LINET Roger, Pierre, Gilbert

Par Daniel Grason, Claude Pennetier

Né le 7 mars 1914 à Cours-les-Barres (Cher), mort le 15 février 2003 à Chargé (Indre-et-Loire) ; métallurgiste ; résistant ; syndicaliste CGTU puis CGT ; militant de Renault-Billancourt ; député communiste de 1951 à 1956.

Roger Linet
Roger Linet

Roger Linet était issu d’une famille originaire de Nevers (Nièvre). Son père était ouvrier riveur (manœuvre dans la métallurgie dit-il dans son autobiographie de 1938) et sa mère femme de ménage. Pour qualifier ses parents, il parlait d’ « esprit d’honnêteté et de travail ». Il obtint son certificat d’études primaires puis fut apprenti tourneur aux Ateliers de Vauzelles de 1928 à 1931. Il fut aussi chromeur.
Titulaire du CAP, ouvrier métallurgiste, il vint alors dans la région parisienne et travailla comme tourneur nickeleur à Levallois-Perret (Seine, Hauts-de-Seine) de 1933 à 1936. Roger Linet commença à militer, en 1933 à l’USTM-CGTU. Il rejoignit le Parti communiste en 1934 et devint la même année secrétaire de cellule à Paris dans le XIe arrondissement. Il a été trésorier adjoint, puis secrétaire de la section des métaux du XIe arrondissement. En 1936 il fut délégué d’entreprise chez Mesureur à Levallois-Perret, puis permanent du XIe et XIIe arrondissement dès octobre 1936. Il appartenait, à la même époque, à la commission de contrôle financier de la Fédération des Métaux. Il participa aux commissions de discussion des premières conventions collectives locales dans la métallurgie. Il était, en 1938-1939, secrétaire du syndicat CGT des Métaux pour le Xe arr. de Paris et semble-t-il, le XIe arr.
Mobilisé en 1939-1940, fait prisonnier, Roger Linet s’évada et rejoignit la Résistance. Membre, dès juin 1941, de l’Organisation spéciale en région parisienne, responsable avec Jean Baillet du premier sabotage important le 17 juillet 1941 (déraillement d’Épinay-sur-Seine (Seine, Seine-Saint-Denis)), il appartint, à partir de mai 1942, à la direction des FTP. Devenu le « commandant Rivière », il participa notamment à l’enlèvement de Maurice Lacazette.
Onze inspecteurs de la BS2 furent chargés de situer l’emplacement exact du pavillon où logeaient « Rivière » alias de Roger Linet, commissaire politique inter-régional, et « Geneviève » alias de Fernande Anker qui était la trésorière de l’organisation. L’enquête dura quelques jours, l’habitation se trouvait au 7 rue des Truilles à Clamart (Seine, Hauts-de-Seine). Une recommandation impérative fut donnée aux policiers : l’interpellation devait s’effectuer quand les habitants sortiraient. Les policiers voulaient ainsi éviter que des documents soient détruits.
Le 21 janvier 1943, Fernande Anker sortit du pavillon, elle fut suivie pendant plusieurs centaines de mètres, les policiers voulaient ainsi éviter d’attirer l’attention du voisinage. Ceinturée, elle fut emmenée au commissariat de Clamart. Deux inspecteurs restèrent dans le pavillon et quand Roger Linet entra, il fut mis en état d’arrestation. Il était inconnu des différents services administratifs de la Préfecture de police.
La perquisition eut lieu en présence de Roger Linet et de Fernande Anker. Les policiers saisirent : un revolver à barillet ; deux pistolets automatique calibre 6,35 mm (les trois armes étaient approvisionnées et prêtes à tirer) ; deux grenades à main ; un corps de bombe cylindrique ; un lot de détonateurs ; un chargeur de fusil mitrailleur contenant vingt-cinq cartouches ; une bouteille incendiaire ; une somme de soixante-dix-neuf mille francs ; un lot de documents relatifs à l’action clandestine des FTPF, classés dans différentes chemises selon les organismes auxquels ils étaient destinés ; une somme de onze mille cinq cents francs placée dans une enveloppe contenant des documents ; un lot de cachets, des cartes de rationnement provenant des mairies cambriolées de Champagne-sur-Oise (Seine-et-Oise, Val-d’Oise), de Maisons-Alfort (Seine, Val-de-Marne) et autres.
Un revolver de calibre 6,35 mm était saisi. Roger Linet assuma « C’était mon arme personnelle », il précisa « je ne l’ai jamais utilisée ». Quant aux deux autres armes découvertes elles devaient être transmises à l’inter-région.
Emprisonné, Roger Linet se trouva le 11 juillet 1943 dans un groupe de cinquante-six hommes (cinquante-deux français, deux espagnols, un polonais et un belge) qui quitta la prison de Fresnes (Seine, Val-de-Marne) à destination de Natzweiler en Alsace. Là, tous furent étiquetés « NN » Nacht und Nebel (Nuit et Brouillard) ce qui signifiait condamnés à disparaître sans laisser de traces. Cette expression avait été empruntée par Hitler au livret de L’Or du Rhin de Richard Wagner.
Dix-huit déportés dont Roger Linet furent dirigés sur le camp de concentration de Dachau, deux y moururent. Roger Linet fit partie de la direction communiste clandestine de ce camp d’où il fut libéré le 29 avril 1945.
Il a été homologué combattant des Forces françaises de l’intérieur (FFI), et Déporté interné résistant (DIR).
Sa participation à la guerre et à la Résistance lui valurent la Croix de guerre, la Médaille de la Résistance avec rosette (décret du 31 mars 1947, publié au JO du 26 juillet 1947) et la Légion d’honneur.
Le 13 mars 1945 Roger Linet témoigna devant la commission rogatoire qui examina l’activité de Gaston Barrachin, il déclara notamment : « Je n’ai pas été frappé mais j’ai été bousculé par Barrachin et B. ainsi que par B. »
« Après six jours de détention, j’ai été envoyé directement à la prison de Fresnes et, sans jugement, déporté en Allemagne à Natzweiler, puis à Dachau où j’ai été libéré le 18 mai 1945, par les troupes américaines. »
« Au cours des perquisitions, mon pavillon a été absolument mis au pillage. De l’argent a été saisi mais une somme d’environ 60 000 francs, qui appartenait à l’organisation FTP a été volée et n’a pas fait l’objet de scellés, qui ne concernent que 11 500 francs et 79 000 francs appartenant également aux FTP ».
Roger Linet porta plainte contre les inspecteurs qui l’arrêtèrent, il les rendit « responsables de sa déportation ». Il déposa également plainte pour « vol ».
Gaston Barrachin qui fait rarissime n’avait pas frappé Roger Linet, mais il tabassa d’autres résistants. Il avait dans l’exercice de ses fonctions été un « violent » écrivit Jean-Marc Berlière « Ses interrogatoires se terminent parfois tragiquement. Le groupe qu’il dirigeait fut l’un des plus actifs. Pourchassant inlassablement les « communo-terroristes », les interrogeant avec violence, il a commis de gros dégâts. Jugé en octobre 1945, Barrachin est condamné à mort et fusillé, non sans avoir tenté, aidé de sa fille, de se battre jusqu’au bout sur le terrain politique. »
Gaston Barrachin a été fusillé le 19 janvier 1946 au fort de Châtillon-sous Bagneux (communes de Châtillon-sous-Bagneux et Fontenay-aux-Roses).
Roger Linet fut secrétaire CGT des Métaux de la région parisienne de 1945 à 1947. Benoît Frachon le désigna pour intervenir dans la grève Renault en avril 1947 et il devint ensuite secrétaire général du syndicat CGT des usines Renault jusqu’en 1948.
Il resta à la commission exécutive de la Fédération CGT des Métaux jusqu’en 1962. Membre du comité fédéral de la Seine de 1945 à 1953, il fut contraint de faire son autocritique à plusieurs reprises, fin 1952 et début 1953, face aux difficultés de la CGT chez Renault et à l’échec des mobilisations contre l’emprisonnement de Jacques Duclos dans le « complot des pigeons ». Sollicité pour participer au secrétariat de la nouvelle fédération Seine-Sud en 1953 (il habitait Clamart), il refusa, préférant continuer à militer sur le terrain syndical chez Renault. Il fut donc affecté en Seine-Ouest, comme dirigeant du syndicat Renault, et siégea au comité fédéral de 1953 à 1962. Membre suppléant au comité central du Parti communiste de 1950 à 1954, il ne fut pas réélu en 1954. Parallèlement, il siégea comme député de 1951 à 1956 ; déplacé de la quatrième à la cinquième position sur la liste électorale du PCF en 1956, il ne fut pas réélu.
Roger Linet fut progressivement cantonné au travail syndical puis orienté vers les œuvres sociales de la Fédération de la Métallurgie. Dès 1956, la direction du PCF souhaita son remplacement à la tête du syndicat Renault, qui aboutit en 1958 à la désignation de Claude Poperen. Alors qu’il envisageait de retourner en usine, Roger Linet accepta finalement de devenir directeur du Centre Suzanne Masson, centre de rééducation pour handicapés physiques, fonction qui conserva de 1958 à 1974. Il quitta alors la fédération Seine-Ouest pour celle de Paris. Dans la dernière période de sa vie, il se consacra à l’écriture historique, à partir de son expérience.
Marié le 23 décembre 1933 à Paris (XIe arr.) avec Alice Michelet, femme de ménage devenue manœuvre dans la métallurgie puis secrétaire, et qui avait été également déportée, il divorça et se remaria en 1956 à Malakoff. Divorcé de nouveau, il se remaria le 26 février 1972 à Montreuil, il se retira à Chargé (Indre-et-Loire) où il milita au Parti communiste et chez les Vétérans.
La Légion d’honneur lui fut remise à Chargé.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article118624, notice LINET Roger, Pierre, Gilbert par Daniel Grason, Claude Pennetier, version mise en ligne le 29 octobre 2020, dernière modification le 22 novembre 2022.

Par Daniel Grason, Claude Pennetier

Arch. PPo. RogerLinet ; FRAPP-GB183-306
no au KLNatzweiller
Archives Arolsen ref : 3197904.
Roger Linet
Roger Linet

ŒUVRE : 1933-1943. La traversée de la tourmente, Paris, Messidor, 1990, 383 p. — [avec Roger Leroy et Max Nevers], 1943-1945. La Résistance en enfer, Paris, Messidor, 1991 CGT Lendemains De Guerre 1944-1947, Hachette, 1995. — Renault 1947-1958, Le Temps des cerises, 1997.

SOURCES : RGASPI, 495 270 5, 22 décembre 1938, classé AS. — Arch. PPo. BS2 carton 41 (transmis par Gérard Larue), Rapport hebdomadaire des Renseignements généraux du 1er février 1943, BA 2309, PCF carton 3 et 6, 77 W 5341-292132. — Arch. Ass. Nat., dossier biographique. — Arch. comité national du PCF. — André Ouzoulias, Les Bataillons de la jeunesse, op. cit., pp. 124-125. — Fernand Grenier, Ç’était ainsi, Éd. Sociales, 1978, p. 266. — Paul Boulland, Acteurs et pratiques de l’encadrement communiste à travers l’exemple des fédérations PCF de banlieue parisienne, thèse d’histoire, Paris 1, 2011. — Stéphane Courtois, La politique du PCF et ses aspects syndicaux, op. cit. — Jean-Marc Berlière avec Laurent Chabrun, Les policiers français sous l’Occupation, Éd. Perrin 2001, p. 146, 167, 171, 177. — La Résistance, Chronique illustrée 1930-1950, LCD, 1972-1976, t. 3. — Stéphane Courtois, Le PCF dans la guerre, Éd. Ramsay, p.270, 359. — Notes de Jean-Pierre Besse et Robert Kosmann. — État civil. — SHD Vincennes GR 16 P 373344.

Photographie : Arch. PPo.

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