LEMPEREUR Rachel, Odile [née NUEZ Rachel, Odile]

Par Gilles Morin

Née le 14 février 1896 à Lille (Nord), morte le 8 octobre 1980 à Saint-André (Nord) ; institutrice ; militante syndicaliste ; militante socialiste du Nord ; secrétaire départementale du SNI ; conseillère municipale de Lille (1945-1971) ; conseillère générale de Lille-Sud-Ouest (1945-1949 : 1955-1973), députée (1945-1958) ; membre du comité directeur de la SFIO (1949-1953) ; animatrice des femmes socialistes.

Rachel Lempereur
Rachel Lempereur
Assemblée nationale

Fille de Jules Nuez et de Clémentine Thibaut, ouvriers, Rachel Lempereur naquit dans une famille militante : son père était un des pionniers socialistes, auprès de Delory. Comme sa mère, il décéda alors qu’elle était très jeune. Elle fit ses études à l’école primaire de la ville, puis à l’école primaire supérieure Jean Macé où elle obtint le brevet supérieur en 1914. Elle enseigna durant 38 ans, comme institutrice, puis comme directrice d’une école publique de 11 classes. Elle épousa le 7 juin 1923 à Lille, Marcel Lempereur, né le 16 janvier 1898 à Liège (Belgique), employé des PTT (dessinateur d’études). Ils eurent deux filles.

Syndiquée dès ses débuts professionnels, militante de la SFIO dans le Nord à partir de 1928, Rachel Lempereur faisait des conférences laïques. Remarquée par Jean Lebas, elle devint une propagandiste du parti au plan fédéral, dès 1930. Elle travailla à développer les réseaux de femmes socialistes. Elle participa à la conférence départementale des femmes socialistes du Nord à Lille le 28 octobre 1934, fut désignée la même année comme déléguée permanente du Comité fédéral féminin et représenta le Nord à Paris en 1934 au Comité national des Femmes socialistes. L’année suivante, dans la même instance, le 27 octobre 1935 à Roubaix, elle fit un exposé sur « La crise du capitalisme et le rôle des femmes socialistes ». De 1936 à 1938 au moins, elle fut secrétaire à la propagande du comité fédéral du Nord des femmes du Parti socialiste SFIO publiant de nombreux comptes rendus dans La Femme socialiste. La fédération du Nord était la seconde dans le Parti socialiste après celle de la Seine. En mars 1938, elle fit à Bauvin (Nord) une conférence de propagande sur la nécessité du socialisme, sous la présidence de Jules Sauvage* ; elle obtint à cette occasion l’adhésion de vingt femmes. Elle intervint également quelques semaines plus tard à l’occasion de la Journée internationale des femmes organisée par le comité fédéral féminin. À la veille de la Seconde Guerre mondiale, elle était toujours militante de la SFIO et avait été élue en 10e position, avec 626 voix, membre du comité national des femmes socialistes. Elle militait par ailleurs à la Ligue des droits de l’Homme.

Durant l’Occupation, Rachel Lempereur assura publiquement, puis clandestinement le secrétariat du syndicat des instituteurs et institutrices du département. Membre du conseil syndical de la section départementale du SNI, elle le représenta à la réunion du conseil national le 18 et 19 juillet 1945.

Son action syndicale et résistante lui valut à la Libération d’appartenir aux instances partisanes. Membre de la commission administrative fédérale SFIO du Nord, de 1951 à 1966 au moins, elle était déléguée départementale des « femmes socialistes » et fut co-présidente, pour le département du Nord, du Mouvement démocratique et socialiste pour les Etats-Unis d’Europe en janvier 1954, avec le MRP Léon Robichez. Le Parti socialiste SFIO la désigna pour le représenter dans les compétitions électorales locales et nationales.
Rachel Lempereur fut, de la Libération en 1944 à 1971, conseillère municipale de Lille et adjointe aux maires socialistes, Denis Cordonnier en 1945-1947, puis Augustin Laurent* de 1955 à 1971, chargée de l’instruction publique. De septembre 1945 à mars 1949 puis d’octobre 1955 à 1973, elle représenta le canton de Lille-sud-est au conseil général du Nord (en 1949, elle fut battue avec 33,9 % des voix au 2e tour, devancée dans une triangulaire par le RPF, 45,4 %, le communiste Duquesne se maintenant avec 20,7 %).

Rachel Lempereur fut surtout députée de la 2e circonscription du Nord de 1945 à 1958. Élue au deux Assemblées Constituantes en troisième position sur la liste socialiste le 21 octobre 1945 et le 2 juin 1946, réélue à toutes les Assemblées de la Quatrième République. Militante laïque active, elle siégea régulièrement dans la commission de l’Éducation nationale et des Beaux-Arts, dont elle fut vice-présidente aux deux Assemblées constituantes et durant la 2e législature. Elle fut aussi membre de la commission de la famille et de la population. Elle fut ensuite présidente de la commission des Finances, désignée en février 1956. Elle fut par ailleurs désignée par le groupe socialiste pour siéger à la Haute Cour de Justice le 21 juin 1946.

La députée du Nord joua un rôle de premier plan dans le groupe parlementaire socialiste : secrétaire législatif du groupe en octobre 1945, elle fut ensuite secrétaire administrative en janvier 1946, confirmée à la deuxième Constituante en juin, puis membre de la commission exécutive en novembre 1946. Redevenue secrétaire administrative en décembre suivant, elle participa régulièrement à la commission exécutive par la suite. Elle ne prit pas part au vote pour l’investiture de Maurice Thozez* le 4 novembre 1946 et vota blanc pour la candidature Bidault. Pendant ces trois mandats, elle participa aussi alternativement aux commissions du travail et de la Sécurité sociale, de la production industrielle, de la famille et de la population, de la presse. Secrétaire de l’Assemblée nationale de 1951 à 1955, elle figura sur la liste de jurés de la Haute Cour de Justice en 1948. Très active, elle intervint dans toutes les discussions sur l’Éducation nationale, principalement sur les questions relatives à l’enseignement primaire. Elle fut la porte-parole du groupe socialiste en 1951 dans les discussions des lois Marie et Barangé, ferme dans ses positions laïques dépourvues de sectarisme. Partisanne de la Communauté européenne de défense, elle vota contre la motion Aumeran, le 30 août 1954. Après en avoir été vice-présidente de l’Assemblée de 1946 à 1955, elle présida au Palais-Bourbon la commission de l’Éducation nationale de 1956 à 1958. Aussi, entre 1956 et 1958, intervint-elle surtout sur les questions soulevées par la réforme de l’enseignement.

Ses interventions dans les congrès nationaux furent nombreuses durant toute la IVe République, s’inscrivant dans la ligne générale du parti et surtout dans celle de la fédération du Nord fermement tenue par Augustin Laurent. Elle participait à pratiquement toutes les réunions nationales du parti, au nom de la fédération du Nord et du comité des femmes socialistes. Ainsi, au conseil national du 9 juin 1946, elle revendiqua une meilleure place pour les femmes dans la SFIO. Elle fut candidate sans succès à la direction nationale au congrès de 1948, mais accéda au comité directeur de la SFIO l’année suivante et y siégea jusqu’en 1953. Elle appartint à de nombreuses commissions internes au parti : commission féminine nationale (1944-1951, 1961 et siégea à son bureau en 1948-1949), commission de propagande en 1946 (femmes), commission des Affaires internationales de la SFIO en 1950-1952. Elle anima encore la section santé publique et assistance de la commission nationale d’études, crée en 1953. Elle fut surtout responsable de la commission de la laïcité en 1950-1953, s’étant spécialisée dans cette question essentielle dans la propagande et la vie du parti, place qu’elle partageait avec Maurice Deixonne* et Andrée Viénot*.

Rompant avec Augustin Laurent et la majorité fédérale, elle fut de la majorité des parlementaires qui refusèrent le retour au pouvoir du général de Gaulle en juin 1958 et les institutions de la Ve République à l’automne, sans toutefois mener campagne pour le Non au référendum. Elle perdit son siège de député en novembre 1958. Lors des élections législatives dans la deuxième circonscription (Lille Sud et Sud-Ouest), elle recueillit 12 739 voix sur 51 575 inscrits. Devancée par l’UNR Duterne, elle refusa le désistement communiste en sa faveur, le considérant comme « offensant » car tous les candidats socialistes bénéficiaient pas d’un tel d’ésistement. Battue au second tour (12 038 voix), elle continua à jouer un rôle politique dans la fédération : elle fut signataire de la motion minoritaire Gazier* pour le congrès national d’Issy-les-Moulineaux, avec Arthur Notebart* et Robert Coutant*. Tous trois furent largement battus au congrès fédéral, puis au congrès national. Désormais, elle occupa une place secondaire dans le parti (elle fut la première non élue de la liste de candidats au comité directeur où elle s’était présentée en 1958) et à la fédération, d’autant qu’elle ne put se faire réélire au scrutin majoritaire aux élections législatives. En 1962, elle obtint 11 336 suffrages sur 53 003 inscrits et, après le désistement du candidat communiste, réunit plus que ses voix au deuxième tour (18 673 voix). En 1967, candidate de la FGDS, elle obtenait 10 559 voix sur 53 481 inscrits, et, après les désistements des candidats communistes et PSU, retrouvait les voix de ces deux candidats (19 610 voix). En 1968, le même scénario se reproduisit (9 195 puis 16 463 voix sur 52 332 inscrits). Par la suite, elle ne se représenta pas. Elle fut par contre réélue aux élections cantonales de juin 1961 et 1967. Lorsque Augustin Laurent connut des ennuis de santé au milieu des années 1960, elle fut souvent amenée à représenter la ville dont elle était première adjointe. Elle fut aussi membre du comité départemental de la FGDS en 1966.

Rachel Lempereur se montra réticente envers l’élargissement du Parti socialiste SFIO et défendait l’héritage de la vieille maison. Elle fut signataire d’une motion « fidélité et courage », conduite par Arthur Notebart pour le congrès d’Issy-les-Moulineaux en juillet 1969. Après les nouvelles orientations du Parti socialiste (congrès d’Issy-les-Moulineaux, 1969, d’Épinay-sur-Seine, 1971), Rachel Lempereur ne se reconnut plus autant dans son parti. Hostile au Programme commun de la gauche et au rapprochement avec le Parti communiste français, lors des élections cantonales de 1973, évincée par les sections socialistes cantonales, avec 5 voix seulement, elle maintint sa candidature contre le candidat PS, Gérard Thieffry. Elle fut en conséquence exclue du parti et nettement battue, avec 1547 suffrages contre 4440 à Thieffry. Elle se rapprocha alors du Mouvement démocrate socialiste de France animé par Max Lejeune*.

Rachel Lempereur, vénérable d’une loge du Droit Humain, puis d’une autre du Grand Orient de France, avait le soutien de la Loge « L’évolution morale » de Lille.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article117774, notice LEMPEREUR Rachel, Odile [née NUEZ Rachel, Odile] par Gilles Morin, version mise en ligne le 24 novembre 2010, dernière modification le 24 avril 2013.

Par Gilles Morin

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SOURCES : Arch.Nat., F/1cII/205, 270, 305, 313, 562, 703 ; F/1cIII/1304 ; CAC, 19770359/21. 20010525/1, dos 4595. — Arch. de l’OURS, autobiographies et dossier fédération du Nord. — Fondation Jean Jaurès, 12 EF 59. — Rapports des congrès de la SFIO, 1944-67. - Rapports de congrès fédéraux du Nord, 1945-1967. — Bulletin Intérieur de la SFIO, n° 35, 39, 46, 108. — Documentation politique, 13/7/1950. — La Femme socialiste, 1933-1939 — Tribune des femmes socialistes, n° 40, novembre-décembre 1939. — La Documentation socialiste n° 198, juin 1969. — Presse syndicale. - Site Internet de l’Assemblée nationale. - Le Monde, 10 octobre 1980. ¬ — État civil de Lille. — Notice du DBMOF, de Michel Dreyfus et Justinien Raymond. — Renseignements fournis à Jacques Girault en 1976.

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