LAVENIR André [LAVENIR Jacques, André]

Par Maurice Moissonnier

Né le 30 novembre 1898 à Denicé (Rhône), mort le 2 février 1968 à Caluire-et-Cuire (Rhône) ; instituteur à Saint-Vérand (Rhône) puis à Lyon (VIIe) ; militant du Syndicat de l’enseignement laïc du Rhône affilié à la FGE-CGT, secrétaire de la section départementale du SNI (1935-1939) ; attaché au ministère de l’Instruction de Vichy.

André Lavenir était le fils d’un couple d’agriculteurs aux Chevènes, Pierre Lavenir, et Jeanne Besson. Devenu instituteur, il fut mobilisé en avril 1917 dans un régiment d’infanterie. Cité à l’ordre du régiment pour sa conduite durant les combats de mai-juin 1918, il fut promu sergent major en octobre 1919. il partit alors au Maroc dans l’infanterie légère d’Afrique. Il fut cassé de son grade, redevint 2e clase et rentra en métropole en mars 1920.

Redevenu instituteur, domicilié aux Ardillats où vivait sa mère, veuve, il se maria le 18 septembre 1920 à Tarare (Rhône) avec Léonie Rutishauser, âgée de 30 ans, institutrice, fille de Jacob Rutishauser, brodeur.

En 1922, nommé à Saint-Vérand, il était l’un des secrétaires nationaux de la Fédération de l’enseignement quand fut décidée l’adhésion à l’Internationale syndicale rouge, décision que combattait la section du Rhône. En 1924, il fut, avec Raffin, Jean Fontaine, Louis Blain, Louis Léger et Fossemagne, un des artisans de la scission du syndicat des instituteurs membres de la CGTU : épousant les thèses du secrétaire de l’Union départementale, Pierre Pontal, le syndicat unitaire des instituteurs passa dans sa quasi-totalité à l’autonomie. Il s’agissait en fait d’une décision transitoire puisque, en 1928, ce syndicat autonome retourna à la CGT confédérée. Secrétaire général adjoint du syndicat de l’enseignement laïc du Rhône en 1931, André Lavenir devint secrétaire général en 1935 et conserva, en janvier 1936, cette fonction dans le syndicat réunifié. Il siégeait en outre en tant que délégué suppléant au conseil d’administration de la Bourse du Travail de Lyon.

En 1934 et 1935, il assura, au sein du Comité antifasciste de la région lyonnaise groupant les syndicats CGT, CGTU, CGT-SR, le cartel autonome du Bâtiment, le Comité de vigilance des intellectuels antifascistes, la Ligue des droits de l’Homme, la Ligue contre l’antisémitisme, le Secours rouge international, les Partis communiste et socialiste, la responsabilité administrative d’une feuille bi-mensuelle intitulée L’Action antifasciste.

C’est sur l’antimilitarisme et un certain nihilisme national que Lavenir mettait surtout l’accent à cette époque. Le 5 avril 1935, dans un article intitulé « M. Peissel défenseur de l’école laïque », paru dans le bulletin corporatif du syndicat, il écrivit : « Les enfants doivent aimer la Patrie, car la Patrie aime ses enfants. Elle en consomme beaucoup. » L’inspecteur d’académie Rouède lui infligea une réprimande avec inscription au dossier et aux actes administratifs, ce qui entraîna une vive protestation du syndicat.

Arrivé à ce point et sous l’influence du professeur à l’École normale de Lyon Léon Emery, il adopta de plus en plus les positions du pacifisme intégral ce qui le conduisit à soutenir, en 1938, la politique de Munich. André Lavenir et la majorité du bureau syndical s’opposaient violemment au Parti communiste : « Tous mes camarades, pouvait-on lire dans le bulletin corporatif du 21 octobre 1938, sont enfin persuadés que le Parti communiste est notre ennemi numéro 1, que notre devoir est de le combattre avec la dernière énergie et par tous les moyens (...) nous sommes d’accord avec Le Temps pour réclamer sa mise hors la loi... Si c’est nécessaire nous irons, après le congrès de Nantes (de la CGT) jusqu’à la scission syndicale ». En février 1939, le conseil syndical des instituteurs affirmait sa satisfaction à la suite « des discours modérés et pacificateurs de Hitler et Chamberlain des 30 et 31 janvier » et, en mai, le bulletin corporatif dénonçait « la CGT devenue un instrument de guerre au service des impérialismes » et prétendait que « la deuxième trahison du mouvement syndical était consommée : après 1914, 1939 et par les mêmes chefs... »

Dans ces conditions, on comprend les raisons qui amenèrent Lavenir et ses amis à rapporter au dernier moment, pour les instituteurs du Rhône, l’ordre de grève lancé par la CGT, le 30 novembre 1938, contre les décrets-lois de Daladier. Il écrivit alors : « La CGT va perdre encore une partie de de ses effectifs. La grève générale employée à faux est un moyen d’action éliminé pour un temps assez long (...). Le syndicalisme, pour n’avoir pas gardé son indépendance, pour n’avoir pas défendu le premier des biens : la paix, perdra la confiance des masses. » Plus tard, dans une lettre, Léon Emery écrivit à ce propos : « Nous aurions naturellement été exclus, si la guerre n’était venue bientôt, en se compliquant de l’accord Hitler-Staline, tout porta sur un autre plan. »

Au moment de la déclaration de guerre, André Lavenir fut rappelé le 18 septembre 1939 dans une section d’infirmiers. Il fut suspendu sans traitement en 1940, pour avoir pris position contre la politique extérieure du gouvernement Daladier en août 1939. Il fut ensuite déplacé jusqu’en 1942, puis, avec l’appui de ses amis politiques, il occupa le poste d’attaché au ministère de l’Instruction dirigé par Abel Bonnard à Vichy. Dans un rapport à son ministre, Lavenir estimait en janvier 1944, que la dissolution brutale du SNI avait été une grave erreur, que le syndicat aurait pu être immédiatement au service de la Révolution nationale, que la politique pour redonner vie à des associations était donc désormais la seule voie afin de « regrouper dans beaucoup de départements des minorités encore faibles de militants courageux de tendance collaborationniste ».

Au mois de juin 1944, il rendit service à des militants de l’Isère inquiétés dans une affaire de tracts clandestins. En dépit de cette initiative qui parut tardive à la commission d’enquête et à la Chambre civique chargées d’examiner son cas, il fut condamné à la Libération à cinq ans d’indignité nationale et à la révocation sans pension. Le 17 novembre 1949, à la faveur de la division syndicale et des tensions nées de la guerre froide, il obtint que le conseil syndical du SNI du Rhône prenne position en sa faveur à la majorité et réclame, après la levée de son indignité nationale, sa réintégration dans l’enseignement.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article116510, notice LAVENIR André [LAVENIR Jacques, André] par Maurice Moissonnier, version mise en ligne le 24 novembre 2010, dernière modification le 3 août 2022.

Par Maurice Moissonnier

SOURCES : Archives de l’UD-CGT du Rhône. — Archives de la Bourse du Travail de Lyon, documents transmis par Jacques Girault et Roger Martin. — L’Effort, organe de défense sociale, 4 mai 1935. — l’École et la vie, 4 février 1939, L’école libérée, bulletin du SNI du Rhône, novembre 1949. — Etat civil, recensements, registre matricule. — Notes d’Alain Dalançon ("Les universitaires et le corporatisme sous le régime de Vichy" in le Syndicalisme dans la France occupée, s/dir Michel Margairaz, Danielle Tartakowsky, PUR, 2008.

rebonds ?
Les rebonds proposent trois biographies choisies aléatoirement en fonction de similarités thématiques (dictionnaires), chronologiques (périodes), géographiques (département) et socioprofessionnelles.
Version imprimable