LIBERACE Salvator, Vincent, dit « Tadot »

Par Jacques Girault

Né le 1er décembre 1920 à Hyères (Var), mort le 8 juillet 2011 à La Garde (Var) ; maçon ; militant socialiste du Var.

Salvator Liberace dans les années 60-70
Salvator Liberace dans les années 60-70

Son père, Gennaro Liberace, né le 26 février 1894 à Formia (Italie, province de Latina), vint en France deux ans plus tard avec ses parents. Manœuvre maçon, mobilisé en Italie en 1915, il se maria à Formia à la fin de la guerre puis regagna Hyères où naquirent ses cinq enfants. Socialisant, antifasciste, syndiqué, mis à l’index après une grève, naturalisé en 1935, il ne retrouva du travail qu’en 1935 dans une entreprise lyonnaise construisant l’hôpital Sabran dans la presqu’île de Giens.

Salvator Liberace reçut les premiers sacrements catholiques. Il quitta l’école en 1931 pour devenir apprenti pâtissier. En 1937, il travailla comme manœuvre dans une entreprise de travaux publics à Toulon. Après la manifestation antifasciste du 12 février 1934 à Hyères, il adhéra aux Jeunesses socialistes SFIO dont le groupe local devint le plus important du département. 

À la suite des élections législatives de 1936, il fut secrétaire de la section d’Hyères des Jeunesses socialistes, section qui s’étendait de Toulon à Saint-Tropez. En 1937, secrétaire du groupe local d’Hyères, il succéda à Roger Mistral comme secrétaire de la Fédération du Var des Jeunesses socialistes. Il présida le comité d’entente des fédérations des JS de la Région méditerranéenne et siégea, à partir de 1936, aux comités local et départemental du Front populaire. Souvent en accord avec les analyses de la Gauche révolutionnaire, il refusa d’adhérer au Parti socialiste ouvrier et paysan, malgré plusieurs rencontres à Hyères avec Marceau Pivert.



Au début de la guerre, Liberace regroupa les jeunes socialistes dans un mouvement sportif, la « Jeunesse sportive hyéroise », qui comptait quatre équipes de football. Ils jouaient, écoutaient Radio-Londres, distribuaient tracts et journaux clandestins et dessinaient des Croix de Lorraine dans les rues. De juillet 1941 à février 1942, il séjourna à Curnier (Drôme) dans un chantier de jeunesse. Le 14 juillet 1941, avec d’autres jeunes, après une manifestation patriotique, interdite par le gouvernement, il reçut un avertissement. Revenant à Hyères, à nouveau maçon, il adhéra à l’Amicale des anciens des chantiers de jeunesse et y contesta les orientations favorables à la Révolution nationale. Après le dépôt d’une gerbe au monument aux morts, le 11 novembre 1942, il fut avec trois amis, interpellé par la police. Il fit partie des cinq premiers membres du groupe local du Mouvement de libération nationale, créé à la fin novembre. Le 23 janvier 1943, requis pour aller en Allemagne au titre de la relève, il entra dans la clandestinité avec des papiers falsifiés avec l’aide du curé et du maire du Castellet (Var) où il travailla dans une ferme pendant un mois avant de se rendre dans une autre ferme à Aubignan (Vaucluse). En mai 1944, il rejoignit le maquis FTPF de La Roche-sur-Buis à Buis-les-Baronnies (Drôme). 

_A la Libération, de retour à Hyères, le 3 septembre 1944, Liberace participa à la reconstitution de la section socialiste SFIO et redevint secrétaire des Jeunesses socialistes jusqu’en 1947. Deux mois plus tard, lors du congrès fédéral de Draguignan, il redevint secrétaire de la fédération des Jeunesses socialistes jusqu’en avril 1947 et siégea au bureau de la conférence nationale des JS à Perpignan en 1947.

Embauché par la mairie d’Hyères, Liberace critiqua la composition du conseil municipal qui, sous la présidence d’Édouard Cordier, comprenait une majorité de communistes et seulement deux socialistes SFIO. Il dut quitter son emploi et redevint manœuvre dans une entreprise du bâtiment de la ville. Portant le débat devant l’opinion, lors d’une réunion du Comité local de Libération, le 2 février 1945, il déplora son attitude dans le choix des édiles et en matière d’épuration. Il estima, avec une majorité de militants socialistes SFIO, en avril 1945 que le Parti socialiste SFIO devait se présenter sous son drapeau aux élections municipales. Candidat aux élections municipales, le 19 octobre 1947, sur la liste « d’Union socialiste et d’intérêt local », il obtint 1 337 voix et signes préférentiels sur 12 349 inscrits. 



Secrétaire administratif adjoint de la Fédération socialiste SFIO depuis 1946, délégué permanent à la propagande, Liberace demeura permanent de l’organisation jusqu’au 30 septembre 1950. En 1947, Albert Lamarque, élu sénateur, abandonna le secrétariat administratif et il lui succéda. Gérant du nouveau quotidien socialiste, République, de 1947 à 1950, il signait souvent des articles dans la presse sous le pseudonyme de " Tadot ". En 1948, il fit partie du conseil d’administration du quotidien Toulon-Soir, créé par Le Provençal. Devenu comptable dans une entreprise de travaux publics, il cessa d’appartenir au bureau fédéral en 1955. Il continuait à s’occuper, avec d’autres militants, du fonctionnement des colonies de vacances du Mouvement de l’enfance ouvrière. 



Liberace, qui s’était marié en août 1948 à Six-Fours (Var), père de deux filles, vint habiter La Garde où régnait une situation particulière depuis l’adhésion de l‘ancien député maire Michel Zunino au Parti communiste français. La majorité des militants socialistes SFIO, désapprouvant la condamnation de toute entente avec les communistes prononcée par la direction nationale du Parti socialiste SFIO, quittèrent le Parti en 1948 pour entrer au Mouvement progressiste. Liberace et quelques militants reconstituèrent la section socialiste dont il assura le secrétariat en 1956. Aux élections municipales d’avril 1953, il figura sur la liste « d’Union républicaine », conduite par Edmond Charlois, fils de l’ancien maire socialiste André Charlois, qui fut battue.

Un conflit interne se développa dans le socialisme varois après les élections municipales de Toulon en 1953. Le groupe socialiste SFIO, minoritaire, pouvait s’allier avec la droite (Louis Puy) ou avec les communistes. Liberace se montra d’accord avec le bureau fédéral qui décida qu’Édouard Le Bellegou serait le candidat socialiste aux trois tours de scrutin. Il fut désigné comme maire au troisième tour avec les voix de droite, mais très vite ces dernières lui manquèrent. Une crise municipale suivit à nombreux rebondissements. Contre les décisions nationales, une majorité des membres du bureau fédéral, dont Liberace, se montra favorable à une proposition d’alliance avec les communistes et un protocole d’accord municipal avec les communistes fut établi. Lors de la réunion du comité fédéral, le 20 février 1955, Liberace, qui avait servi d’intermédiaire entre Le Bellegou et les dirigeants fédéraux hostiles, proposa une motion approuvant le protocole qui indiquait : « Il n’y a pas de collusion politique […] fait confiance aux élus municipaux de Toulon pour dénouer la crise actuelle dans l’intérêt du Parti ».

L’élection cantonale de 1955 servit de test. Liberace représenta le Parti socialiste SFIO dans le quatrième canton de Toulon. Une partie des électeurs socialistes, encouragés par les dirigeants fédéraux et des parlementaires socialistes, votèrent pour le candidat de droite pour désapprouver les positions de Le Bellegou et aussi de Liberace. Arrivé en troisième position, le 4 avril, avec 1 188 voix sur 11 654 inscrits, alors que le bureau fédéral de la SFIO décidait le « retrait pur et simple » de son candidat, ce dernier se désista publiquement pour le conseiller général communiste sortant, Michel Zunino, qui fut battu en raison d’un mauvais report des voix des électeurs socialistes et aussi des voix « progressistes ». Cette situation précipita la rupture au sein du conseil municipal de La Garde entre communistes et progressistes. En avril 1958, après la mort de Zunino, aux élections municipales partielles, le PCF accepta de soutenir une liste constituée par Roger Zunino, membre d’aucun parti, et par Liberace, secrétaire de la section socialiste SFIO. Cette alliance, désapprouvée par la direction nationale du Parti socialiste SFIO, reçut l’appui décisif du secrétaire fédéral Jean Charlot. De nombreux socialistes et le quotidien République, firent campagne contre cette liste. En raison du contexte national, elle se présenta comme le symbole de l’union pour sauver la République. Le 18 mai 1958, elle fut battue de sept voix. Le Conseil de Préfecture annula l’élection pour vice de forme, mais en raison de la proximité du renouvellement général, il n’y eut pas d’élection partielle.

Au début de juillet 1958, Liberace, désapprouvant l’alliance de la SFIO avec les gaullistes, annonça sa démission du Parti. Il refusa de suivre Jean Charlot au Parti socialiste autonome puis d’adhérer au Parti socialiste unifié. Il s’en expliquait plus tard : « Je condamnais toutes tentatives de division du mouvement socialiste. Je rentrais sagement chez moi consacrant tout mon temps à ma famille et à mon travail [conducteur de travaux dans une entreprise de travaux publics de Toulon] ».

La section socialiste cessa de vivre entre 1958 et 1972. Liberace refusa de participer aux listes pour les élections municipales mais favorisa toutes les initiatives locales de ses amis « socialistes », notamment leur participation aux listes d’union à direction communiste. En 1975, il rejoignit la section locale du Parti socialiste et, comme membre de son bureau, participa aux négociations locales pour la constitution d’une liste d’Union de la gauche en 1977. Il fit notamment accepter par la section socialiste et par la municipalité que le nom de Charles Sandro soit donné à une rue de la ville. 

À la fin de 1978, déçu par la rupture de l’Union de la gauche, par la faiblesse de la direction du PS, par la division en tendances, par la situation des socialistes marginalisés dans le conseil municipal, il décida de démissionner du Parti socialiste, tout en restant un sympathisant très écouté. Dans les années 1980, il se montrait critique par rapport aux orientations de la municipalité dirigée par le communiste Maurice Delplace.

Liberace décéda à l’hôpital Clemenceau de La Garde. Ses obsèques furent religieuses.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article118535, notice LIBERACE Salvator, Vincent, dit « Tadot » par Jacques Girault, version mise en ligne le 24 novembre 2010, dernière modification le 7 septembre 2017.

Par Jacques Girault

Salvator Liberace dans les années 60-70
Salvator Liberace dans les années 60-70

SOURCES : Arch. Dép. Var, 4 M 50, 12 M 2.49, 18 M 93. — Arch. J. Charlot (Centre d’Histoire sociale du XXe siècle). — Arch. de l’OURS, fédération socialiste SFIO, Var. — Presse locale.— Renseignements fournis par l’intéressé.

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