LARUE Tony, Maurice

Par Gilles Morin

Né le 18 août 1904, mort le 5 juillet 1995 à Rouen (Seine-Maritime) ; expert-comptable et expert judiciaire à la cour d’appel ; militant socialiste de la Seine-Maritime ; maire du Grand-Quevilly (1935-1941, 1944-1945, 1947-1995) ; conseiller général de Grand-Couronne (1945-1951, 1964-1982) ; président du conseil général (1945-1951) ; président du conseil régional de Haute-Normandie (1975-1977 ; député (1956-1977) ; sénateur (1977-1995).

Tony Larue était fils de Maurice Larue, agent des douanes actives, et petit fils d’un ouvrier plâtrier du côté paternel, et d’un exploitant agricole du côté de sa mère, née Marie, Louise Seurin. Élève au lycée Fontenelle de Rouen, orphelin, il continua ses études en travaillant par correspondance. Il devint expert-comptable breveté par l’État, expert judiciaire à la cour d’appel et commissaire des comptes inscrits près des cours d’appel. Il fut salarié de la société Saint-Gobain, puis ouvrit son propre cabinet en 1934 .

Tony Larue a adhéré aux Jeunesses socialistes de Rouen le 2 octobre 1922, puis à la SFIO, mais il quitta le Parti, avec trente membres sur trente-trois de sa section, lors de la scission néo-socialiste de 1933. Deux ans plus tard, il emporta la mairie du Grand-Quevilly, ville qui comptait alors environ 8 000 habitants. Après avoir appartenu au Parti socialiste de France, il redemanda son adhésion à la SFIO en 1936 et l’obtint en septembre 1937. Il appartint au secrétariat fédéral de 1937 à 1939.

Révoqué de ses fonctions de maire par Vichy le 11 mars 1941 (comme franc-maçon ?), Tony Larue participa à la Résistance dans le réseau Libération-Nord (il était responsable local et c’est lui qui mit en relations Henri Ribière avec Georges Brutelle, Raoul Leprêtre et [Jean Capdeville-18603]). Nommé maire provisoire de Grand-Quevilly à la Libération, il perdit la maire au profit du Parti communiste en avril 1945 (Louis Jouvin). Larue reprit la ville aux communistes en 1947, avec les voix des conseillers « indépendants », et la conserva jusqu’en 1995. Il devait l’administrer sur une soixantaine d’années, hormis les deux interruptions entre 1941 et 1947. Il fut le seul socialiste à diriger une municipalité d’importance dans le département, ce qui lui assura par la suite une place prépondérante dans celui-ci.

Élu conseiller général du canton de Grand-Couronne aux élections cantonales de septembre 1945, Tony Larue fut porté à la première vice-présidence du conseil général de 1945 à 1949, puis, après le renouvellement partiel de 1949, devint deuxième vice-président de l’Assemblée départementale. L’expert-comptable présida aussi la stratégique commission des Finances et fut rapporteur du budget départemental en 1949-1951. Mais, en 1951 et 1958, au renouvellement des cantonales il fut battu dès le premier tour par le communiste Spinneweber, maire du Petit-Quevilly. Pourtant, il renforça un peu sa position électorale dès 1958 et fut réélu conseiller général de 1964 à 1976, en bénéficiant du désistement de Spinneweber.

Tony Larue, placé en position non éligible sur les listes de la SFIO aux élections législatives (3e de liste, un élu), échoua en 1946 et en 1951, mais aussi aux élections au Conseil de la République en 1946, puis en mai 1952. Il entra au Parlement à l’occasion des législatives du 2 janvier 1956 dans la 2e circonscription, le député sortant, [Jean Capdeville-18603], étant écarté par un scandale et les militants le préférant à Pierre Bérégovoy. Il siégea à la commission des finances – qui le chargea du rapport sur le budget du Commerce et de l’Industrie – et fut l’un des rares députés socialistes à conserver son siège en novembre 1958. Il défendit la politique du gouvernement Mollet en Algérie et les 1er et 2 juin 1958 vota en faveur de l’investiture du général de Gaulle et lui accorda les pouvoirs spéciaux. Toujours membre de la commission des Finances, il fut nommé rapporteur du budget des PTT en 1962 et vice-président de l’Assemblée nationale. Il a également été élu le 15 juillet 1959 par l’Assemblée pour siéger au Sénat de la Communauté de 1959 à 1962.

Au sein du Parti socialiste SFIO, il fut membre suppléant de la commission de contrôle en 1949, titulaire en 1950 et 1951 (mais ne fut par reconduit en 1952 car il n’avait participé à aucune réunion l’année précédente), puis responsable parlementaire de la commission nationale d’études (section finances) en 1959 et délégué cantonal de l’Éducation nationale en 1962. Il appartenait au bureau fédéral en 1970. Toujours situé « à droite » de son parti, Larue appartint au comité de soutien initial du courant animé par André Chandernagor en décembre 1969 qui publiait Démocratie socialiste. Étant demeuré au Parti socialiste dont il était au niveau départemental le vétéran et le pilier, il fut désigné comme délégué départemental de François Mitterrand pour les élections présidentielles de 1974.

Tony Larue fut enfin président du Conseil régional de Haute-Normandie et sénateur de la Seine-Maritime à partir de 1977, alors que Laurent Fabius, qu’il avait accueilli sur sa liste municipale l’année précédente, lui succédait au Palais-Bourbon. Il siégea au Palais du Luxembourg jusqu’à sa mort, devenant le doyen de la Haute Assemblée. Il a été membre du comité directeur de l’Association des maires de France de 1956 à 1977.

Il céda en juin 1995 la municipalité à Laurent Fabius qui en fit la base de sa conquête du département. Il décéda un mois plus tard, à l’âge de quatre-vingt-dix ans.

Tony Larue avait occupé de nombreux postes de responsabilités. Au plan professionnel, il était membre de l’Ordre national des experts-comptables et membre du conseil Régional de l’Ordre. Il présidait la SA d’HLM de sa commune du Grand-Quevilly.

Il fut titulaire de nombreuses décorations, officier de la Légion d’honneur, Officier d’Académie, chevalier du Mérite social, il était encore médaillé de Libé-Nord et titulaire de la Croix du combattant volontaire de la Résistance.

Marié, il eut deux enfants adoptifs.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article116106, notice LARUE Tony, Maurice par Gilles Morin, version mise en ligne le 24 novembre 2010, dernière modification le 10 avril 2020.

Par Gilles Morin

SOURCES : Arch. Nat., fonds Noguères, dossier Brutelle ; F1c/II/249, 280, 285, 323, 567 ; F/1cIV/154 ; CAC, 19830172/72. — Arch. FJJ/6EF73/2 et dossiers fédération Seine-Maritime (1968-1978). — Rapports des congrès de la SFIO, 1944-1967. — Bulletin Intérieur de la SFIO, n° 114, mai 1960. — Démocratie socialiste, décembre 1969. — Encyclopédie périodique, Communes et maires de France, société générale de presse, 1987. — Professions de foi aux élections 1962. — Le Progrès de Dieppe, 25 juillet 1936. — Jean-Marie Cahagne, Le Parti socialiste SFIO en Haute-Normandie, Thèse, UER de sciences politiques de Caen. — Who’s who in France, 1993-1994. — Notice par Y. Le Maner, dans le DBMOF. — État civil, recherches infructueuses.

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