LAVEZZI Ours, François

Par Nathalie Viet-Depaule, Jean-Marie Guillon

Né le 25 septembre 1890 à Bastia (Corse), mort le 8 novembre 1946 à Marseille (Bouches-du-Rhône) ; ouvrier du bâtiment dans l’Isère ; militant syndicaliste puis communiste.

Après avoir obtenu le brevet élémentaire en 1905, François Lavezzi fut employé des postes à Bastia. Il était le fils de Nonce Lavezzi, douanier, et d’Élisabeth Antonietti. Il se maria à Bastia le 18 février 1908 avec Carno Vincente. Révoqué pour ses idées « non-conformistes », il gagna Marseille, fit un stage à l’école normale et devint maître auxiliaire mais fut à nouveau révoqué avant même d’être titularisé.

Au lendemain de la Première Guerre mondiale, François Lavezzi habitait le Versoud (Isère) où il s’était remarié le 28 avril 1919 avec Pauline Rosaria. Il travaillait comme manœuvre dans le bâtiment à Lancey. Cumulant les fonctions de secrétaire du syndicat CGT et du groupe socialiste de Domène, il était, parmi les militants socialistes, un de ceux qui tentaient d’orienter l’Union départementale des syndicats dans la voie révolutionnaire. C’est lui qui présenta au congrès de Vienne, le 1er février 1920, la motion d’adhésion à l’Internationale communiste qui fut adoptée à l’unanimité moins une voix. Élu membre de la commission exécutive fédérale, il fut également désigné comme responsable de la commission départementale de la propagande dont il avait réclamé la création. Pendant un an, il sillonna le département, fondant de nouveaux syndicats et organisant l’agitation contre la fiscalité, pour l’augmentation des salaires et la diminution des horaires de travail.

En novembre 1920, il fut l’un des signataires de la motion dite Cachin-Frossard pour l’adhésion à la IIIe Internationale, et la défendit au congrès fédéral de l’Isère. Au lendemain du congrès de Tours (décembre 1920), il devint secrétaire de la section communiste de Domène composée de la majorité des adhérents de l’ancienne section socialiste. Au cours du débat qui eut lieu à l’intérieur de la Fédération communiste de l’Isère en 1921, il fut l’un des plus ardents partisans de la « gauche » qui défendait les positions de la direction de l’Internationale communiste et s’opposa avec acharnement au docteur Ricard qui incarnait à ses yeux la nouvelle « droite » : il salua même son exclusion comme une victoire, un pas vers la construction d’un véritable Parti communiste. Il anima la campagne menée à l’occasion de diverses élections cantonales pour la candidature symbolique d’André Marty, détenu alors à la centrale de Clairvaux.

Au cours de l’année 1922, François Lavezzi fut élu délégué national à la propagande de la Fédération CGTU du Bâtiment qui venait de se constituer. Il quitta l’Isère pour Paris. En 1924, c’est au nom de ses responsabilités syndicales qu’il assista aux obsèques de Lénine. Il travailla, selon le témoignage de son fils, de 1924 à 1926 au Profintern (Internationale syndicale rouge) et publia, en septembre 1923, dans un numéro spécial de La Correspondance internationale, un essai intitulé : « De la terre des communes à la révolution bolchevique » sous-titré « Essai comparatif sur deux expériences de propriété collective de la terre ». En septembre 1927, il représenta le syndicat des commis-dessinateurs de Paris au XIe congrès de la Fédération unitaire du Bâtiment qui se tint à Bordeaux et fut élu membre de la commission exécutive (voir Bonnieux). Lors des réunions préparatoires, certains militants l’avaient accusé d’organiser « des réunions de fractions syndicales sous les ordres du Parti communiste ».

Mais, deux ans plus tard, François Lavezzi était en Corse, à Bastia, où il fut candidat aux élections municipales du 5 mai 1929 (111 voix au premier tour). Le Parti communiste le présenta aux élections législatives du 1er mai 1932. Il obtint 102 voix sur 21 368 électeurs inscrits et 11 752 votants, un résultat faible mais le meilleur de Corse. Voir R. Catta.

François Lavezzi revint à Marseille en 1932 et résidait dans le quartier de Saint-Just. Il était père de quatre enfants. De santé fragile, malade, il avait été exempté du service militaire et ne travaillait pas. Il devint membre du secrétariat de la Région Sud-est du Parti communiste et continua à militer. En 1939, il refusa de condamner le Pacte germano-soviétique déclarant : « Des milliers de militants communistes sont aujourd’hui victimes de la répression, j’en suis totalement solidaire, si j’ai à manifester une opinion sur le pacte de non agression germano-soviétique, c’est à eux que je la dois et non à la presse bourgeoise, en tout état de cause, ceux qui sont frappés aujourd’hui, m’ont fait l’honneur, je dis bien l’honneur, messieurs, de me confier les responsabilités qui furent les miennes dans le mouvement ouvrier, il est de mon devoir de ne pas trahir la confiance qu’ils m’ont manifestée. » Il fut perquisitionné le 31 octobre 1939, inculpé d’activité communiste et déféré devant la justice militaire. Il bénéficia d’un non-lieu car la justice reconnut que ce qui avait été saisi ressortait de sa bibliothèque personnelle et que la possession de ces ouvrages ne constituait pas un délit. Toujours pour son frère, en 1943, il soulignait qu’il avait été requis à titre civil comme chef d’îlot de la Défense passive dans son quartier et félicité après le bombardement allemand du 2 juin pour être resté à son poste durant quarante-huit heures. Un arrêté d’internement pour le camp de Saint-Angeau (Cantal) fut pris par le préfet à l’encontre de vingt sept militants, dont Lavezzi, le 6 juin 1940 ; il fut arrêté le 8 alors qu’il était malade et couché. Il fut d’abord envoyé au camp de Chabanet (Ardèche), puis à Saint-Angeau le 13 juin, mais, dès le 23, comme les autres internés, il fut replié sur le camp de Chibron (commune de Signes, Var) qui venait d’ouvrir. Il fut aussitôt admis à l’infirmerie. Il figurait sur la slite des communistes "dangereux". À la dissolution de ce camp le 16 février 1941, il fut transféré à Saint-Sulpice-la-Pointe (Tarn) où il ne quitta guère l’infirmerie. Il fit une attaque le 13 avril 1942 et fut envoyé en urgence à l’hôpital d’Albi (Tarn) où il resta jusqu’au 11 juin. La Croix-Rouge fit une demande de libération, mais, en septembre, le chef de camp ne l’aurait toujours pas fait partir. Affecté par une hémiplégie, se déplaçant avec une canne, il fut à nouveau l’objet d’une demande de libération par le médecin du camp qui estimait son état incompatible avec l’internement en juillet 1943. D’après lui, ses vingt-six camarades du 8 juin 1940 avaient tous été libérés. Il fit une nouvelle demande de libération le 10 septembre, mais le 23, il était transféré à la centrale d’Eysses (Lot-et-Garonne). Réclamant à nouveau sa libération, il fut interrogé le 12 novembre et il écrivait à son frère le 24 pour qu’il puisse appuyer sa demande en lui fournissant les détails que nous venons d’utiliser pour établir son parcours. Il écrivit à Pierre Laval un mois après, le 23 décembre. Il était à l’infirmerie de la Centrale le 27 décembre. Il écrivait avoir fait trois attaques. Il était encore emprisonné le 3 juin 1944, date à laquelle la police de Marseille faisait une enquête à son sujet. C’est la seule que son dossier d’internement contient. On ne sait s’il y en avait eu d’autres auparavant, ni pourquoi il a été maintenu en internement aussi longtemps.
Il mourut à Marseille peu après la Libération.

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Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article116534, notice LAVEZZI Ours, François par Nathalie Viet-Depaule, Jean-Marie Guillon, version mise en ligne le 16 septembre 2021, dernière modification le 16 septembre 2021.

Par Nathalie Viet-Depaule, Jean-Marie Guillon

SOURCES : Arch. Nat. F7/12980, 7 mai 1929 ; F7/13652. — Arch. Dép. Isère, 77 M 1, 166 M 2. — Arch. Dép. Bouches-du-Rhône 5 W 196 (dossier internement). — Arch. Dép. Var, 4 M 291.— Le Petit Bastiais, 2 mai 1932. — La Jeune garde rouge, 1953. — Comptes rendu des congrès de la Fédération unitaire du Bâtiment. — Le Mémorial des Corses, op. cit., t. 4, p. 311. — F. Giacomini, L’implantation du PC en Corse, op. cit. — D. Dumoulin, La CGT dans l’Isère 1918-1921, TER, Grenoble, 1972. — Geneviève Teyssère, Aux origines du PC dans l’Isère, TER, Grenoble, 1973. — Témoignage de son fils, Claude Lavezzi, 23 septembre 1987. — Renseignements recueillis par Pierre Broué. — François Giacomini, L’implantation du Parti communiste en Corse 1920-1939, Paris 1, 1972. — état civil.

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