LE MORILLON Émile

Par Claude Pennetier, Renaud Poulain-Argiolas, Nathalie Viet-Depaule

Né le 10 mars 1900 à Montoir-de-Bretagne (Loire-Inférieure, Loire-Atlantique), mort le 15 octobre 1944 à Paris (XIIIe arr.) ; docker, riveur, fumiste et chauffeur de chaudière ; militant des Jeunesses socialistes avant la Première Guerre mondiale, puis militant communiste ; conseiller municipal de Montreuil-sous-Bois (Seine, Seine-Saint-Denis) dans la municipalité de Fernand Soupé (1935-1940), maire adjoint du conseil municipal provisoire dirigé par Daniel Renoult en septembre 1944 ; résistant, emprisonné.

Émile Le Morillon

Émile Le Morillon vit le jour à Trignac (Loire-Inférieure, Loire-Atlantique) au domicile de ses parents. C’était un lieu-dit, dépendant de la commune de Montoir, qui ne prit son autonomie administrative qu’en 1914. Il était le fils de Pierre, Marie Le Morillon, né à Colpo (Morbihan), alors coiffeur à domicile, et de Léontine Boutet, née à Montluçon (Allier), ménagère. Les parents étaient tous deux sympathisants communistes à l’époque du Front populaire. Émile Le Morillon était l’aîné d’une fratrie de huit enfants qui furent tous des militants communistes : Renée (née en 1901), Pierre (1903), Suzanne (1908), Georges (1910), Madeleine (1914), Georgette (1916) et Olga (1922). La famille déménagea à de nombreuses reprises au rythme des changements d’emplois du père.

Il quitta l’école en 1913. D’après les souvenirs de sa sœur Olga, il se rendit cette année-là à un meeting de Jean Jaurès avec son père : tous les deux furent remplis d’enthousiasme en entendant le tribun socialiste. L’année suivante il milita trois mois aux Jeunesses socialistes. Dans une autobiographie rédigée en 1938, Émile Le Morillon écrivait : « j’ai appris à lire et à écrire par moi-même quand j’étais au régiment ». Il se fit embaucher comme docker à Saint-Nazaire entre 1918 et 1920. Bagarreur, une rixe l’opposa à des soldats américains aux côtés de deux autres manœuvres travaillant dans le quartier Penhouët, Victor et Henri Luneau. Les trois ouvriers écopèrent d’une peine de huit jours de prison.

A partir de mars 1920, Émile Le Morillon fit son service militaire dans le 103e régiment d’infanterie en tant que soldat de 2e classe. Il passa dans l’armée de réserve en mars 1922 après avoir obtenu un certificat de bonne conduite. À son retour, il travailla à Caen à l’usine des laminoirs de Mondeville, puis à Charleville (Ardennes). En décembre 1922, il était domicilié dans le hameau de Saint-Ponce, à La Francheville, puis 54 rue des Savarts à Montreuil (Seine, Seine-Saint-Denis) en mars 1926. Frappeur, riveur, chauffeur ou monteur de chaudière ou fumiste (de 1928 à 1936) selon les sources à Montreuil, Ivry-sur-Seine, Aubervilliers, il adhéra au Parti communiste en en janvier 1925 à Montreuil-sous-Bois. Ses sympathies allaient depuis longtemps au Parti communiste : « Mon père lisait l’Huma depuis 1922 et suivait les comptes rendus du procès de Marty. J’avais assisté à une réunion de M. Cachin à Mondeville (Caen) avec Mougin (voir Émile Mougins) qui était à l’époque maire communiste. Ensuite nous partons à Charleville (Ardennes) en 1924 où j’apprends que Marty devait venir faire un meeting ; par toutes sortes de manœuvres il en fut empêché (...) par la suite j’apprends l’adresse où la cellule se réunissait. Je demande mon adhésion définitive, on me répond que l’on ne pouvait pas l’accepter, que bientôt ils seraient en cellule et qu’on ne pouvait pas faire des adhésions qui pourraient lutter contre eux. » (autobiographie de 1938). Le 22 juin 1929, il épousa à Gennevilliers Jeanne Poumier, journalière. Il travaillait comme fumiste et résidait au 126 de la rue des Savarts à Montreuil. Sa femme mourut deux mois après leur mariage d’un abcès à la gorge.

Il siégeait à la direction du rayon local depuis 1926 et en fut secrétaire de juillet 1933 à juillet 1934. Il était également responsable du travail « anti » et du service d’ordre, en particulier de la protection de Jacques Duclos. Sa brutalité lui valut un blâme du parti pour avoir giflé un non membre du PCF. Il fut délégué au congrès de Saint-Denis en 1929.

Chauffeur de chaudière au dispensaire de Romainville, il fut élu conseiller municipal de Montreuil, le 12 mai 1935, sur la liste d’Hilaire Soupé (voir Fernand Soupé). Intervenant à la conférence de section sur la question féminine en juillet 1935, il faisait partie du bureau de section en 1938. En mai 1936, il habitait 9 boulevard Théophile Sueur.
Il se maria en secondes noces le 2 décembre 1939 avec Catherine Perraudin (voir Marguerite Le Morillon) à Montreuil, qui fut elle aussi une militante communiste. De 1937 à 1940, ils hébergèrent une famille de réfugiés républicains espagnols, les Maroto Rodondo. Le père étant prisonnier de Franco, ils vécurent avec la mère et ses deux enfants : une petite fille de sept ans et James, un garçon de quatorze ans. Après la dissolution du PCF, les Le Morillon durent renoncer à les garder chez eux.

Réformé par la commission de réforme de la Seine pour raison médicale, il ne fut pas mobilisé pour la Seconde Guerre mondiale. Le Morillon fut très actif dans la Résistance. Arrêté le 9 mars 1943 par la police de Vichy, il fut enfermé à la prison de la Santé. Très affaibli par la torture, il fut libéré le 18 août 1944 par la Résistance, ce qui est quelquefois considéré comme une évasion. Il compta, au nom du Parti communiste, parmi les membres du conseil municipal provisoire (arrêté du 26 septembre 1944) mis en place sur proposition du comité local de Libération. Y était-il présent ? Daniel Renoult faisait office de maire. Les membres exerçant la fonction d’adjoints étaient Louis Poupard (1er), Maurice Woljung (2e), Émile Le Morillon (3e) et André Marrane (4e). La délégation comprenait également Jacques Duclos, Mme Lucie Wynen, Charles Houdelette, Julien Albaret, Robert Perrin, Émile Beaufils, Henri Vaysse, Louis Goumand, François Isaac, Jules Blois, Albert Rives, Edmond Vandeputte, Gaston Lecomte, Marc Toussaint et Roger Gosselin.

Émile Le Morillon mourut le 15 octobre à l’Hôpital de la Pitié-Salpêtrière à Paris (XIIIe arr.) des suites de ses blessures. L’Humanité lui rendit un hommage le 18 octobre 1944. Le journal mentionnait son passé de collaborateur au Comité central à la Commission des cadres, datait son arrestation à début 1943 et accusait les "policiers tortionnaires du préfet Bussières" et "le sinistre David, ancien chef de la brigade spéciale" d’être responsables de sa mort.
La conférence de section des 18 et 19 novembre 1944 le présenta comme un militant communiste local « mort des suites des coups reçus en prison pour être resté fidèle à son parti ». Ses funérailles eurent lieu le 19 octobre à Montreuil.

Son épouse, Marguerite Le Morillon, fut déportée.

La ville de Montreuil honora la mémoire du couple de militants en baptisant une place Place Marguerite et Émile Le Morillon.
Une cellule du PCF local porta leur nom après la guerre.
Une plaque située au 10 rue Victor Hugo, devant le local de la section communiste de Montreuil, intitulée "Honneur aux communistes de Montreuil tombés pour une France libre, forte et heureuse", porte 58 noms de militants, dont celui d’Émile Le Morillon.

En novembre 1963, Émile Le Morillon fut homologué déporté et interné de la résistance (DIR).

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article117760, notice LE MORILLON Émile par Claude Pennetier, Renaud Poulain-Argiolas, Nathalie Viet-Depaule, version mise en ligne le 24 novembre 2010, dernière modification le 5 juin 2022.

Par Claude Pennetier, Renaud Poulain-Argiolas, Nathalie Viet-Depaule

Émile Le Morillon pendant son service militaire (1920-1922)
Émile Le Morillon
Autoportrait à la prison de la Santé, 5 janvier 1944.
Obsèques d’Émile Le Morillon, 19 octobre 1944.
Plaque commémorative du 10 rue Victor Hugo à Montreuil (photo de Renaud P-A, mai 2022).

ICONOGRAPHIE : Archives de Danièle Dubois.

SOURCES : RGASPI, Moscou, 495 270 4968 : autobiographie du 26 avril 1933 et 20 avril 1938. — Arch. Dép. Loire-Atlantique, État-civil de Montoir-de-Bretagne, 1900, Naissances, Acte n°62, 3E103/58 ; État signalétique, classe 1920, matricule 3981. — Arch. Paris (XIIIe arr.), 1944 , Décès, Acte n°3951, 13D 340. — Arch. Dép. Seine, DM3 ; versements 10451/76/1 et 1441/64/2 ; listes électorales et nominatives. — Arch. com. Montreuil. — SHD Vincennes, GR 16 P 361726. — Conférence des 18 et 19 novembre 1944, Montreuil. — État civil de Montoir-de-Bretagne et de Paris (XIIIe arr.). — L’Ouest-Éclair, journal républicain quotidien (édition de Nantes), 10 mars 1919, 29 mars 1919. — L’Auvergnat de Paris, 22 juin 1929. — Bulletin municipal officiel de la Ville de Paris, 27 septembre 1944. — l’Humanité, 18 octobre 1944. — Données du site Filae. — Données du site Généanet. — Souvenirs d’Olga Le Morillon rédigés entre 1990 et 1993 (non publié). — Propos recueillis auprès de Danièle Dubois, sa nièce (mai 2022).

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