LEGRAND Roger, Firmin

Par Odette Hardy-Hémery

Né le 14 avril 1914 à Valenciennes (Nord), mort le 28 juin 1998 à Beuvrages (Nord) ; chef de travaux ; membre de l’OCM puis du réseau « Alliance » ; responsable du Front National et des Milices patriotiques du Valenciennois ; militant communiste et associatif du Nord.

Roger Legrand était le fils d’un ajusteur, Firmin Legrand, qui, appelé au 127e régiment d’infanterie, fut tué à la première bataille de la Marne en 1914. Roger fut adopté par la Nation en juillet 1919. Sa mère se remaria et adhéra avec son second mari au Parti communiste en 1944. Les parents étaient croyants mais non pratiquants. Rober Legrand subit l’influence d’un oncle, Victor Gobert, membre du Parti communiste dans les années 1930. Il reçut une formation primaire puis supérieure, suivit les cours des écoles académiques préparant aux Beaux-Arts et aux Arts-Décoratifs : il reçut en 1933 le prix du ministère des Beaux-Arts en architecture. En 1937, il devint adjoint technique à la mairie de Valenciennes puis fut, de 1954 à 1958, chef de services techniques CPM à la même municipalité et commis d’architecte chez divers professionnels ; il s’installa comme métreur en 1961. Il avait épousé, le 28 avril 1937 au Kremlin-Bicêtre, une vendeuse au Bon Marché qui participa comme membre de la CGT à la grève de 1936. Du 23 avril 1935 au 30 octobre 1936, Roger Legrand avait accompli son service militaire au Génie à Strasbourg. Il fut rappelé du 27 septembre 1939 au 5 août 1940 au 11e bataillon du Génie et reçut une citation à l’Ordre du régiment avec attribution de la croix de guerre.

Démobilisé le 8 août, il revint à Valenciennes. Profitant de ses fonctions de conducteur de travaux à la mairie de Valenciennes, il détourna des fonds destinés à l’armée allemande et les utilisa dans la construction de locaux scolaires. Ami de Louis Riquoir avec lequel il avait travaillé avant-guerre chez un architecte, il organisa avec lui et avec Louis Taisne un service aidant les réfractaires en confectionnant de faux certificats de démobilisation et de fausses cartes d’identité. Il camoufla des membres de la résistance. En 1942, il adhéra à l’OCM sous les ordres d’André Warlouze, beau-frère de Louis Riquoir et responsable du secteur de Douai. Dans ce cadre, Roger Legrand fournit des plans de casernements et des différents dépôts de matériel allemand ainsi que d’autres renseignements d’ordre militaire. Après l’arrestation d’André Warlouze, Roger Legrand, coupé de l’OCM, rejoignit en décembre 1943 le réseau « Alliance » où il était immatriculé sous le numéro P 716. Il communiqua là encore des renseignements particulièrement sur les terrains de parachutage, renseignements qui transitaient par Fournier de Lens, responsable interdépartemental d’ » Alliance ».

Toujours par l’intermédiaire de Louis Riquoir, Roger Legrand entra au Front National en mai 1944. C’est sous son impulsion et celle de Daniel Barbry que ce mouvement se reconstitua après la seconde vague d’arrestations de février 1944 qui faisait suite à une première vague d’octobre à décembre 1943. Compte tenu de son expérience, on confia à Roger Legrand l’organisation, le recrutement et la direction des Milices Patriotiques dépendant du 8e bataillon FTP. Il constitua dans ce cadre six groupes de dix hommes. En août 1944, il eut en charge un dépôt de matériel de propagande et de munitions confié par Pierre Cuvelier*, responsable pour le Valenciennois du Front National et des FFI. Les patriotes venaient récupérer chez lui le matériel de propagande pour le ventiler. Roger Legrand prit part aux tâches d’affichage clandestin, de distribution de tracts, de vente de bons de solidarité ; il s’empara de plans, en particulier de ceux de la Kreiskommandantur de Valenciennes qu’il destina aux fins de destruction de dépôts. Averti d’une probable perquisition il évacua quinze jours avant la Libération le dépôt qu’il avait chez lui, en partie chez un ancien adjoint au maire socialiste de Valenciennes, Keller. Pierre Cuvelier lui avait amené en juin une ronéo et une machine à écrire pour le tirage des tracts. Ce matériel fut également évacué le 15 août. Mesures non inutiles car le domicile fut perquisitionné peu après. Roger Legrand recevait ses instructions de Pierre Cuvelier, de Louis Riquoir et de Paul Sourdeau, responsable des Milices Patriotiques ou lors de réunions du comité directeur du Front National pour le Valenciennois. Il hébergea occasionnellement des résistants, transporta des armes par valises lors de fréquents déplacements, désarma en août des agents ennemis.

Par ailleurs, Roger Legrand fut aussi un recruteur de personnalités pour le Front National : il y fit adhérer un avocat, maître Maréchal, l’abbé Bauvar qui s’occupait des scouts de Valenciennes, etc. Il était en liaison avec le commissaire de police d’Anzin et le groupe des Milices patriotiques constitué parmi les policiers de Valenciennes auquel appartenait le commissaire principal Moulin. Le 2 septembre 1944, d’après les ordres de Pierre Cuvelier et de Paul Sourdeau, Roger Legrand mit en action les gardes civiques républicaines, 500 hommes en armes lors de l’avance de Von Rundstedt ; il alerta les responsables de Quarouble en franchissant les lignes de retraite ennemies. Pour son action au cours des combats de la Libération, il reçut la croix de guerre 1939-1945 sans jamais prétendre à aucune homologation de grade.

A la Libération, il fut désigné à l’unanimité pour présider le comité local de libération de la ville de Valenciennes à la place de Paul Sourdeau, exécuté le jour de la Libération. Il adhéra au Parti communiste en 1944 et y milita constamment. Il fut responsable à l’organisation de la section de Valenciennes-ville en 1945, puis trésorier de section en 1951, puis de nouveau secrétaire à l’organisation, puis secrétaire à la propagande jusqu’en 1994. Il est resté membre du comité de section jusqu’en 1992. Il fut élu conseiller municipal de Valenciennes de 1953 à 1959, puis de Beuvrages en 1983. Sa femme fut membre des cellules Devos de Valenciennes de 1946 à 1974 puis Marguerite Leduc à Beuvrages et présidente du comité UFF de la même ville.

Roger Legrand déploya également toute une activité syndicale. Il fut secrétaire du syndicat CGT des municipaux et des hospitaliers de Valenciennes de 1944 à 1951, administrateur des Hospices de 1944 à 1946, secrétaire du syndicat CGT de l’alimentation de 1954 à 1958. Il participa au comité départemental de l’ANACR du Nord, défendant les droits des résistants. Il fut secrétaire fédéral adjoint de l’UNRPA-UVF (Union pour les vieux de France) pour le Nord de 1973 à 1990 et membre de la commission nationale de contrôle financier de l’UNRPA depuis 1980. Roger Legrand soutint également l’action du Secours Populaire français, participant au comité de patronage départemental de 1968 à 1972. En tant que président du CDL de Valenciennes, il milita à l’Amitié franco-polonaise puis à France-Pologne de 1951 à 1983, lutta dès 1951 pour la reconnaissance de la frontière Odra-Nissa. Depuis 1967, il était membre du bureau national de France-Pologne, fut président délégué en 1980 et est actuellement membre de la présidence d’honneur départementale du Nord. Il mena une activité inlassable pour l’établissement de liens d’amitié entre la Pologne et la France, pour la connaissance de la Pologne par les films, les expositions, les conférences pendant 32 années. Quelques faits marquants à ce sujet : célébration de l’année Chopin dans le Nord-Pas-de-Calais, millénaire de la Pologne en 1968, l’année Copernic et autres activités, liens avec les Chambres de commerce de Lille et de Valenciennes à son initiative. Il reçut de 1965 à 1971 plusieurs distinctions de l’État polonais pour sa participation à la lutte contre les Allemands. Après la guerre, Roger Legrand poursuivit une action constante pour l’amitié et la paix entre les peuples quels qu’en soient les régimes.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article117374, notice LEGRAND Roger, Firmin par Odette Hardy-Hémery, version mise en ligne le 24 novembre 2010, dernière modification le 28 août 2011.

Par Odette Hardy-Hémery

SOURCES : Arch. Mun. Valenciennes. — Arch. Musée de la Résistance à Denain. — Arch. personnelles de l’intéressé.— Etat civil.

rebonds ?
Les rebonds proposent trois biographies choisies aléatoirement en fonction de similarités thématiques (dictionnaires), chronologiques (périodes), géographiques (département) et socioprofessionnelles.
Version imprimable