24 novembre 2010, dernière modification le 13 mars 2022.

Par Louis Bonnel et Claude Pennetier

SOURCES : Arch. Com. Vierzon. — Arch. Com. Clichy. — L’Humanité, 13 mai 1924, 24 et 30 avril 1928, 28 avril et 13 mai 1929. — L’Aube sociale, mai 1925. — Le Républicain de Levallois-Neuilly, 18 mai 1929. — J. Jolly, Dictionnaire des parlementaires, t. 6, PUF, 1970. — G. Lachapelle, Les élections législatives, op. cit. — Souvenirs de sa belle-fille recueillis par Louis Bonnel. — Enquête à Colombes et à Clichy par Louis Bonnel. — Plusieurs ouvrages citent Jean Laporte en le confondant avec Louis et Maurice Laporte.

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