LASSALLE Émile dit "Milet"

Par André Balent.

Né le 24 juin 1905 à Thuir (Pyrénées-Orientales), mort le 22 janvier 2008 à Thuir ; paysan ; militant communiste et syndicaliste des Pyrénées-Orientales ; résistant et et déporté.

Émile Lassalle en 1978. Arch. Éliane Hoerner. reproduction à partir de la carte d’identité d’É. Lassalle, par A. Balent, juin 2011.

Émile Lassalle naquit dans une famille paysanne enracinée Thuir et dans l’Aspre depuis plusieurs siècles. Son père, Jean Lassalle, radical et anticlérical, fut, au début du siècle, conseiller municipal de Thuir. Sa mère, Thomase Gali, était de tradition catholique. Il faisait partie d’une fratrie de cinq garçons.

Ayant obtenu son Certificat d’études primaires à l’âge de 12 ans, Émile Lassalle participa, au sortir de l’école, aux travaux agricoles de l’exploitation familiale. Il fut très affecté par la guerre : un de ses frères fut tué en mars 1915, l’autre blessé à quatre reprises. Sa mère, très éprouvée par la mort d’un de ses fils, mourut en 1916. Aussi Émile Lassalle devint-il antimilitariste. Ses sympathies politiques allèrent bientôt au groupe de militants socialistes thuirinois qui, au lendemain du congrès de Tours, allaient adhérer au Parti communiste. Ceux-ci, ouvriers agricoles ou petits paysans dont certains avaient milité dans les rangs du Parti socialiste avant 1914, revenaient de la guerre : leur pacifisme les avait progressivement amenés à adhérer aux thèses de l’Internationale communiste. Ce fut à leur contact qu’Émile Lassalle devint un militant politique. Il participa aux activités de la section communiste de Thuir, qui regroupait entre 1921 et 1926 une vingtaine de membres, sans prendre sa carte.
Il se maria à Thuir le 19 janvier 1929 avec Françoise, Bonaventure, Trinité Salvado, née le 8 juin 1908 à Bellver de Cerdanya (province de Lérida, en Cerdagne espagnole). Son épouse mourut à Thuir le 23 juin 2005. Un fils naquit de cette union : Armand, Émile François Lassalle, né le 20 octobre 1929 à Thuir. Agriculteur, il milita au PCF et fut élu au conseil municipal de Thuir. Il eut deux filles : Joëlle, épouse Oliver, née en 1968, et Éliane, née en 1961, épouse d’Éric Hoerner responsable de logistique au marché international de fruits et légumes Saint-Charles de Perpignan, qui reconstitua l’histoire familiale. Émilie Hoerner, née le 20 février 1984, professeur des écoles et historienne recueillit la mémoire de son arrière-grand-père, Émile Lassalle ; elle tenait (2011) une chronique historique sur l’antenne de "France Bleue Roussillon".
C’est au moment de la guerre du Rif qu’Émile Lassalle effectua son service militaire à Marseille (Bouches-du-Rhône) au 141e régiment d’infanterie alpine qu’il incorpora le 14 novembre 1925. Dans cette unité, une organisation communiste clandestine développa diverses actions d’agitation et de propagande contre cette guerre coloniale. Émile Lassalle ne put toutefois contacter les militants communistes organisés de son régiment. Mais il lisait l’organe régional du Parti communiste, La Provence ouvrière et paysanne, qui pénétrait régulièrement dans la caserne.

De retour à Thuir, Émile Lassalle adhéra aussitôt au Parti communiste (1926) dont il devint rapidement un des militants les plus en vue. Lors de la « bolchevisation » du Parti communiste, la cellule de Thuir fut rattachée au rayon de Perpignan, puis fut dissoute et les militants de Thuir devinrent membres de la cellule de Millas (voir Gendre André). Bien que viticulteur propriétaire, Émile Lassalle fut chargé du secrétariat du syndicat des ouvriers agricoles de Thuir (voir Xatard Jacques, Pal Pierre, Ros, Vicens Antoine) qui adhéra à la CGTU vers 1928-1929. En 1929-1930, ce syndicat rassemblait quelque 300 adhérents. Émile Lassalle participa au VIe congrès national de la CGTU (Paris, 8-14 novembre 1931) où il fut délégué par la Fédération de l’Agriculture. En 1937, il était secrétaire du syndicat CGT des ouvriers agricoles de Thuir.

Vers 1935, lorsque fut reconstituée la cellule de Thuir, Émile Lassalle en fut élu secrétaire. Quand, du fait de l’afflux de nouveaux militants au moment du Front populaire, une réorganisation du Parti communiste à Thuir devint nécessaire (1936), Émile Lassalle devint secrétaire d’une des trois cellules qui furent créées dans cette ville. À la même époque fut constituée une section communiste qui rassemblait, outre les trois cellules thuirinoises, les cellules et les militants isolés des localités environnantes. Le secrétariat de cette section échut à Émile Lassalle qui le conserva jusqu’à la dissolution du PC, en septembre 1939. À la fin des années 1930, Émile Lassalle était devenu le principal cadre local du Parti communiste. Il s’opposa dès 1938, au député-maire SFIO de Thuir, Louis Noguères, qui contestait l’alliance entre son parti et le PC. Le 7 octobre 1934, Émile Lassalle fut candidat au conseil général dans le canton de Thuir. Il recueillit 167 voix contre 1 250 à Louis Noguères, qui fut élu à l’issue d’un ballottage favorable.

En septembre 1939, Émile Lassalle, mobilisé, fut affecté, le 2 septembre 1939, ainsi qu’un autre communiste catalan, Marcel Barrère, à la 13e compagnie de pionniers, unité qui regroupait des « suspects » politiques. En effet,à la fin de 1939, Émile Lassalle avait été inscrit sur la liste départementale des « suspects du point de vue national » dressée à l’occasion de la dissolution du Parti communiste. Après la retraite de mai 1940, ils furent affectés au 143e régiment de pionniers et participèrent à la défense de Verdun. Ils furent démobilisés à Narbonne (Aude) le 13 juillet 1940.

Dès son retour à Thuir, son domicile fut perquisitionné. Il prit contact avec l’organisation communiste clandestine que dirigeait Julien Dapère vers la fin de 1941 ou le début de 1942. Il fut un des fondateurs (1942) du Front national et des FTPF à Thuir. Dès le mois de mars 1943, il participa activement à la création du maquis FPTF de Caixas, le premier maquis des Pyrénées-Orientales où se réfugièrent les réfractaires du STO. Il en assurait le ravitaillement depuis Thuir. Il était en relation directe avec Julien Panchot, un des principaux dirigeants départementaux des FTPF. Émile Lassalle, se sachant surveillé par la Gestapo, quitta son domicile. Puis il rejoignit les FTPF de l’Aude. Un an après, il partit vers les maquis de l’Aveyron. Mais, une patrouille allemande l’arrêta à Narbonne (16 juin 1944). Transféré au siège de la citadelle de Perpignan, puis à Compiègne, il fut déporté le 15 juillet 1944 avec un transport ferroviaire à destination de l’Allemagne, au camp de Neuengamme. Devant l’avance alliée, les Allemands évacuèrent une partie des déportés du camp de Neuengamme à Lübeck. Avec plusieurs centaines de ses compagnons de captivité, Émile Lassalle dut embarquer de force sur un cargo, en Mer Baltique. Sorti miraculeusement indemne d’une tragique aventure maritime dans la baie de Lûbeck - Neustadt, il fut libéré le 3 mai 1945. Il put regagner Thuir dès le 22 mai 1945. A la fin de 1945, il retrouva son poste de secrétaire de la section communiste de Thuir. De 1945 à 1971, Émile Lassalle fut, à toutes les élections municipales, tête de liste du PCF à Thuir (en 1971, il s’agissait d’une liste d’union de la gauche, Léon-Jean Grégory ayant depuis longtemps quitté la SFIO), sans succès, contre les socialistes Louis Noguères et Léon-Jean Grégory. En septembre 1945, lors du renouvellement général des conseils généraux, Émile Lassalle fut le candidat dans le canton de Thuir, mais fut battu par Louis Noguères. Ce fut Julien Dapère qui le proposa pour l’ordre de la Légion d’honneur. Il fut fait chevalier le 8 avril 1989 en sa qualité de soldat des FFI et de résistant et déporté.
Émile Lassalle vécut à Thuir le restant de ses jours. À la fin de sa vie, il commença vers 1990 la rédaction d’une autobiographie. Il en paracheva la rédaction quelques années plus tard, jusqu’en 2003, avec l’aide de son arrière petite-fille, Émilie Hoerner, professeur des écoles et historienne qui avait été, lorsqu’elle était élève de terminale une brillante lauréate du concours départemental de la Résistance et de la déportation.
Presque jusqu’au bout, il adhéra au PCF puisque la dernière carte du parti qu’il acquit fut celle de 2004.

Le nom d’Émile Lassalle a été attribué à une rue de Thuir.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article116141, notice LASSALLE Émile dit "Milet" par André Balent., version mise en ligne le 24 novembre 2010, dernière modification le 8 janvier 2022.

Par André Balent.

Émile Lassalle en 1978. Arch. Éliane Hoerner. reproduction à partir de la carte d’identité d’É. Lassalle, par A. Balent, juin 2011.

OEUVRE : Une Autobiographie inédite, tapuscrit (1990 - 2003 ) de 50 feuillets, mis en forme avec l’aide d’Émilie Hoerner, arrière-petite fille d’Émile Lassalle.

SOURCES : Arch. Dép. Pyrénées-Orientales, versement du cabinet du préfet (13 septembre 1951), liasse 169 (dissolution du PC), liste des « suspects du point de vue national ». — Arch. privées, Mme Éliane Hoerner, petite-fille d’Émile Lassalle consultées le 23 juin 2011. — Site Fondation de la mémoire de la déportation, http://www.bddm.org/liv/index_liv.php, consulté le 23 juin 2011. — Le Travailleur catalan, 1936-1939 : 14 octobre 1988. — Le Cri socialiste, 13 octobre 1934. — Annuaire-Guide des Pyrénées-Orientales, Chastanier et Alméras, Nîmes, 1937. — André Balent, notice DBMOF, XXXIII, 1988, pp. 300-301. — Roger Bernis, Les Pyrénées-Orientales sous la IVe République, Thèse de droit dactylographiée, Montpellier, 1971. — Ramon Gual & Jean Larrieu, Vichy, l’occupation nazie et la résistance catalane, tome II B, De la résistance à la Libération, Terra Nostra, Prades, 1998, p. 538, p. 1066. —Émile Lassalle, Autobiographie, tapuscrit inédit, op. cit.. — Georges Sentis, Les communistes et la Résistance dans les Pyrénées-Orientales. Biographies, Lille, Marxisme / Régions, 1994, p. 129. — Interview d’ Émile Lassalle, Thuir, 16 octobre 1974. — Entretien avec Mme Éliane Hoerner et Mllle Émilie Hoerner, Sainte-Colombe-de-la-Commanderie, 23 juin 2011.

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