LAURENT Jacques

Par Nathalie Viet-Depaule, Eric Panthou

Né le 15 mai 1918 à Vichy (Allier), étudiant communiste ; résistant à Libération-Sud ; poète, déporté mort à Buchenwald le 31 janvier 1944.

Jacques Laurent
Jacques Laurent
(Archives Alphonse Rozier)

Jacques Laurent est né en 1918, au domicile de ses parents 51 bis, avenue de la gare à Vichy (Allier). Sa grand-mère paternelle était fille de bûcheron de la forêt de Tronçais, son grand-père paternel était fils des mineurs du Nord, ses grands- parents maternels enfants de paysans et d’instituteurs de l’Auvergne. Son père, Claudius, instituteur à Vichy, avait été amputé en 1914 d’une main après une blessure à la Bataille de la Marne. Il militait à l’ARAC depuis sa formation mais n’adhéra pas au Parti communiste. Sa mère, Yvonne, fille d’instituteurs, détentrice du brevet de fin d’étude secondaire mais sans profession, commença à militer au Comité Mondial des Femmes en 1934 avant d’adhérer au PCF en 1936.
Jacques Laurent fit partie, tout jeune, de la Fédération du théâtre ouvrier de France (FTOF) et d’un centre d’aide aux Républicains espagnols. Il se lia d’amitié avec Henri Peigue*, apprenti électricien à Vichy mais aussi poète et auteur de nouvelles inspirées de la littérature prolétarienne.
Il fut « adopté par la Nation » suite au jugement du Tribunal Civil de Cusset en date du 20 mars 1935. Il passa son bac à Montluçon (Allier) puis commença une licence de philosophie à Grenoble, tout en s’intéressant à la musique, au cinéma, au théâtre et au dessin.

À Grenoble, Jacques Laurent devint membre du bureau de l’Union fédérale des étudiants (UFE) puis en 1939, responsable de la section locale de l’Union des étudiants communistes (UEC) constituée au plan national les 1er et 2 avril de cette même année. Voir Francis Cohen.
Incorporé le 16 septembre 1939, il fut affecté au Dépôt d’Infanterie N° 132. Il fut réformé temporairement le 13 novembre 1939. En avril 1940, il reprit ses études à Grenoble. Il aurait participé à la manifestation clandestine des étudiants et lycéens à Paris, à l’Étoile, le 11 novembre 1940.
Il fut arrêté avec deux autres camarades et emprisonné à Grenoble le 26 mai 1941 pour distribution de tracts et activités communistes puis interrogé le lendemain. Le 24 juin il passa une première fois devant un tribunal qui le déclara coupable d’« agissements tendant directement ou indirectement à propager les mots d’ordre de la IIIème Internationale ou d’organismes s’y rattachant ». Il fut alors condamné à 14 mois d’emprisonnement, 300 francs d’amende et 5 ans de privation de droits civiques.
Il se maria en prison le 24 juillet 1941 avec Anna Semenof et organisa la résistance sur son lieu de détention.
Le 31 juillet 1941 sur appel du procureur de l’État il repassa devant le tribunal. Par arrêt de la Cour d’Appel de Grenoble en date du 31 juillet 1941 il fut déclaré coupable de propagande communiste et « condamné en vertu du décret du 26 septembre 1939 à deux ans de prison et 5 ans de privation de droits civiques » et 406,30 francs d’amende. L’administration le transféra dans un autre établissement pénitentiaire le 19 mars 1942 sans que soient précisés ni le lieu ni le motif. Il fut libéré le 21 juillet 1942 « au bénéfice de la liberté conditionnelle par A.M. en date du 15.7.1942. » Il déclara se retirer à Grenoble et devint alors militant clandestin dans le mouvement « Libération Sud ». Il appartint aux MUR et écrivit dans le journal Libération.
Il fut appréhendé, par la Gestapo, le 16 septembre 1943 dans le train Lyon-Grenoble, porteur d’une valise bourrée de tracts avec un poème antifasciste intitulé « La Mort en Italie ».

Interné au Fort de Montluc à Lyon, livré aux Allemands, ceux-ci le transférèrent à Compiègne. Le 14 décembre 1943, il fit partie des 993 hommes déportés de Compiègne à Buchenwald où il arriva le 16 par le convoi N° I. 161. Il connut le block 34 où il continua une forme de résistance : l’écriture. Malheureusement ses poèmes n’ont pu être sauvés.
Début 1944, ses gardiens le transférèrent sous une tente pour une maladie sans gravité. Selon le registre des décès de Buchenwald il décéda le 31 janvier 1944 à 23 h 30 de "scarlatine".
L’état civil de Vichy le dit décédé à Buchenwald le 5 février 1945 ainsi que le JO N° 2 du 4 janvier 1994.

La revue Europe publia, en mars 1958, quelques uns de ses poèmes écrits de 1939 à 1943, avec une préface de Paul Éluard qui considérait que Jacques Laurent avait les qualités d’un très grand poète. Son recueil de poèmes, édité sur le titre Quand la mer monte, est entièrement écrit pour la Résistance et pour les FTPF. Une école , inaugurée en 1969, porte son nom dans sa commune de naissance, Vichy.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article116380, notice LAURENT Jacques par Nathalie Viet-Depaule, Eric Panthou, version mise en ligne le 24 novembre 2010, dernière modification le 17 février 2018.

Par Nathalie Viet-Depaule, Eric Panthou

Jacques Laurent
Jacques Laurent
(Archives Alphonse Rozier)

SOURCES : Notice sur Jacques Laurent, Amis de la Fondation pour la Mémoire de la Déportation de l’Allier [en ligne] http://www.afmd-allier.com/PBCPPlayer.asp?ID=671495. — Site de la FMD. — Entretien avec madame Hélène Peigue-Lafeuille, le 14 décembre 2017. — La Résistance et ses poètes, Seghers, op. cit. — Arch. Com. d’Ivry-sur-Seine. — Archives Départementales de l’Allier, 1864 W 1, 1 R 1938.1938.293. — Archives Départementales de l’Isère 4402 W 117 feuillet 6, 6000 W 3, 4402 W 35 communiquées par Bernard Perrin. — Archives Départementales du Rhône, 3335 W 4, 3335 W 30. — Archives de la famille. — Directions Interdépartementales des Anciens Combattants de Clermont-Ferrand et de Lyon. — État civil de Vichy (Allier) et de Grenoble (Isère). — Nathalie Forissier, La Déportation dans la Loire 1940-1944, Publications de l’Université de Saint-Étienne, 2005. — International Tracing Service d’Arolsen 1.1.5.3. Concentration Camp Buchenwald - individual document, prisoner registration sheet - ID : 6450690 ; .1.5.1. Concentration Camp Buchenwald - death book - ID : 5399226. — « Jacques Laurent », Recherches effectuées par une classe de CM2 Juin 1994. Publié par l’École Jacques Laurent, 5 rue des Saules, 03200-Vichy. — Livre mémorial de la Fondation pour la Mémoire de la Déportation, Éditions Tirésias 2004. — Mémorial Buchenwald Dora Kommandos, Association Française Buchenwald Dora et Kommandos. — MemorialGenWeb site Internet. — Georges Milhaud, "La haine de la haine" dans la Revue Europe, mai 1958. — Office Départemental des Anciens Combattants de l’Allier. — André Sérézat, Et les Bourbonnais se levèrent, Éditions Créer, 1986. — Service Historique de la Défense (Dossier GR 16 P 342659). Lettre d’Alphonse Rozier à Pierre Giradot, 5 janvier 1972 (archives privées Alphonse Rozier, Clermont-Ferrand).

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