Par Claude Pennetier, Justinien Raymond
Né et mort à Paris (XIVe et XXe arr.) : 2 avril 1892-18 octobre 1974 ; ouvrier mécanicien puis agent commercial ; conseiller municipal socialiste du XXe arr. de Paris (1923-1944).
Issu d’une famille modeste du quartier de Charonne (son père était ouvrier peintre et sa mère passementière), Maurice Levillain fut élevé au patronage laïque de la coopérative " La Bellevilloise ". Il adhéra à seize ans aux Jeunesses socialistes de la Seine, puis au Parti socialiste SFIO. En 1913, il accomplit son service militaire dans le corps des sapeurs-pompiers de Paris. En 1914, il demanda à être versé dans l’aviation comme mécanicien, puis devint pilote. Maurice Levillain se maria, le 19 juillet 1917, avec Jeanne Reisz, couturière, fille du conseiller municipal de Paris (XXe arr.), Eugène Reisz. Affecté à une escadrille de chasse de l’armée d’Orient, il fut fait prisonnier fin 1917 et resta interné à Sofia jusqu’à la fin des hostilités. Rentré dans ses foyers, il fut chargé, peu après par une grosse entreprise industrielle, de réorganiser des raffineries de cannes à sucre aux Antilles, à La Guadeloupe, comme agent commercial selon son propre témoignage dans Nos Édiles. Il semblerait qu’ouvrier mécanicien, il fut encore en 1923 contremaître et chef d’atelier de garage à la maison Laffly.
Démobilisé, il reprit ses activités militantes au Parti socialiste où il demeura après la scission de Tours (décembre 1920). Nommé secrétaire du groupe socialiste de Charonne, il fut élu, le 4 novembre 1923, conseiller municipal de son quartier par 3 500 voix contre 641 au candidat radical et 262 à celui de l’Entente républicaine. Il succédait à André Marty, invalidé et reprenait le siège detenu de 1912 à 1921 par son beau-père Eugène Reisz. " Je puis être fier, écrivait-il, en 1930, à Jean Zyromski, d’être celui qui a emmené la première victoire socialiste dans un quartier ouvrier de Paris depuis la scission de Tours. " Son rôle était mis en cause par la Fédération de la Seine qui lui reprochait de mener une politique personnelle faite de compromis et de compromissions : pour lui le mal venait de la politique suivie par la Fédération qui avait le tort de ne pas combattre " à fond le bolchevisme " (lettre à Jean Zyromski).
Réélu le 3 mai 1925, au premier tour avec 4 886 voix, il devança largement le candidat communiste Pierre Semard qui recueillit 2 768 voix. Aux élections générales du 5 mai 1929, il devança le nouveau candidat communiste Guérard (4 683 voix contre 2 682) et fut élu au premier tour. Il devint secrétaire du conseil municipal. En 1932, il organisa la campagne de [ Marcel Déat dans le XXe arr., en s’occupant en particulier du service d’ordre. Il quitta la SFIO en 1933 pour le Parti socialiste de France et fut réélu sous cette étiquette lors des élections le 5 mai 1935, contre le candidat communiste Jean Chaintron, il obtint 3 371 voix contre 2 759 à son adversaire au second tour. Au début de l’année 1938, il adhéra au Comité France-Allemagne et fut favorable aux accords de Munich. Dans le XXe arr., il fut président de l’Association sportive La Jeunesse ouvrière du XXe, situé rue Malte-Brun.
Franc-maçon, il présida, dans les années trente, la 6e commission du conseil général et fut également vice-président du conseil général de la Seine en 1935-1936, puis président.
Levillain fut maintenu au conseil municipal par le gouvernement de Vichy. Le 25 janvier 1941, il souscrivit une déclaration affirmant qu’il avait abandonné la franc-maçonnerie en 1933, après y être entré en 1922, mais le Bureau de recherches maçonniques à la Vice-présidence du Conseil découvrit la preuve qu’il payait encore en 1940 ses cotisations à la loge Clargé du Grand-Orient de France.
Il suivit Marcel Déat, rallia dès sa fondation le Rassemblement national populaire né dans Paris occupé et en devint vice-président. Il fut nommé membre du Comité d’action d’entraide d’hiver du maréchal. Après avoir été chargé de la création de soupes populaires en banlieue et de leur approvisionnement, ainsi que de la répartition du charbon, il se vit désigné comme contrôleur général du secours national, entraide d’hiver. Il exerça jusqu’à la Libération, les fonctions de secrétaire général du Secours national pour la région parisienne.
Il protesta contre sa radiation de la liste du conseil municipal en octobre 1941 et fut finalement maintenu grâce à ses amis politiques qu’il fit intervenir : Georges Bonnet, Pierre Laval.
Arrêté le 14 septembre 1944 par la Brigade spéciale de la direction de la Police judiciaire, écroué au dépôt le 3 novembre puis transféré à Fresnes, il fut traduit devant la Haute-Cour de justice, convaincu d’avoir servi l’occupant, il fut condamné aux travaux forcés à perpétuité et à la confiscation de ses biens. Il fut emprisonné à Clairvaux, jusqu’en 1951 puis à Fontevrault. Le 20 mars 1951, sa peine est commuée à vingt ans. Gracié, il se retira de la vie politique à sa sortie de prison.
Père de deux filles, il mourut à Paris le 18 octobre 1974.
Par Claude Pennetier, Justinien Raymond
SOURCES : Arch. Dép. Seine, D3 M2 n° 4. — Arch. J. Zyromski (CRHMSS). — Le Temps, mai 1925, mai 1929, mai 1935. — Le Figaro, 22 juin 1946. — Le Monde, 29 juin 1946. — Le Conseil municipal : nos édiles. Annuaire illustré, 1926, 1933, 1937. — H. Coston, Dictionnaire de la politique française, t. III, 1979. — État civil. — Henry Coston, Partis, journaux et hommes politiques français, n° spécial de Lectures françaises, décembre 1960. — Marcel Déat, Mémoires politiques, Denoël, 1989.