Par Jean Maitron et Léon Strauss
Né le 27 novembre 1897 à Strasbourg (Bas-Rhin), mort le 23 mars 1964 à Strasbourg ; contrôleur technique ; syndicaliste CGTU puis CGT ; militant communiste puis socialiste SFIO.
Fils de Louis Eugène Bonn, plombier, et de Caroline Elchingre, tous deux catholiques, aîné de neuf enfants, Lucien Bonn connut des conditions de vie difficiles à la suite de l’invalidité précoce de son père. Mobilisé dans l’armée allemande de mai 1916 à octobre 1918, blessé par éclat d’obus le 29 avril 1917, il revint invalide. Il fut décoré par l’Armée allemande en juillet 1918.
Employé de bureau avant d’entrer au chemin de fer, il y fut embauché comme facteur auxiliaire en octobre 1918. Employé à la direction des chemins de fer d’Alsace et de Lorraine à partir de décembre 1919, il adhéra immédiatement à la CGT. Lucien Bonn fut élu, en avril 1924, secrétaire général du comité exécutif - en remplacement de Furstoss - de l’Union des syndicats CGTU des cheminots d’Alsace et de Lorraine. Il fut réélu au congrès qui se tint à Colmar (Haut-Rhin), les 10 et 11 avril 1925 ; Émile Wendling, Alfred Daul et Jacques Rohrbacher furent respectivement élus secrétaire général adjoint, secrétaire et trésorier.
Créée en janvier 1919, l’Union des syndicats des cheminots d’Alsace et de Lorraine s’était séparée de la CGT à l’issue d’un congrès qui avait eu lieu à Sarreguemines (Moselle) les 9 et 10 avril 1921, scission antérieure à la tenue à Saint-Étienne, le 25 juin 1922, du congrès qui vit la naissance de la CGTU, à laquelle l’Union des syndicats apporta son adhésion. L’Union, dont le siège était situé à Strasbourg, vit le nombre de ses adhérents passer de plus de 22 000 en avril 1920 à environ 7 500 en 1925. Elle avait pour organe la Tribune des Cheminots, journal mensuel imprimé à Strasbourg et pouvait disposer en outre de l’Humanité de Strasbourg, quotidien du Parti communiste d’Alsace. Trois syndicats de la région de Strasbourg étaient affiliés à l’Union : celui de Bischheim (Bas-Rhin), président Charles Moerschel, de Strasbourg, président Jacques Rohrbacher, et de Hausbergen, gare de triage, président Joseph Schneider.
Lucien Bonn avait milité très jeune dans le mouvement ouvrier et adhéré après le congrès de Tours au Parti communiste, qui le fit figurer sur sa liste aux législatives de 1924. Il fut révoqué le 20 juillet 1926 par les chemins de fer d’Alsace et de Lorraine pour avoir signé le manifeste du Parti communiste sur le droit à la séparation de l’Alsace-Lorraine : il était alors président de la Fédération sportive ouvrière d’Alsace-Lorraine (Arbeitersportverband) et président de l’Union des syndicats de cheminots unitaires, qui aurait compté environ 7 500 membres en 1927. Réintégré par son administration le 1er septembre 1927, il adressa, le 28 août 1929, sa démission au Parti communiste. Il fut élu le 1er février 1928 délégué suppléant d’Henri Murschel au Conseil supérieur des chemins de fer. En septembre 1929, il démissionna de son poste de secrétaire général de l’Union et fut remplacé par Alfred Daul. Il milita désormais à l’Union CGT. Il fut l’un des quatre délégués de l’Union régionale CGT à la commission créée le 9 décembre 1934, qui aboutit le 26 mai 1935 à la fusion de l’Union des syndicats CGTU de cheminots d’Alsace et de Lorraine, de la Fédération des syndicats professionnels, de l’Union CGT, du Syndicat des échelles 5 à 10. Militant socialiste SFIO, il fut fréquemment candidat aux élections pour ce parti et figura au conseil municipal de Strasbourg. Ses activités en faveur des invalides de guerre lui valurent la Légion d’honneur.
Il était, après l’évacuation de Strasbourg le 1er septembre 1939, contrôleur technique au service des imprimés ACM, rue Château-Landon à Paris (IXe arr.) et restait membre du conseil d’administration de l’Union des syndicats CGT des cheminots d’Alsace et de Lorraine. Il ne rentra pas en Alsace annexée. Revenu à Strasbourg dès le 28 novembre 1944, il reprit ses fonctions à la SNCF et au syndicat. Lors du congrès de Bischheim, le 7 juillet 1945, il fut élu secrétaire général adjoint de l’Union. En octobre 1947, il était contrôleur des services régionaux de la SNCF à la division du budget, secrétaire général adjoint de l’Union des syndicats de cheminots CGT d’Alsace et de Lorraine et secrétaire général de l’Union des Invalides de guerre d’Alsace et de Lorraine. Le 2 mai 1947, il rendit compte au congrès régional des cheminots CGT des négociations qui venaient d’aboutir pour la fusion de la caisse de maladie SNCF d’Alsace et de Lorraine avec la caisse de prévoyance nationale. Il signa l’appel au maintien de l’unité des cheminots dans la CGT publié dans Le Cheminot du 1er janvier 1948. Il démissionna alors du congrès régional du 10 mai 1949 de ses fonctions de secrétaire général adjoint et de membre du bureau exécutif de l’Union des cheminots CGT d’Alsace et de Lorraine et fut remplacé par Émile Schmitt. Lucien Bonn termina sa carrière à la SNCF en septembre 1959, avec le grade de sous-chef de bureau principal.
Il fut candidat de la SFIO dans le Bas-Rhin aux élections législatives de 1945, juin et novembre 1946, ainsi qu’aux sénatoriales de 1952. Il fut également candidat aux cantonales à Haguenau en 1945, à Barr en 1951 et à Sélestat en 1955.
Lucien Bonn s’était marié en octobre 1919 à Strasbourg avec Louise Walter. Il eut deux enfants, un fils né en 1920 et mort le 20 avril 1945, et une fille née en 1921.
Par Jean Maitron et Léon Strauss
ICONOGRAPHIE : La Tribune des cheminots [unitaires], no. 235, 15 août 1927.
SOURCES : Arch. Nat. F7/13670 (rapport non daté) et 13672 (Strasbourg, 6 juin 1925) ; F1a 3229, F1c II 249, 297 et 314. — Arch. SNCF de Béziers. — Arch. Dép. Bas-Rhin, 98 AL 639, 98 AL 723, 554 D 152. — Arch. privées (Liste der Mitglieder des Einheitsverbandes der Eisenbahner E.L., 1939). —L’Humanité (Metz), 24 juillet 1926. — Les Dernières nouvelles de Strasbourg, 5 septembre 1929. — Le Cheminot unifié, 1er septembre 1945, 1er décembre 1947. — La Presse libre, 27 novembre 1957. — Les Dernières nouvelles d’Alsace, 26 mars 1964. — Nouveau dictionnaire de Biographie alsacienne, 4, Strasbourg, 1984, p. 298 (Strauss). — Notes de Marie-Louise Goergen et de Gilles Morin.