LASALARIÉ Joseph

Par Antoine Olivesi

Né 11 mars 1893 à Marseille (Bouches-du-Rhône), mort le 5 juin 1957 à Marseille ; avocat ; conseiller général socialiste SFIO du canton de Roquevaire de 1931 à sa mort ; sénateur des Bouches-du-Rhône de 1948 à 1955.

Fils de Marguerite Lasalarié, sans profession selon l’état-civil, ou sage-femme selon d’autres sources, née à Montpellier en 1867, petit-fils de paysans de l’Hérault, Joseph Lasalarié fit des études secondaires au lycée Thiers, puis supérieures à la Faculté libre de droit de Marseille pour devenir avocat. Il s’inscrivit au Barreau de Marseille en 1913. Il se maria le 19 juin 1920 à Marseille et fut père de quatre enfants.

Mobilisé en 1914, Lasalarié fit toute la guerre et combattit surtout sur le front d’Orient, en Albanie. Sa conduite au feu lui valut, outre le grade de lieutenant, la Croix de guerre et la Légion d’honneur. Il fut par la suite vice-président de l’association des poilus d’Orient et délégué général, puis président, de la fédération des Anciens combattants républicains du Sud-Est. Il était encore avant guerre président de l’Union provençale des fédéralistes.

Lasalarié fut attiré de bonne heure par la littérature, la poésie, le théâtre, mais, comme l’écrivit plus tard Gaston Berger, « cet homme de vaste culture au goût sûr, aux idées nobles, orateur de talent, (...) fut aussi le témoin des conditions laborieuses (...) et sa générosité le porta à servir les hommes plutôt que l’humanité (...) pour lui politique et socialisme correspondaient à son désir de justice et d’affection fraternelle pour les malheureux et les faibles. »

C’est pourquoi, s’il plaida quelques grands procès politiques et défendit par exemple, en 1934, le maire communiste des Saintes-Maries-de-la-Mer, Esprit Pioch, Joseph Lasalarié, même lorsqu’il fut devenu avocat réputé, demeura toujours le défenseur des plus déshérités. Il militait aux Amis de l’instruction laïque de la ville et à la Libre pensée. En 1929, il remplaça Léon Baylet à le tête de la Fédération départementale de cette dernière (et était toujours en fonction à la fin des années 1940). Il appartenait au groupe des Enfants de 93 et au groupe Jaurès, et il fut, en 1936, membre d’honneur, avec Marestan, du groupe Étienne Dolet. Affilié également à la Franc-maçonnerie et à la Ligue des droits de l’Homme, il intervint, au nom de celle-ci, le 9 juillet 1925 (lettre à la préfecture) en faveur de quatre navigateurs indochinois victimes de vexations policières. Il la représenta de même en octobre 1930, dans une réunion présidée par l’anarchiste Clot, pour empêcher l’extradition de deux révolutionnaires espagnols revendiquée par le gouvernement de Madrid.

Lasalarié fit d’abord partie des républicains socialistes. En mai 1925, il était le secrétaire général du comité électoral regroupant les forces de la gauche marseillaise, à l’exception des communistes et des sabianistes, qui fit triompher la liste Flaissières aux élections municipales. En juillet, il fut le secrétaire du comité républicain-socialiste qui soutenait, dans le 2e canton, pour les élections au conseil d’arrondissement, l’avocat Lévy-Valensi.

Lasalarié adhéra un peu plus tard au Parti socialiste SFIO, sans doute en 1926. On relève son nom au congrès départemental, dans les Bouches-du-Rhône, à Salon, le 3 avril 1927. Il y intervint au nom de la 2e section de Marseille et vota pour la motion Bracke qui obtint 64 voix contre 129 à la motion P. Faure. Mais il conserva une certaine indépendance à l’égard de ce parti. Selon L’Éclair de Montpellier, il aurait souhaité être candidat aux élections législatives en 1930, à la mort de Bernard Cadenat. L’année suivante, il fut élu conseiller général du canton de Roquevaire, en battant le conseiller sortant républicain-socialiste Maurice Guy, soutenu par les sabianistes, et le maire de Gréasque, Denis Moustiers, socialiste indépendant. Malgré les consignes de la SFIO, il avait conclu un accord de « front unique » avec le candidat communiste Léon David dès le premier tour. Il obtint 617 voix sur 3 536 inscrits contre 552 à David qui se retira en sa faveur et lui permit d’être élu au second tour avec 1 304 suffrages sur 2 795 votants. Lasalarié était en bons termes avec les communistes et avait participé au mouvement Amsterdam-Pleyel avec César Matton. Il appartenait à la commission départementale en 1933 et fut désigné comme vice-président du conseil général en 1937.

En 1932, aux élections législatives, la Fédération SFIO l’écarta comme candidat dans la 5e circonscription qui englobait pourtant le canton minier de Roquevaire, au profit d’un autre avocat, Raymond Vidal, fraîchement passé du radicalisme au socialisme. Lasalarié se présenta alors comme socialiste dissident, candidat d’unité socialiste, et recueillit 2 330 voix au premier tour sur 17 224 inscrits, devançant Vidal dans le canton de Roquevaire. Il se désista au second tour et Le Petit Provençal enregistra son « désistement loyal ». Cependant, par le biais d’une brochure imprimée en 1932, il expliqua aux électeurs de la Ve circonscription les raisons de sa candidature et de ses désaccords avec la direction fédérale du Parti socialiste SFIO.

Dans ses rapports avec le Parti socialiste, Lasalarié conservait donc encore sa marge d’autonomie ; c’est ainsi qu’au début des années trente il dirigeait le Cercle d’unité socialiste au sein duquel il participa en 1933-1934, à de nombreuses actions contre le fascisme et la guerre. Il était toujours assez proche des communistes, favorable notamment à l’unité ouvrière réalisée à la base ; entre autres actions, il fit partie, le 24 mars 1934, de la délégation des élus du canton de Roquevaire qui vint protester à la préfecture de Marseille contre le chômage dont souffraient les mineurs. De même, Lasalarié défendit des manifestants du PC arrêtés à Marseille à la fin janvier 1934, puis fit partie d’un comité antifasciste du 5e canton avec la SFIO et le PC, en mai, ainsi que du comité antifasciste marseillais où il représenta l’Union socialiste. En mai 1935, Joseph Lasalarié fut élu conseiller municipal de la commune de Roquevaire.

Il fut chargé en 1934 d’assurer la défense de Luigi Bastoni par la région du Secours rouge International (SRI) et plaida la cause de l’antifasciste italien devant la Cour d’assises d’Aix-en-Provence en octobre 1935. Compte tenu des intérêts politiques en présence, il ne réussit pas à éviter une lourde condamnation à son client. En janvier 1936, il était membre du comité fédéral du SRI et, en février, membre d’honneur de la société des Amis de l’URSS.

À l’époque du Front populaire, il s’était réconcilié avec la SFIO, y fut réintégré au congrès fédéral d’Aix-en-Provence, le 22 septembre 1935, et présida le congrès administratif de Septèmes l’année suivante. Jusqu’à la guerre, il fut l’avocat-conseil de la Fédération et écrivit de nombreux articles dans l’hebdomadaire de cette dernière. Aux élections législatives de 1936, « revenu au sein de la grande famille socialiste » (Le Petit Provençal du 6 mai) il fit campagne pour Raymond Vidal dans la 5e circonscription. Un an plus tard, il fut réélu conseiller général du canton de Roquevaire avec 1 369 voix sur 3 670 inscrits au premier tour contre 1 097 au communiste David et 490 voix à deux candidats modérés. Il l’emporta au second tour avec 1 946 suffrages sur 2 743 votants. Il conserva toujours une réelle popularité au sein de la population minière de son canton. « Il y avait rétabli une situation difficile » déclare, à son sujet, un rapport préfectoral de janvier 1938 qui lui attribue une certaine influence au conseil général où il fut rapporteur du budget en 1938 et en 1939.

Avocat conseil de la Fédération SFIO des Bouches du Rhône, Lasalarié écrivit de nombreux articles dans son hebdomadaire ; il vint en aide aux grévistes après la grève du 30 novembre 1938 et la répression antisyndicale qui suivit.

Pendant la Seconde Guerre mondiale, Joseph Lasalarié fut mobilisé comme lieutenant. Après la défaite, il défendit comme avocat les militants communistes italiens poursuivis et d’autres victimes du nouveau régime. Son activité dans la Résistance lui valut d’être poursuivi par la Gestapo. Membre de Combat et de l’ORA, il rejoignit le maquis en 1943. À la Libération il reçut la croix de la Légion d’honneur. Mais les communistes contestaient son action résistante et menaient une propagande active sur ce thème dans les six communes minières constituant son canton.

En septembre 1945, Lasalarié fut réélu conseiller général du canton de Roquevaire. Il conserva son siège jusqu’à son décès. Vice-président de l’Assemblée départementale en 1945, il devint président du conseil général de 1946 à 1950. En 1949, il était élu président de l’Association des présidents des conseils généraux, conformément à la tactique de l’appareil SFIO de l’époque désireux d’établir le maximum d’influence politique dans les relations interdépartementales. Il succédait à Malecot, fondateur de l’Association, qui avait été battu au renouvellement partiel. Son remplacement par Roger Carcassonne en 1951 était prévu de longue date.
Du 7 novembre 1948 à juin 1955, Lasalarié siégea également au Conseil de la République puis au Sénat, élu avec 365 voix en 1948 sur la liste SFIO, avec Roger Carcassonne. Il appartint à la commission de la marine et des pêches, et à celle de la presse, de la radio et du cinéma en 1949, puis à la commission de la défense nationale et aux commissions de la justice et des moyens de communication en 1953.

Le 25 mai 1955, Lasalarié annonça qu’il ne sollicitera pas le renouvellement de son mandat « pour raison de santé ». Trois jours plus tôt, au congrès départemental de Salon, la fédération avait décidé “l’alternance” dans les candidatures entre ruraux et marseillais, ce qui le plaçait derrière Roger Carcassonne, maire de salon, et donc “rural”. Depuis des mois, Lasalarié, en mauvaise santé, menait des visites pré-électorales dans le département, accompagné souvent de son infirmière et de son médecin. Irma Rapuzzi fut imposée par les responsables marseillais.

Lasalarié s’était marié le 19 juin 1920 à Marseille. Il mourut à Marseille à l’âge de soixante-quatre ans.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article116112, notice LASALARIÉ Joseph par Antoine Olivesi, version mise en ligne le 24 novembre 2010, dernière modification le 28 septembre 2022.

Par Antoine Olivesi

ŒUVRE : Plusieurs écrits, poèmes, conférences ; un ouvrage inachevé : Les péchés capitaux ; nombreux articles dans Le Petit Provençal, Marseille-Provence socialiste (notamment « L’organisation du marché charbonnier » ; « Comment réaliser le socialisme » ; « Sus au fascisme », 16 décembre 1938) ; cf. aussi Massalias (Tribune académie du 13 avril 1938, la guerre ou la paix), etc... — Discours de remerciement après son élection à l’Académie de Marseille (17 décembre 1949).

SOURCES : Arch. Nat. CARAN F/7/15498, n° 4105, n° 4062 ; F/1cII/275 ; F/1cIV//151. — Arch. Dép. Bouches-du-Rhône II M 58 et 59 ; III M 55, 56, 57 ; VM 2 282 ; M 6/10803, lettre citée du 9 juillet 1925 ; M 6/10806, M 6/10809, rapports du 7 janvier et 25 février 1936 ; M 6/10812, rapport du 17 octobre ; XIV M/25/133, rapport du 3 décembre 1938. — Archives et bibliothèque de l’Académie de Marseille, discours cité et réponse de Gaston Berger, le 17 décembre 1949. — Le Petit Provençal, 1925-1937. — Le Radical, 23 octobre 1931. — Rouge-Midi, 13 février ; 13 et 19 mai 1934 ; « Scandaleuse détention » par Charles Mattio, 7 juillet 1934 ; 29 septembre 1935. — L’Éclair de Montpellier, 15 et 21 octobre 1930. — Marseille-Provence Socialiste, 1936 -1939, Le Provençal, septembre 1945, 7 juin 1957 (nécrologie et photo), 9 juin 1957, 3 septembre 1985. — Indicateur Marseillais, 1925-1936 et 1945-1957. — D. Ligou, Histoire du socialisme..., op. cit. (p. 592). — A. Olivesi et M. Roncayolo, Géographie électorale des Bouches-du-Rhône..., op. cit.. — A. Orgeas, Le canton de Roquevaire..., op. cit. — B. Bouisson, L’anticléricalisme à Marseille, op. cit. — Chr. et J. Jannone, Marseille-Provence Socialiste..., Mémoire de Maîtrise, op. cit. — Témoignage de César Matton, de Gabriel Ambrosini et de M. Cordelet. — Notes de Gilles Morin et de Renaud Poulain-Argiolas.

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