LAUDRAIN Maurice. Pseudonymes : Jacques MOURLOT, Jean MARMONT, Marcel DUPONT, MARIE-FRANÇOIS

Par Michel Dreyfus

Né le 28 juin 1900 à Nantes (Loire-Inférieure) ; un des principaux animateurs du socialisme chrétien entre les deux guerres.

Les parents de Maurice Laudrain, bretons et catholiques, possédaient un petit commerce à Nantes qui fit faillite en 1916. Ils furent alors contraints de s’installer à Tours dans des conditions proches de la misère. Maurice Laudrain dut abandonner ses études et s’embaucha à quinze ans comme ouvrier électricien, situation qu’il vécut non sans difficultés.

Il adhéra à la CFTC (Confédération française des travailleurs chrétiens) en 1919 et y milita activement. Pendant son service militaire, un camarade de chambrée lui fit connaître les écrits de Marc Sangnier et le mouvement Jeune République, lui faisant ainsi découvrir la dimension politique des problèmes sociaux. De retour à Tours en 1922, il y créa une section de la Jeune République. En 1923, il fut embauché comme ouvrier chez Goodrich à Colombes, dans la région parisienne. Continuant à militer avec ardeur à la CFTC, il fut remarqué par son président Gaston Tessier qui le proposa comme secrétaire à Mgr Chaptal, évêque auxiliaire de Paris.

En 1927, il adhéra à la 16e section de Paris de la SFIO où il rencontra des personnalités telles que Jules Moch, Claude Levi-Strauss, Jean-Marie Nordmann, Pierre Brossolette, Maurice Schumann ainsi que Thérèse Perera, proche amie de Léon Blum, qui lui organisa deux entrevues avec le dirigeant de la SFIO. Maurice Laudrain fit également la connaissance de F. Gouttenoire de Toury qui l’introduisit dans les milieux pacifistes chrétiens et en particulier auprès de l’Union des socialistes chrétiens fondée en 1908. Maurice Laudrain adhéra à ce groupe, en devint le secrétaire, en relança l’activité et le représenta en 1928 au congrès de l’Internationale des socialistes chrétiens. Il trouva ainsi un milieu où « alimenter intellectuellement et concilier pratiquement ses militances politiques et religieuses, socialiste et chrétienne. C’était loin d’être facile à l’époque ». En 1931, il publia Vers l’ordre social, avec une préface de Mgr Chaptal, dans lequel il condamnait vigoureusement le régime économique des temps modernes et appelait à « un réveil des consciences et des forces chrétiennes pour lutter contre la puissance de l’argent ».

Appartenant à partir de 1932 à la commission exécutive de la région parisienne de la SFIO, il intervint lors d’un congrès fédéral pour s’élever contre des prises de position par trop systématiquement anti-religieuses. Ses prises de position entraînèrent son renvoi du secrétariat de Mgr Chaptal à la suite d’une intervention du nonce apostolique. Le « cas » Laudrain fut également discuté au sein de la Fédération SFIO de la Seine. La 11e section de Paris lui refusa l’autorisation de tenir sur son « territoire une réunion publique au nom des socialistes chrétiens ». De plus il prônait un soutien actif à l’Union soviétique, peu compatible, alors, avec les positions de la SFIO en la matière. Laudrain rendit sa carte de la SFIO et n’appartint dès lors à aucun parti politique.

Il connut ensuite six mois de chômage et exerça durant les deux années qui suivirent différents petits emplois, assez précaires. Cela ne l’empêcha pas de publier en 1933, en Belgique sous le pseudonyme de Marie François, un nouveau livre, Socialistes parce que chrétiens qui parut cinq ans plus tard en France sous le titre Les exigences révolutionnaires du christianisme. Léon Blum aurait été pressenti pour écrire une préface qui ne fut pas retenue par l’éditeur, soucieux de ne pas choquer un public catholique. C’est également à partir de 1933 que Laudrain devint rédacteur en chef de Terre nouvelle, organe des chrétiens révolutionnaires, et ceci jusqu’en 1937, Henri Dutertre et Henri Tricot en étant respectivement administrateur et directeur politique.

En 1908, Paul Passy et Raoul Biville, soucieux de faire avancer le dialogue et la collaboration entre chrétiens et socialistes, avaient créé l’Union des socialistes chrétiens. Cette organisation eut ensuite en son sein des discussions relatives à la Révolution russe, notamment lors de son congrès d’avril 1920 à Paris où Paul Passy fut mis en minorité sur la question de la dictature du prolétariat à laquelle il était hostile, alors qu’Henri Tricot y était favorable. La tendance procommuniste de l’Union des socialistes chrétiens, d’abord assez forte à Paris, devint ensuite de plus en plus minoritaire et scissionna en 1927 pour s’organiser indépendamment en une Union des communistes spiritualistes. Ces derniers entendaient jouer le même rôle par rapport au Parti communiste que les socialistes chrétiens vis-à-vis de la SFIO et commencèrent à publier un nouvel organe, Terre nouvelle qui, en 1933, tirait à 400 exemplaires.

Les événements de février 1934, les rapports nouveaux que nouèrent partis socialiste et communiste, permirent un rapprochement entre les deux groupes. En décembre 1934, le congrès de Paris de l’Union des socialistes chrétiens admit l’adhésion individuelle en son sein des communistes spiritualistes ; elle se renforça et regroupait en 1935 sur toute la France quelques centaines d’adhérents, les communistes spiritualistes n’étaient plus qu’un groupe restreint de moins de cent militants, essentiellement à Paris. A partir de mai 1935, l’Union des socialistes chrétiens fit paraître un mensuel, Terre nouvelle, nouvelle formule, dont Maurice Laudrain fut l’actif rédacteur en chef jusqu’en mai 1937, date à laquelle, complètement épuisé, il céda sa place à Marcel Caminade. Il n’en continua pas moins à participer à la vie de Terre nouvelle.

Dans son premier numéro de la nouvelle série, Terre nouvelle publia son manifeste sur les quatre points suivants : « Parce que chrétiens... nous nous dressons contre le régime capitaliste ennemi du bien commun ; nous combattons le capitalisme fauteur de guerre ; nous voulons libérer les Eglises de l’emprise de l’argent ; nous combattons pour la paix et la fraternité dans la justice. »

Maurice Laudrain écrivit de nombreux articles dans Terre nouvelle où l’on retrouve également les signatures de Eliezer Fournier, Gaston Delavière, André Philipp, Francis Pichon, Paul Ricœur. Durant ces années, il défendit des positions pacifistes et fut d’ailleurs en liaison avec les milieux pacifistes regroupés autour du journal La Patrie humaine. Terre nouvelle dut suspendre sa publication à la veille de la Seconde Guerre mondiale en raison de difficultés financières et proposa alors à ses abonnés de soutenir le journal L’Espoir du monde, organe de la Fédération des socialistes chrétiens de langue française.

Après la Seconde Guerre mondiale, Maurice Laudrain fut proche des milieux abondancistes animés par Jacques Duboin ; il avait sans doute été en contact avec eux depuis 1936. Partisan d’un socialisme distributif, il anima ensuite Perspectives syndicalistes, mensuel intersyndical du Groupe d’économie distributive (GED) de 1963 à 1972 puis de 1972 à 1977 au moins. Il y défendait les thèses d’un « socialisme distributif » capable d’assurer à tous les citoyens pendant toute leur existence, sous la forme d’un revenu social, des moyens correspondants à l’importance de la production nationale et qui n’exigerait en contre-partie que des « prestations professionnelles minimales » et « s’appuierait sur une utilisation intensive des techniques modernes ».

Maurice Laudrain s’était marié le 29 octobre 1929 à Paris (VIIe arr.), puis le 13 mars 1985 à Paris (XIXe arr.).

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article116241, notice LAUDRAIN Maurice. Pseudonymes : Jacques MOURLOT, Jean MARMONT, Marcel DUPONT, MARIE-FRANÇOIS par Michel Dreyfus, version mise en ligne le 24 novembre 2010, dernière modification le 16 mars 2014.

Par Michel Dreyfus

ŒUVRE : Vers l’ordre social, Paris, Maison du Livre français, 1931. — Socialiste parce que chrétien, Bruxelles, L’Églantine, 1933, paru en 1935 en France sous le titre : Les exigences révolutionnaires du christianisme, Éd. Nouveau Prométhée. — Le salut public par l’organisation socialiste de la France, Paris, Maison du Livre français. — Sauvons ce pays, Paris, Front de salut public, 1946, 12 p. — La voie française du socialisme. Postface de J. Duboin, Paris, Maison du Livre français, 1963, 144 p. — Collaboration aux journaux cités dans la biographie.

SOURCES : Journaux cités dans la biographie et en particulier Terre nouvelle, 1927-1939, passim, et plus spécialement mai 1935, n° 1 (nouvelle formule) à mai 1937, n° 47. — La Vie socialiste, 30 mars et 27 avril 1929. — Lettre de M. Laudrain à J. Zyromski, 9 février 1932 in Archives Zyromski (CRHMSS). — Notes de J. Raymond. — Agnès Rochefort-Turquin, Front populaire. Socialistes parce que chrétiens, Paris, Cerf, 1986. — État civil de Nantes.

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