Par Jean Maitron, Claude Pennetier, Marie-Cécile Bouju
Né le 5 juin 1887 à Raon-l’Etape (Vosges), mort le 21 juillet 1969 à Champagné-le-Sec (Vienne) ; ouvrier typographe ; syndicaliste du Livre.
Fils d’un « pensionnaire de l’État » prénommé également Auguste, et de Clémence Dalance, Auguste Largentier travailla comme ouvrier typographe et se syndiqua en 1907. Il devint secrétaire adjoint de la Chambre typographique parisienne et demeura quarante ans à sa tête.
Largentier fit son service militaire d’octobre 1908 à octobre 1910. Il fut mobilisé du 1er août 1914 au 14 juillet 1919. Blessé, il a été décoré de la Médaille militaire et de la Croix de guerre.
Largentier s’engagea syndicalement dès sa démobilisation. La police le signala comme prenant la parole pendant les grèves. En juin 1920, il fut élu délégué adjoint de la Chambre syndicale typographique parisienne, secrétaire adjoint le 26 mars 1921 et enfin secrétaire le 29 avril 1922. En mars 1923, il est élu membre de la commission administrative de la CGT. Réformiste, partisan de l’unité syndicale, il resta à la CGT en 1922 avec la grande majorité de la 21e section. Le congrès national confédéral de septembre 1929 le fit entrer à la commission administrative. Il était également administrateur du Peuple, quotidien de la CGT. Le XXe congrès (1929) l’avait élu à la commission de l’enseignement et de l’éducation ouvrière. Il était délégué suppléant au Conseil supérieur de l’enseignement technique. En septembre 1930, il fit partie de la délégation qui alla au Ve congrès de la Fédération syndicale internationale, à Stockholm.
Pendant les grèves de 1936, Largentier fut très actif avec Biso, Chambelland, Joly, Ranc et Poencin. Il était, avec ce dernier, secrétaire du Comité intersyndical du Livre en 1939. Largentier était membre du Parti socialiste.
Largentier avait aussi remis sur pieds les cours de la Chambre syndicale en 1923. Il fut nommé inspecteur régional puis inspecteur régional de l’Enseignement technique, charge qu’il occupa de 1924 à 1946.
Largentier a été membre du Centre syndical d’action contre la guerre, créé en 1938.
Au début de la guerre, il représentait les typographes au bureau du comité dont Roger Périgeat assurait le secrétariat. Il fit donc partie avec Basignan pour le SGL, Périgeat pour les correcteurs, des dirigeants syndicats du livre parisien qui négocièrent avec Jean Luchaire, directeur du Groupement corporatif de la presse quotidienne parisienne, qui organisait de contrôle économique, social et politique de la presse en zone nord, au bénéfice de l’occupant. Un article nécrologique rédigé par Périgeat (Bulletin des correcteurs, n° 86, octobre 1969) indique l’esprit qui était le leur pendant l’Occupation. « Nous pensâmes qu’il fallait maintenir nos organisations syndicales et, par elles, les conditions de travail si particulières aux ouvriers de la presse. Et ce fut fait. Malgré le groupement corporatif. Il y eut même quelques augmentations de salaires. Mais je dois dire que cela tint surtout à l’habileté de Largentier, à sa ruse de vieux paysan vosgien. »
À la Libération, Largentier témoigna, devant une juridiction d’exception, en faveur de Luchaire. La Commission départementale de reconstitution des organisations syndicales de presse l’exclut à vie des syndicats le 28 mars 1946. En appel, le 2 avril, il rappela qu’il avait aidé et logé des syndicalistes clandestins (dont Ehni) et vit la mesure commuée en interdiction d’exercer des fonctions syndicales. La 21e section et lui-même refusèrent cette sanction. Malgré ses sympathies pour Léon Jouhaux, il refusa la scission de Force ouvrière.
Largentier s’intéressa également aux Mutuelles et à la caisse de retraite complémentaire.
Retiré depuis 1952 dans un village de la Vienne, il mourut en 1969, trois ans après son épouse, Léocadie Pineau, avec qui il était marié depuis 1915.
Il avait été fait chevalier de la Légion d’honneur en 1956.
Par Jean Maitron, Claude Pennetier, Marie-Cécile Bouju
SOURCES : Arch. Nat. F7/13754 et dossier de la Légion d’honneur. — Arch. PPo. Ba/1686, année 1932 et 77 W 91-104382 — Le Populaire, 9 avril 1922. — Bulletin des Correcteurs, n° 86, octobre 1969. — Yves Blondeau, Le syndicat des correcteurs, op. cit. — Paul Chauvet, Les ouvriers du Livre et du Journal. La Fédération française des Travailleurs du Livre, Les Éditions ouvrières, 1971. — Comptes rendus des congrès syndicaux. — État civil de Raon-l’Étape, 10 janvier 1984.