LÉVY Pierre, Léon, Nephtali. Pseudonyme : VÉRON Pierre

Par Odette Hardy-Hémery

Né le 24 avril 1922 à Paris (Ier arr.), mort le 11 juin 2004 à Valenciennes (Nord) ; commerçant, représentant, directeur de société ; militant communiste et syndicaliste du Nord ; résistant.

Pierre Lévy
Pierre Lévy

Pierre Lévy appartenait à une famille d’origine juive, française depuis avant la Révolution française. La branche maternelle était parisienne, la branche paternelle depuis des générations, alsacienne : les Lévy quittèrent l’Alsace en 1870 pour rester Français. Son grand-père maternel, Nephtali Weill, officier dans l’armée française pendant l’affaire Dreyfus, fut tué comme capitaine en octobre 1914 dans le Pas-de-Calais. Les deux branches de la famille étaient animées d’un ardent patriotisme depuis l’époque révolutionnaire et le père de Pierre Lévy, André Moïse Lévy, combattit toute la guerre de 1914-1918, fut blessé et démobilisé en 1918. Après son départ de France en 1940, il s’engagea en 1942 dans les Forces Françaises Libres au Maroc (corps francs d’Afrique) après la libération du pays par les Américains, pour aller combattre en Tunisie. Le grand-père maternel, Nephtali Weill, tenait une fabrique de cravates tandis que le grand-père paternel, Félix Lévy, était commerçant en nouveautés à Valenciennes. Ce dernier fut emmené comme otage en Allemagne en 1914 et sa femme, Mathilde Stein, fut alors emprisonnée pour injures et refus de vendre aux Allemands. Les deux oncles paternels de Pierre Lévy, officier et sous-officier de l’armée française, furent tués en 1915 et 1916 ; ils reçurent la Médaille militaire et la Légion d’honneur. Son troisième oncle, Jean Lévy, fuit la zone occupée du Nord en 1917 à seize ans pour s’engager dans l’armée française dans l’aviation à Paris ; pendant la Seconde Guerre mondiale, combattant de la résistance FTP, il fut arrêté en 1944 et mourut en déportation.

La mère de Pierre Lévy, Suzanne Brunette Weill, fut écrivain sous le nom de Steil et spécialiste de la Révolution française, puis devint commerçante à Valenciennes avec ses beaux-parents dont elle reprit le magasin en 1934. Membre du Parti socialiste, elle en démissionna en 1938, considérant que « le parti socialiste était le dernier rempart du capitalisme ». Elle milita dans le Nord au Comité des femmes contre la guerre et le fascisme et anima avec ses enfants, Marcelle Lévy, née le 18 décembre 1918 et Pierre Lévy, le comité des femmes du Valenciennois pour l’aide des femmes à l’Espagne républicaine. Lorsqu’elle quitta la France en 1940 avec sa famille, elle s’engagea dès 1942 dans les services réceptionnant au Maroc les évadés de France par l’Espagne.

Le père de Pierre Lévy, André Lévy, franc-maçon, membre du Parti socialiste à Paris (où il résidait pour s’occuper de son affaire, venant en fin de semaine à Valenciennes), en fut exclu en avril 1938 avec la fédération de la Seine pour appartenance à la tendance Marceau Pivert. La famille de Pierre Lévy était de sensibilité de gauche et très attachée aux idéaux de la révolution française ; depuis la génération des grands-parents, les Lévy étaient athées et ne participaient pas à la communauté cultuelle de Valenciennes. En 1933, à onze ans, Pierre Lévy vint habiter à Valenciennes avec sa mère, tenant le " coin de rue ", et sa sœur. Tous vécurent activement les événements de 1936 et soutinrent financièrement l’aide à l’Espagne républicaine.

Pierre Lévy reçut sa formation primaire à l’école publique à Paris. Arrivé à Valenciennes, il entra au lycée Wallon puis au collège municipal d’Armentières, et enfin au collège municipal de Saint-Amand-les-Eaux. Il passa son CAP de menuisier en 1938, la première partie du baccalauréat en 1940, la seconde partie en 1942 au Maroc. Ses parents et lui-même furent au comité de Front populaire de Valenciennes, lui-même en tant que président des Jeunesses socialistes de la ville de Valenciennes et responsable pour la Jeunesse de la LICA avec Bernard Lecache. Avec sa sœur Marcelle, il créa le comité des loisirs et les Auberges de jeunesse de la ville. Pierre Lévy démissionna du Parti socialiste après le discours de Léon Blum sur la non-intervention en Espagne. Il tenta de s’engager comme volontaire à quinze ans dans les Brigades internationales mais en fut refoulé pour son jeune âge.

De septembre 1939 à mai 1940, la famille vécut à Issoudun et Pierre Lévy reprit ses études au lycée Potier de Paris replié à Orléans (Loiret) ; il fit, dans cette ville, sa préparation militaire supérieure avec spécialisation char. Le maire d’Orléans, Claude Lévy, cousin d’André Lévy, était à cette époque chef de cabinet du ministre de l’Intérieur. La famille ne revint pas à Valenciennes et s’embarqua en juin 1940 à Bordeaux à destination de l’Angleterre, mais, du fait des circonstances, le bateau fut détourné vers le Maroc. Motif de ce départ : les parents de Pierre Lévy appartenaient à un organisme permettant aux Juifs évadés d’Allemagne de partir en Angleterre ou aux États-Unis ; ils connaissaient donc le sort fait aux Juifs en Allemagne. Grâce à l’intervention de Claude Lévy, ils purent embarquer sur le dernier bateau quittant la France avant l’occupation de Bordeaux.

La famille Lévy se fixa à Casablanca. Pierre Lévy reprit ses études en vue de la seconde partie du baccalauréat au lycée Lyautey et y déchira publiquement la photo du maréchal Pétain, le 14 décembre 1940. Il fut arrêté le 17 décembre et libéré quelques jours après par une intervention occulte de la Résidence dont le représentant était en 1914-1918 un agent du deuxième bureau. Presque immédiatement, Pierre Lévy fut contacté par les représentants de la France libre et signa le 1er janvier 1941 son engagement comme agent des services de renseignements, groupe Simonnet. Il fit du renseignement pendant deux ans et demi et passa sa seconde partie de baccalauréat en candidat libre. Il pratiquait l’athlétisme à titre individuel, ayant été exclu de son club sportif après l’affaire de la photo de Pétain et fut champion d’Afrique du Nord. Après le débarquement américain, Pierre Lévy, faisant du renseignement, fut arrêté par la police mais, grâce à une confusion de nom (il présenta les papiers de Pierre Lévy et non ceux de Pierre Véron), il fut immédiatement libéré. Sa sœur, à la même époque, s’engagea dans l’armée française au service des transmissions. Pierre Lévy était chargé de détecter les officiers de l’armée française pétainistes dans le centre d’instruction militaire du 1er chasseur d’Afrique puis au 1er régiment de marche des tirailleurs marocains. A nouveau sur le point d’être arrêté, il rejoignit les Forces Françaises Libres en Tripolitaine ; au cours de ce transfert, arrêté à Alger, il réussit à rejoindre des permissionnaires de la France libre et se heurta à la gendarmerie française à Maison Carrée. Il participa aux combats en Tunisie avec la colonne Leclerc, se réengagea de nouveau en avril 1943 dans les Forces Françaises Libres. Dans l’intervalle, il fut condamné par le tribunal militaire des Forces armées du Maroc pour désertion.

En Tripolitaine, Pierre Lévy fut d’abord secrétaire du chef d’état-major de Leclerc à la 2e DFL qui allait devenir la 2e DB, puis fut muté à sa demande à la 1ère compagnie de chars, son unité d’affectation d’origine. Il participa à la formation du 501e RCC (régiment de chars de combat), à la formation de la 2e DB. Pierre Lévy fit des stages dans l’armée américaine, fut instructeur chars, embarqua pour l’Angleterre fin mars 1944. Il débarqua en France à Sainte-Mère-Église (Manche) le 31 juillet 1944 comme chef démineur. Après des premiers combats, il participa à nouveau à la lutte sur un char (campagnes de Normandie, de Paris, des Vosges, de Strasbourg, d’Alsace et d’Allemagne jusqu’à Berchtesgaden) et fut blessé pendant la campagne. Il fut hospitalisé au Val-de-Grâce pour maladie coloniale pendant deux mois et fut démobilisé en décembre 1945 comme étudiant : il avait vingt-quatre ans et s’était engagé à dix-huit ans. Il était titulaire de la Croix de guerre, de la Croix de combattant volontaire de la résistance, etc.

Pierre Lévy reprit alors pendant huit mois ses études de Lettres à Paris puis, à la demande de ses parents, revint à Valenciennes pour s’occuper de la reconstruction des biens de famille détruits et pour remonter le commerce familial dont il s’occupa jusqu’en 1967 pour devenir voyageur représentant de commerce d’Odéon-Diffusion de 1967 à 1990. Il avait adhéré en 1943 au Parti communiste et forma avec des camarades une section du PC au sein de l’armée française. Dès sa démobilisation, il reprit contact avec le parti à Paris. Membre du comité de section du VIe arr., il devint responsable de la fédération de la Seine de l’UJRF dès sa formation avec Pierre Hervé. Après son rappel à Valenciennes par ses parents, il devint membre du Parti communiste, cellule Devos de Valenciennes, secrétaire de section puis créa la cellule Joliot-Curie au faubourg de Paris lorsqu’il acheta une maison dans ce quartier. Pierre Lévy suivit les écoles élémentaire, fédérale et centrale du parti (Paris, 1963), fut conseiller municipal à Valenciennes de 1949 à 1959 et porte-parole du groupe communiste. Il participa surtout depuis 1949 à la fondation et à l’animation du Mouvement de la paix : il fut membre du bureau national de ce mouvement de 1950 à 1990. Il organisait des conférences dans le Nord-Pas-de-Calais, le Valenciennois, la Somme surtout après le IIe Congrès mondial de la paix à Varsovie en 1950 et fut arrêté pour ces actions à Valenciennes. Il fut aussi membre du MRAP dès sa fondation dans les années 1950, membre du secrétariat départemental des échanges franco-allemands, président du Comité d’amitié Valenciennes-Marly-Weimar, responsable de colonies de vacances en RDA, tout ceci pendant une vingtaine d’années. Il fut pendant trois ans membre du bureau national de l’ANACR et vice-président de l’Union française des Anciens combattants à Valenciennes de 1960 à 1975. Membre fondateur du MNLE (Mouvement national de lutte pour la défense de l’environnement), il appartint au secrétariat départemental et au bureau national.

Au plan professionnel, Pierre Lévy fut vice-président de l’Union du commerce de Valenciennes pendant dix ans. En outre, il fut défenseur prud’homal CGT de 1978 à 1988, conseiller prud’homal de 1988 à 1998. Il fut délégué du personnel à Odéo-Diffusion de 1967 à 1990, membre du bureau national CGT-VRP durant la même période, du bureau interdépartemental des VRP de 1986 à 1996. À partir de 1992, il fut responsable de la section Union générale des Ingénieurs techniciens et cadres de la CGT du Valenciennois et continua sa tâche d’éducateur dans le cadre de la CGT.

En dépit de ses multiples activités, Pierre Lévy, qui avait suivi les cours d’une école supérieure de commerce, attachait beaucoup d’importance à la culture. Il suivit en candidat libre les cours de l’École du Louvre en 1948-1949. D’une famille d’artistes, il était le petit-neveu de Berthe Weill qui participa activement à la promotion de tous les jeunes peintres modernes : Picasso, Modigliani, Valadon, Charmi, Capon, Utrillo, Mouilleau, Foujita, Dufy, Makowski, Van Dongen. Sa sœur, Marcelle Lévy, bachelière, fut reçue à l’École nationale des Arts Décoratifs. Artiste-peintre, elle fut membre du bureau du Salon des Indépendants, exposa dans toute la France, à Pékin, à Moscou, dans les salons internationaux, vendit des toiles en Amérique. Elle termina sa carrière comme institutrice. Pierre Lévy quant à lui fut critique d’art pendant de nombreuses années dans des revues et journaux, notamment dans Liberté.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article118442, notice LÉVY Pierre, Léon, Nephtali. Pseudonyme : VÉRON Pierre par Odette Hardy-Hémery, version mise en ligne le 24 novembre 2010, dernière modification le 8 novembre 2022.

Par Odette Hardy-Hémery

Pierre Lévy
Pierre Lévy
Président de l'UFAC pendant un discours
Président de l’UFAC pendant un discours
Archives familiales.
Pierre Lévy dans les Forces Françaises Libres
Pierre Lévy dans les Forces Françaises Libres
Archives familiales.

ŒUVRE : Collaboration à Le Chemin le plus long, chronique de la Compagnie des chars de combat du général de Gaulle (1940-1945), ouvrage collectif, Paris, Éd. Maisonneuve et Larose, 1997.

SOURCES : Arch. Union locale CGT de Valenciennes. — Arch. prud’homales. — Arch. personnelles de l’intéressé. — Arch. familiale.

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