LHOSPIED Jean [LHOSPIED Élie, Jean]

Par Michel Blondan, Gilles Morin

Né le 11 février 1900 à Pougues-les-Eaux (Nièvre), mort le 25 mai 1983 à Nevers (Nièvre) ; instituteur, puis directeur du Journal du Centre ; sénateur socialiste de la Nièvre (1967-1974).

Jaen Lhospied
Jaen Lhospied
Sénateur

Fils de Jacques Lhospied, maçon, et de Marie, née Joulin, Jean Lhospied fréquenta l’École normale d’instituteurs de Varzy (Nièvre), et devint instituteur puis directeur d’école. Il épousa le 18 avril 1922 à Guérigny (Nièvre) Marie, Louise, Lucile Machecourt, institutrice. Il enseigna à Champvert (Nièvre) du 1er octobre 1931 jusqu’à sa mobilisation en septembre 1939.

Il milita à partir de 1930 au Syndicat national (CGT) puis au Syndicat national des instituteurs et surtout au Parti socialiste SFIO dont il fut secrétaire fédéral en 1936 et 1937, avec, à ses côtés des hommes comme Léon Dagain et Henri Gamard. Sa femme et lui avaient sympathisé avec le Mouvement des « 22 » en 1930-1931 (voir Maurice Chambelland), en faveur de l’indépendance et de l’unité syndicales.

Jean Lhospied fut mobilisé le 5 septembre 1939 à la base aérienne d’Istres (Bouches-du-Rhône) comme sergent pilote et démobilisé à Decize (Nièvre) en juillet 1940. À la rentrée scolaire suivante, il reprit ses fonctions enseignantes à Champvert.

Il participa à la Résistance au sein du Comité d’action socialiste et du mouvement « Libération-Nord ». Il fut aussi en contact avec le Front national, mais se retrouva en désaccord avec certains de ses buts. Jean Lhospied avait été recruté très tôt, en 1941 affirmait-il, par Georges Lapierre (lui-même ayant été arrêté le 2 mars 1943) qui l’encouragea à faire de la propagande tout en lui confiant une mission d’organisation des syndicalistes nivernais. Une fois le mouvement « Libération » mis en place, et comme Champvert n’est guère éloigné de Nevers, Jean Lhospied et ses camarades fusionnèrent très naturellement avec leurs homologues du groupe de Pierre Gauthé. Au début de 1943, un courant d’opinion socialiste commença à se manifester dans le département et la propagande prit plus d’ampleur. En juillet 1943, Jean Lhospied, assisté d’un ancien élève, Marcel Perrin, fonda La Nièvre Libre, un journal d’abord ronéotypé au Moulin de la Fougère, proche de Champvert, chez M. Clément, dont la périodicité se voulait mensuelle. Puis après la visite des Allemands au Moulin, l’imprimeur Pierre Benoist, de Saint-Pierre-le-Moutier, prit le relais. Les premiers numéros de La Nièvre Libre circulèrent probablement sous le manteau entre militants sûrs (souvent membres du SNI) car on n’en trouva nulle trace dans les rapports de police. Outre Jean Lhospied, alias « Dubois », Jean Clément, Marcel Perrin, les rédacteurs-compositeurs connus furent Pierre Gauthé, Marcel Civade et G. Bachaud, les époux Bachaud étant, par ailleurs, diffuseurs du Populaire clandestin.

Jean, Guy Lhospied, son fils unique, né le 25 mars 1923 à Guérigny (Nièvre), élève-ingénieur à l’Ecole des Travaux publics de Paris, assurait les liaisons entre la Nièvre et Paris, mais il fut arrêté par la police allemande à Paris fin 1943, puis déporté en Allemagne où il mourut.

La Nièvre Libre parut jusqu’en juin 1944, date à laquelle Jean Lhospied et Pierre Gauthé rejoignirent le maquis Bernard, de Montsauche-les-Settons, dans la Nièvre, aux confins de la Côte-d’Or et de l’Yonne.

À la Libération, alors que son ami Pierre Gauthé en était le président, Jean Lhospied était l’un des trois vice-présidents du Comité départemental de Libération, comme délégué du mouvement « Libération » et représentant de la presse clandestine. Lhospied se vit confier la direction du Journal du Centre — le successeur de La Nièvre libre et le bénéficiaire des biens et actifs de l’ex-journal collaborationniste Paris-Centre, selon une décision prise par le CDL le 10 août 1944 et une ordonnance préfectorale du 23 septembre 1944. À ses côtés, se trouvaient le socialiste Edmond Nessler et, comme rédacteur en chef, l’écrivain Charles Exbrayat après 1945. Il appela les instituteurs comme correspondants locaux. La question de la direction du journal fut très discutée dans le CDL, notamment par Jourdain, communiste représentant du Front national.

Le journal devint une société anonyme le 26 décembre 1946, Lhospied étant confirmé comme directeur. Alors que beaucoup de journaux issus de la Résistance ne survécurent au mieux que quelques années, Le Journal du Centre s’imposa dans le département et dans une partie de la région et atteignit un tirage de 47 000 exemplaires en 1967, année où la carrière politique de Lhospied s’affirma. Le journal passa en 1968 sous la responsabilité financière de Centre-France de Clermont-Ferrand qui publiait La Montagne. Ce quotidien tenta de s’implanter, mais admit la popularité auprès de la population locale du Journal du Centre. En 1970, Jean-Louis Servan-Schreiber lui succéda à la direction du Journal du Centre. Celui-ci poursuivit sa diffusion et en 2012 restait l’un des survivants de la presse issue de la Résistance.

Jean Lhospied occupa aussi d’importantes fonctions dans la presse nationale. En 1955, vice-président et directeur du bureau de la commission paritaire de la carte des journalistes, il était aussi vice-président de l’Office national de sondages et d’études de presse en 1954-1960 et fut nommé administrateur du Syndicat national de la presse quotidienne régionale en 1958.

L’orientation du quotidien régional par Jean Lhospied resta très fidèle à la SFIO, avec l’appui des instituteurs du SNI jusqu’en 1968, qui réussit à tenir toujours à la marge François Mitterrand*, concurrent local de la fédération socialiste de la Nièvre. Surtout patron de presse, Lhospied n’en restait pas moins un militant actif. Il fut ainsi chargé d’examiner les comptes du Populaire lors du congrès national de 1948. Il participait toujours aux instances fédérales dans la Nièvre (membre de la commission exécutive fédérale en février 1949, puis, après une interruption, en décembre 1951-1953) et représentait souvent la fédération dans des congrès nationaux.

En 1967, le directeur du Journal du Centre fut élu sénateur de la Nièvre lors d’une élection partielle consécutive à l’élection de Daniel Benoist à l’Assemblée nationale. Siégeant à la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, il fut un actif parlementaire et défendit plusieurs projets de loi. Il était aussi souvent choisi par son groupe pour présenter ses positions sur les questions d’information, intervenant régulièrement notamment lors des discussions budgétaires de l’ORTF ou pour la défense des intérêts de son terroir.

Jean Lhospied ne se représenta pas au renouvellement sénatorial de 1974 et le socialiste Fernand Dussert fut élu sénateur.

La commune de Champvert attribua à l’une de ses rues le nom de « Jean Lhospied ». Une plaque apposée sur le mur de l’école rappelait que le fils de son directeur était mort en déportation.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article118503, notice LHOSPIED Jean [LHOSPIED Élie, Jean] par Michel Blondan, Gilles Morin, version mise en ligne le 24 novembre 2010, dernière modification le 3 mai 2021.

Par Michel Blondan, Gilles Morin

Jaen Lhospied
Jaen Lhospied
Sénateur

SOURCES : Arch. Nat., F/1a/3215 et 3240 ; F/7/15579 ; 19860510/62. AN, 72AJ 168 (Nièvre), notamment : A.V.13 (Notes fragmentaires sur les débuts du mouvement « Libération » dans la Nièvre, par J. Lhospied, directeur du Journal du Centre), A.V.14 (Renseignements donnés par Mr. Gauthé, ancien chef de « Libération », ancien président du CDL de la Nièvre). — Bulletin Intérieur de la SFIO, n° 35. — Archives de l’OURS, dossiers Nièvre. — Sénat, Notices et Portraits 1963, Paris, Imprimerie nationale, mars 1963. — Le Populaire, 19 mai 1937. — Le Cri du Peuple, 21 janvier 1931. — Le Monde, 29-30 mai 1983. — DBMOF, notice par Jean Maitron. — Notice biographique, site du Sénat. — Jean-Claude Martinet, Histoire de l’Occupation et de la Résistance dans la Nièvre, 1940-1944, La Charité-sur-Loire, Ed. Delayance, 1978, 354 p.

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