LAUDIER Henri [LAUDIER Hippolyte dit Henri]

Par Claude Pennetier

Né le 20 février 1878 à Vierzon (Cher), mort le 12 octobre 1943 à Bourges ; ouvrier porcelainier, verrier puis responsable d’une imprimerie ; journaliste ; député (1919-1924)-maire de Bourges (1919-1943) et sénateur du Cher (1929-1940).

Henri Laudier
Henri Laudier

Fils de Valéry Laudier, journalier porcelainier, et de Perpétue Dupont, tous deux de vieille souche berrichonne, Henri Laudier naquit dans une famille de sept enfants. Ses deux frères ainés, Ernest Laudier et Eugène, porcelainier, semblent avoir eu une certaine influence sur son évolution. Le jeune Henri apprit à lire et à écrire dans une école libre dirigée par des religieuses puis entra en 1886 à l’école publique annexe de Vierzon et en sortit avec le Certificat d’études primaires. Après avoir fréquenté pendant deux ans l’École nationale professionnelle de Vierzon, il devint à l’âge de quinze ans employé de bureau à la Société française de construction de matériel agricole, mais, très vite, il fut ouvrier mouleur, ouvrier porcelainier et tailleur de verre aux Verreries Thouvenin et Sauvaget.

Henri Laudier fréquentait déjà les milieux syndicalistes et socialistes. Sa première prise de parole en public date de sa quinzième année. A seize ans, en 1894, il devint secrétaire des Jeunesses socialistes locales. Émile Bodin, maire socialiste de Vierzon-Village le recruta comme secrétaire. Il travailla ensuite pour Émile Péraudin, maire socialiste de Vierzon-Ville, jusqu’en octobre 1901. Sa révocation, à cette date, fut une des conséquences de la scission entre les socialistes révolutionnaires qui suivirent Édouard Vaillant et le courant réformiste animé par J.-L. Breton et appuyé par Péraudin. Henri Laudier, qui avait été délégué au congrès socialiste de Paris, salle Japy (1899), soutenait énergiquement l’action de Vaillant. Collaborateur du Tocsin populaire depuis 1895, il en devint le secrétaire de rédaction en 1901.

Il s’installa à Bourges fin 1901. Peu après, le maire socialiste de la ville, Alfred Vaillandet, lui demanda de diriger le bureau de comptabilité de l’hôtel de ville. La révocation de Vaillandet le conduisit à renoncer à cette fonction en juillet 1903, pour se consacrer à la direction de l’Imprimerie ouvrière du Centre qui joua un grand rôle dans le développement de la presse socialiste et syndicaliste berrichonne. Il était également correspondant de deux quotidiens : Le Matin et Le Petit parisien tout en s’essayant dans la poésie et dans le drame littéraire. Avant tout militant socialiste vaillantiste, se donnant à la propagande, dirigeant la presse socialiste locale, il travaillait à l’unité qui ne fut définitive dans le Cher qu’en 1907. Il représenta la Fédération du Cher au congrès d’unité de la salle du Globe à Paris (avril 1905), aux congrès de Limoges (1906), de Nancy (1907) où il défendit, conformément aux thèses vaillantistes, l’idée d’une amélioration des rapports entre la CGT et le Parti socialiste dans le respect de leur indépendance mutuelle. Au congrès de Lyon (1912), il demanda compte à Ghesquière et à Compère-Morel des discours prononcés par eux contre la CGT à la Chambre des députés le 2 décembre 1911. Il ne semble avoir exercé que quelques mois, en 1912, les fonctions de délégué permanent à la propagande.

Orateur éloquent, Henri Laudier fut choisi comme candidat socialiste à l’élection législative du 24 avril 1910 dans la première circonscription de Bourges. Il recueillit 19,3 % des voix des électeurs inscrits. Son pourcentage monta à 22,1 % le 26 avril 1914. Il avait été élu conseiller général du canton de La Guerche le 31 juillet 1910 mais avait échoué aux élections municipales de Bourges en 1908 et 1912. La préfecture du Cher le fit inscrire au Carnet B en 1909, alors que, devenu secrétaire de la Fédération socialiste du Cher, il s’affirmait comme un militant de plus en plus pondéré. Le préfet le radia en décembre 1911 et affirma : « Il ne peut être considéré ni comme propagandiste par le fait, ni partisan de l’action directe, ni anti-militariste actif, capable de troubler l’ordre ou entraver le bon fonctionnement de la mobilisation » (Arch. Dép. Cher, 25 M 132). Cependant, dans L’Émancipateur, hebdomadaire socialiste départemental qu’il avait fondé en 1906 et qu’il dirigeait depuis, Laudier menait campagne contre les dangers de guerre.

Réformé en 1899 à cause de sa très mauvaise vue, il fut affecté à Bourges aux services de santé au début de la Première Guerre mondiale. Dès le 6 août 1914, il se rallia aux vues d’Édouard Vaillant sur la « Patrie en danger ». Le 8 août, il titrait : « Vive la Nation ! Comme en 1793, la Nation s’est levée d’un seul élan pour repousser l’envahisseur. » L’Émancipateur se groupa avec Le Syndiqué du Cher, pour former La Défense, journal syndicaliste et socialiste, dont Laudier et Pierre Hervier étaient co-directeurs. Le 16 janvier 1915, Laudier fut mobilisé à Bourges comme gestionnaire d’un hôpital auxiliaire, il put ainsi maintenir son influence sur le PS du Cher et lutter, à partir de décembre 1916, contre les minoritaires Venise Gosnat, L. Michel et Émile Lerat. Après la guerre, il conserva son poste de secrétaire général de la Fédération et de rédacteur en chef de L’Émancipateur. Aux élections législatives de novembre 1919, Laudier fut le seul élu socialiste du Cher ; le mois suivant, il devint maire de Bourges. Au sein de la Fédération socialiste, son influence se dégradait. Ses prises de position en faveur de l’intervention en Russie heurtaient de nombreux militants ; Laudier avait déclaré lors d’une réunion des syndicats des Établissements militaires, le 26 janvier 1919 : « Ne voir de paix définitive qu’une fois l’ordre rétabli en Russie » (Arch. Dép. 25 M 49) et, dans le journal La Vie Socialiste, il fit campagne pour le maintien de l’adhésion à la IIe Internationale. Au congrès de la Fédération socialiste du Cher en février 1920, sa motion n’obtint que 17,5 % des mandats (adhésion à la IIIe, 40 % ; reconstruction, 42,5 %). Tout en gardant le titre de directeur politique, Laudier abandonna la rédaction de L’Émancipateur au « reconstructeur » Alexandre Griffet.

Il signa, en août 1920, avec huit autres militants du Cher (Ph. Apied, E. Bodin, Cotillon, E. Ducarton, L. Guillet, S. Larrat, Maréchal, J. Rougeron) une lettre de protestation contre le télégramme Cachin-Frossard qui fut interprétée dans le Cher comme une menace de scission en cas d’adhésion à la IIIe Internationale. Au congrès fédéral de décembre 1920, Laudier n’intervint pas, l’échec des « résistants » étant assuré. La motion Blum ne recueillit que 7 % des mandats (Longuet 17,5 %, Cachin-Frossard, 75,5 %).

Après le congrès de Tours, Laudier reconstitua une Fédération socialiste SFIO du Cher. Aux élections législatives de 1924, il se présenta, sans succès, sur une liste d’Union républicaine et socialiste. L’Émancipateur, qui le qualifiait déjà de « social-fasciste », se félicita de sa défaite. En 1928, il obtint moins de voix que le communiste Maurice Boin (5 484 contre 6 298). Il se maintint au deuxième tour mais contre son gré. Cette attitude lui aurait été imposée par la Fédération qui voulait tirer vengeance du maintien des candidats communistes dans d’autres départements. Des témoins racontent que Laudier, habituellement si froid et si digne, pleura quand il fut mis en minorité sur ce problème et déclara qu’ils brisaient sa carrière, pensant que les électeurs de gauche ne lui pardonneraient jamais une attitude contraire aux traditions électorales socialistes. De fait, en 1932, il préféra ne pas se présenter, à tort, puisque le socialiste Cochet fut élu. En 1929, il avait été reconduit dans sa fonction de maire de Bourges et élu sénateur. Henri Laudier craignait que son hégémonie au sein de la Fédération socialiste du Cher ne soit remise en cause aussi s’opposa-t-il à l’entrée à la SFIO de l’ex-dirigeant communiste Maurice Boin. En septembre 1931, il protesta sans succès contre l’admission de Boin prononcée par la section de Romorantin (Loir-et-Cher). Robert Lazurick, installé dans le sud du département depuis 1929, s’affirma comme son rival au sein de la Fédération. Laudier était lié aux néo-socialistes. Le journal de la CGT du Cher Le Travailleur syndiqué lança les premières attaques contre lui en janvier 1933, il perdit son poste de secrétaire fédéral en février 1933 au profit de Robert Lazurick. En novembre 1933, il suivit les néo-socialistes hors de la SFIO avec les amis d’Adrien Marquet. Aussi, en février 1934, le congrès du Cher lui demanda de préciser sa position. Devant son refus de répondre, la section de Bourges ne le considéra plus comme membre du parti. Laudier participa à la constitution de l’Union socialiste républicaine mais laissa Maurice Boin représenter cette organisation aux élections législatives en 1936. Il fut réélu sénateur le 10 octobre 1938.

Sénateur, Henri Laudier vota les pleins pouvoirs au maréchal Pétain le 10 juillet 1940. Par arrêté du 3 février 1941, il devint membre de la commission administrative départementale et le 1er mai 1943, conseiller départemental. Le 1er mars 1941, un arrêté ministériel le maintint dans ses fonctions de maire. A la réunion de l’assemblée municipale du 24 mai, il fit voter une adresse de fidélité au maréchal Pétain. Touché par la maladie (ataxie locomotrice) dès novembre 1941, le maire de Bourges mourut le 10 octobre 1943.

Il s’était marié le 19 novembre 1914 à Bourges (Cher).

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article116237, notice LAUDIER Henri [LAUDIER Hippolyte dit Henri] par Claude Pennetier, version mise en ligne le 24 novembre 2010, dernière modification le 30 décembre 2021.

Par Claude Pennetier

Henri Laudier
Henri Laudier

ŒUVRE : Soif d’Or, drame social accompagné de poèmes sociaux, Vierzon, 1897. — Ce qu’est le Parti socialiste, brochure, Paris, 1913.

SOURCES : Arch. Dép. Cher, 20 M 42-45, 19 M 10-12, 23 M 256, 263, 269, 275. — Le Tocsin populaire. — L’Émancipateur. — La Défense. — Le Réveil socialiste. — Bulletin municipal officiel de la ville de Bourges, octobre 1943. — Le Berry républicain, août 1980, articles de Roger Richet. — André Gosnat, Mémoire de Maîtrise, op. cit. — Claude Pennetier, Le Socialisme dans le Cher, 1851-1921, Éd. Delayance/Éd. de la Maison des sciences de l’homme, 1982. — Comptes rendus des congrès nationaux.

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