LE SÉNÉCHAL Louis, Charles, François

Par Yves Le Maner, Gilles Morin, Claude Pennetier

Né le 2 octobre 1910 à Berck-sur-Mer (Pas-de-Calais), mort le 2 mars 1977 à Suresnes (Hauts-de-Seine) ; instituteur ; militant socialiste, syndicaliste et résistant ; conseiller général de Marquise (1937-1940, 1945-1976) ; président du conseil général (1946-1954) ; maire de Marquise (1945-1977) ; député du Pas-de-Calais (1951-1955 ; 1967-1968 ; 1973-1977) ; conseiller régional du Nord-Pas-de-Calais (1973-1976).

Louis Le Sénéchal, fils de Léon et d’Irma Grison, domestiques, fut élève à l’École normale d’instituteurs d’Arras, où il obtint le brevet supérieur, puis fut instituteur public, nommé à Marquise. Il milita très jeune au Parti socialiste SFIO et à la CGT. Syndicaliste enseignant, il soutint activement les grèves des métallurgistes et des carriers de 1934 à 1936. Secrétaire de l’Union locale des syndicats confédérés de Marquise depuis 1936, il obtint un premier mandat de conseiller général du canton de Marquise (Pas-de-Calais) d’octobre 1937 à 1940 et était secrétaire de la section de Marquise en 1939.

Bien que réformé en 1930, Le Sénéchal fut mobilisé en septembre 1939 comme deuxième classe. Démobilisé dans le Lot, après l’armistice, il y enseigna à Promilhanes, puis en juin 1941, pour son hostilité au régime de Vichy, fut déplacé à Peyrilles. Il devint un actif résistant, avec un parcours original pour un socialiste, en étant membre du Front national. Dans le Lot, il combattit dans un maquis, dans le cadre des FTPF, étant chef d’une compagnie statique. Selon Dominique Veillon, il aurait aussi été membre du mouvement Franc-Tireur (Franc-Tireur, un journal clandestin, un mouvement de Résistance 1940-1944) et selon les Renseignements généraux aurait appartenu au parti socialiste clandestin.

Rentré en février 1945 à Marquise, Le Sénéchal, qui avait repris un poste à Rinxent, occupa rapidement une place de premier plan dans le Parti socialiste SFIO de son secteur. Alors que la SFIO était traditionnellement puissante dans le bassin minier et dominé par les figures classiques des députés mineurs, la guerre amena, comme l’a montré Frédéric Sawicki, un rééquilibrage au niveau départemental et un changement sociologique, avec une domination d’une nouvelle génération issue des écoles normales, déjà active avant la guerre. Celle-ci était conduite par Guy Mollet* qui dominait le secteur d’Arras, Le Sénéchal, avec Henri Henneguelle de Boulogne, représentant les progrès socialistes sur le littoral. Ancien résistant, syndicaliste, intégré dans les réseaux laïcs, il fut nommé secrétaire de la section de Marquise de 1945 jusqu’en novembre 1952, membre du bureau fédéral en 1945 puis de la commission exécutive de la fédération socialiste SFIO du Pas-de-Calais en 1947-1956 et du bureau fédéral en 1967. Mais Le Sénéchal s’imposa surtout par ses fonctions électives, pratiquant comme beaucoup de ses camarades un cumul remarquable de fonctions, tout d’abord au plan départemental. Maire de Marquise (ville d’un peu moins de 5000 habitants), sans discontinuité de 1945 à 1977, il était réélu avec sa liste au premier tour à chaque renouvellement municipal à partir de 1953. Il fut président du syndicat intercommunal d’adduction d’eau de Marquise, membre du comité du bassin Artois-Picardie et membre de la commission administrative des maires du Pas-de-Calais.

Louis Le Sénéchal retrouva son siège de conseiller général SFIO du canton de Marquise en 1945 et fut régulièrement réélu au premier tour jusqu’en 1976 (année où il ne se représenta pas). Il occupa des fonctions majeures dans l’assemblée départementale : membre de la commission départementale en octobre 1945, il succéda à Guy Mollet comme président du Conseil général le 16 septembre 1946, conservant cette fonction jusqu’au moment de la crise de la Communauté européenne de défense en 1954. Il était par ailleurs sur le plan national vice-président de l’association des présidents de conseils généraux en 1951. Il s’impliqua dans l’intercommunalité, en présidant le syndicat intercommunal d’adduction d’eau de la région de Marquise, comme membre du comité du bassin Artois-Picardie et administrateur de l’Agence financière du bassin Artois-Picardie.

Louis Le Sénéchal fut aussi un élu national sous les IVe et Ve Républiques. Candidat à la première Assemblée constituante en octobre 1945 (3e de liste, qui eut deux élus) et aux élections législatives de novembre 1946, Le Sénéchal entra à l’Assemblée nationale le 17 juin 1951 comme représentant socialiste de la première circonscription du Pas-de-Calais (tête de liste devant Henri Henneguelle). Il appartint aux commissions des moyens de transports et du tourisme, du suffrage universel, des lois constitutionnelles, du règlement et des pétitions. Il fut désigné, par la commission des moyens de communication et du tourisme, pour faire partie de la commission de coordination chargée des questions relatives à la Communauté européenne du charbon et de l’acier. Il se montra un député très actif, notamment sur les questions des personnels des voies navigables et du personnel naviguant de l’aéronautique civile. Militant socialiste discipliné dans l’ensemble, Le Sénéchal vota avec son groupe, mais, contre les décisions des congrès du parti, s’opposa, comme la majorité des députés socialistes au projet de CED. Il se prononça en faveur de la question préalable opposée par Édouard Herriot et le général Aumeran à la discussion de la ratification de la CED, le 30 août 1954, vote qui entraîna le rejet du traité.

Dès le lendemain du vote, Louis Le Sénéchal écrivit à la commission exécutive fédérale pour lui remettre les mandats électifs « qui lui ont été confiés », y compris son mandat parlementaire. Le jour du débat, il se présenta devant le CEF pour expliquer ses motivations. Il précisa immédiatement qu’il n’avait « participé à aucune réunion de tendance ». Le Sénéchal qualifiait son indiscipline comme « plus répréhensible que celle des autres indisciplinés, en raison de son engagement pris solennellement au cours du congrès fédéral extraordinaire ». En conclusion, il proposa lui-même au parti de le relever de ses mandats électifs, principalement celui de président du Conseil Général, et de donner un avis favorable aux sanctions. Après délibération, la CEF décida de le remplacer aux fonctions de président du conseil général, mais décida, « tenant compte de son attitude, de lui accorder les circonstances atténuantes ». À l’assemblée départementale, le porte parole de l’opposition rendit hommage « à l’impartialité, à la bonhomie, à l’autorité », et à son « sens de la collectivité et au sens du département » dont il n’avait cessé de faire preuve. Le sénateur Durieux* lui succéda. Dix ans plus tard, il fut en 1964 élu président de la commission départementale, jusqu’en avril 1967, où il dut abandonner cette fonction pour incompatibilité avec le mandat parlementaire.

En 1956, pour raisons de santé et sa femme étant également malade, il ne demanda pas le renouvellement de son mandat et reprit un poste d’enseignant, détaché au bibliobus jusqu’en 1965. Il se représenta sans succès au scrutin d’arrondissement en 1958 et novembre 1962 (comme simple suppléant de Henri Henneguelle). Candidat titulaire en 1967 dans la même 6e circonscription (Boulogne-Sud), après avoir obtenu 18 108 puis 24 575 voix sur 56 788 inscrits, il fut élu député en battant le député sortant, Henri Collette, UDR, qu’il devança de 234 voix au deuxième tour, avec un total supérieur aux voix de gauche, après avoir rassemblé 32,9 % des suffrages au premier tour. Il siégea dans le groupe de la FGDS. Son suppléant était le général de brigade de réserve, Jules Delaire qui avait été chef régional de l’Armée secrète. Battu en juin 1968, dès le premier tour par Collette, obtenant 16 088 voix sur 56 632 inscrits, il retrouva son mandat en mars 1973, l’emportant de 878 voix sur Collette. Arrivé en deuxième position au premier tour derrière le candidat UDR, Henri Collette (17 083 suffrages contre 21 336 sur 60 192 inscrits), il l’emporta au second tour avec 26 457 suffrages sur 52 036 exprimés, grâce au désistement des autres candidats de gauche. Pour sa part, tout en approuvant le programme commun, il ne se départit pas d’une réserve vis-à-vis des communistes. Il appartint à la commission des lois de l’Assemblée et fut désigné comme conseiller de la mise en place de l’assemblée régionale en 1973 à 1976.

Tout au long de sa vie, Louis Le Sénéchal s’impliqua dans l’animation de la vie associative, culturelle et sportive locale et il fut membre du conseil académique de l’académie de Lille. Il a par ailleurs été président en 1964 du comité départemental du tourisme.

Il décéda des suites d’une longue maladie à l’hôpital Foch de Suresnes. Dès 1975, il avait annoncé son intention de ne pas se représenter et avait travaillé pour que son suppléant, Dupilet, lui succède dans son mandat parlementaire qu’il devait conserver près de 25 ans et Georges Carpentier dans son mandat à l’assemblée départementale.

Après sa mort, dans son éloge funèbre prononcé à l’Assemblée nationale le 12 avril 1977, Edgar Faure le décrivait ainsi : « Il était un des Français à être restés fidèles à ce béret, naguère encore considéré comme un symbole national. Sa pipe, ses lunettes et son sourire discret, son verbe direct quoiqu’économe, la franchise de son caractère (...) suscitaient l’attachement. » Durant quarante années, il avait occupé des postes électifs et marqué la vie politique locale et départementale.

Chevalier de la Légion d’honneur depuis 1947, chevalier du mérite social, il avait épousé le 21 décembre 1935 à Calais, Lucienne Rembotte, née le 29 janvier 1912 à Calais (Pas-de-Calais), sans profession. Ils eurent deux enfants.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article118215, notice LE SÉNÉCHAL Louis, Charles, François par Yves Le Maner, Gilles Morin, Claude Pennetier, version mise en ligne le 24 novembre 2010, dernière modification le 30 juillet 2012.

Par Yves Le Maner, Gilles Morin, Claude Pennetier

SOURCES : Arch. Nat., F/1cII/112/B, 279, 284, 452, 562, 671, F/1cIV/154 ; CAC, 19770359/21 et 26, 19780654/59, 19830172/72. — Arch. OURS, dossiers Pas-de-Calais ; AGM 118. — Arch. FJJ/6EF73/2. — L’Espoir, 21 avril 1963. — Éloge funèbre prononcé par Edgar Faure, le 12 avril 1977. — Profession de foi aux élections législatives de 1945. — Rapports des congrès de la SFIO, 1944-1967. — Rapports des congrès de la fédération SFIO du Pas-de-Calais, 1945-1967. — J. Derville, La Fédération socialiste SFIO du Pas-de-Calais, 1944-1969, thèse d’études politiques, Paris, FNSP, 1970. — Renseignements communiqués par P. Pollet, maire de Marquise. — Notes de Jacques Girault.

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