LOCQUIN Jean

Par Michel Dreyfus, Justinien Raymond

Né le 6 juin 1879 à Nevers (Nièvre), mort le 23 août 1949 à Saint-Cloud (Seine-et-Oise) ; avocat, historien d’art ; militant socialiste ; maire de Balleray, conseiller général, président du conseil général de la Nièvre, député de la Nièvre.

Fils de Victor Locquin, frère de René Locquin, Jean Locquin reçut, sous sa direction, dans la petite localité de Balleray, sa première éducation qu’il compléta à Nevers, puis à Paris où il conquit en 1905 la licence en droit — il avait rédigé, l’année précédente, un diplôme d’études supérieures d’histoire consacré à J.-B. Oudry peintre français, 1686-1755 — et obtenu en 1912 le titre de docteur ès lettres pour une Histoire de la peinture en France de 1745 à 1785 et une thèse complémentaire sur L’œuvre gravé de J.-B. Oudry. Cette formation explique diverses tâches remplies au cours de sa vie. Aquarelliste non dépourvu de talent, historien d’art, il fut membre du conseil des musées nationaux, vice-président de l’Union nationale des Arts décoratifs et collabora assidûment à la Gazette des Arts ainsi qu’à d’autres revues d’art. Le 29 mars 1922, il présenta à la Chambre des députés, au nom de la commission de l’Enseignement et des Beaux-Arts un projet de loi ayant pour objet l’installation de la Bibliothèque et du Musée de la guerre dans le pavillon de la Reine au château de Vincennes, ce qui fut effectivement fait et donna naissance à la Bibliothèque de documentation internationale contemporaine (BDIC), qui, après une longue histoire, s’installa, à partir de 1970, sur le campus de l’université de Nanterre. L’intérêt de Jean Locquin pour cette bibliothèque ne cessa par la suite et explique peut-être l’existence d’un fonds Jean Locquin.

Le 10 février 1920, il avait été nommé membre de la commission spéciale de reconstitution des édifices civils ou culturels endommagés par les opérations militaires ; de 1928 à 1932 il s’occupa activement, en tant que parlementaire, des questions d’enseignement ; en 1937, il fut commissaire de l’Exposition universelle qui se tint à Paris.

Jean Locquin avait adhéré en 1901 à la Fédération socialiste de la Nièvre qui allait s’affilier au PSF et le déléguer au congrès de Tours (1902), où il portait aussi le mandat de l’Aisne. Mais il vivait surtout à Paris et militait au groupe socialiste des originaires de la Nièvre. En 1906, à la mort de son père qui était maire de Balleray, il se présenta aux élections municipales mais échoua. Il lui succéda à la mairie en 1908 et fut réélu en 1912 à la tête d’une liste socialiste homogène. Candidat pour entrer au Conseil d’arrondissement de Nevers en 1913 (pour le canton de Nevers), il échoua . Il représenta la Fédération de la Nièvre aux congrès nationaux de Limoges (1906) et de Paris (juillet 1910). Aux élections législatives de 1914 dans la première circonscription de Nevers, Jean Locquin fit campagne contre les trois ans, pour l’impôt progressif sur le revenu, la défense de l’école laïque, la suppression du Sénat, l’extension des lois de solidarité sociale et de protection ouvrière, pour une action en faveur des paysans, fermiers et métayers, le retour à la nation des chemins de fer, des mines, de l’alcool, du sucre, de la banque et des assurances. Il obtint 5 960 voix au premier tour et fut élu, au scrutin de ballottage après le retrait du radical Massé par 9 760 voix sur 23 225 inscrits contre 8 430 à son adversaire nationaliste. Il appartint aux commissions de l’Enseignement et des Beaux-Arts et fut secrétaire de la commission de la marine militaire à partir de 1915.

Durant la guerre, il défendit dans le Socialiste nivernais la politique d’union sacrée et condamna la grève des métallurgistes du Centre en 1918. Parmi les dirigeants socialistes nivernais, il fut l’adversaire le plus résolu de la Révolution russe et justifia constamment l’intervention alliée contre les Soviets. Au scrutin de liste, le 16 novembre 1919 il fut réélu, seul de la liste des cinq candidats socialistes. Il fut élu au conseil général pour le canton de Fours en décembre 1919, et, en 1924, fut réélu député. De 1920 à 1924, il prit part à de nombreuses discussions budgétaires et ne cessa d’attaquer la politique gouvernementale en matière d’armement naval. Cette politique tendait à la fermeture de nombreux arsenaux et établissements nationaux et à leur remplacement par des industries privées. Convaincu de défendre les intérêts nationaux ainsi que ceux plus particuliers de sa région, il contribua au sauvetage des forges de la Chaussade. Il put aussi organiser la défense de l’établissement national de Guérigny, spécialisé dans la fabrication d’armes et de matériel de marine. En 1924, il défendit une politique de nationalisations et présenta avec d’autres élus socialistes un projet de loi tendant à l’instauration d’un office national du blé qui aurait permis à l’État d’acheter la récolte à un prix fixe. Ce projet prévoyait également la nationalisation des forêts. Il signa aussi une proposition tendant à la nationalisation des engrais et proposa la création d’un office national de la viande. Ce fut également pendant cette même année 1924 qu’il eut avec le lieutenant-colonel Carnot une polémique au sujet du transfert des restes de Jean Jaurès* au Panthéon.

Il était devenu président de l’assemblée départementale quand il fut réélu député en 1928 dans la première circonscription de Nevers au second tour par 8 670 voix contre 6 819 au modéré Piélin, 1 687 au candidat communiste. La même année, il fut délégué au IIIe congrès de l’Internationale ouvrière socialiste qui se tint à Bruxelles. En 1932, Locquin passa dans la deuxième circonscription de Nevers et, bien qu’il l’eût devancé de près de 2 000 voix au premier tour, il fut battu par le candidat radical-socialiste Georges Potut, sur lequel se fit la concentration antisocialiste : ce dernier l’emporta par 6 632 suffrages contre 4 811 à Jean Locquin. Il fut candidat malheureux au Sénat en 1933 comme il l’avait été en 1924.

Jean Locquin avait toujours appartenu à la tendance la plus modérée de la SFIO comme l’avaient montré ses prises de positions vis-à-vis de la Révolution russe. En 1919, il fut l’un des signataires du projet de programme électoral de la SFIO élaboré en vue du congrès national extraordinaire des 20-22 avril. Quand, en novembre 1933, se produisit la scission avec les "néos", Jean Locquin chercha d’abord à l’éviter et ensuite à la surmonter. Il prit position sur cette question dans la Tribune du Centre et le Progrès social du Centre, organe de la Fédération SFIO de la Nièvre qui paraissait justement depuis 1933. Avant le congrès fédéral de la Nièvre, il présenta la motion suivante (la Tribune du centre, 47e année, n° 7528, 17 janvier 1934) : "Le Congrès, regrettant la scission qui s’est produite au mois de novembre, décide que des pourparlers seront immédiatement engagés avec le Parti socialiste de France (Union Jean Jaurès) en vue de reconstituer l’unité du Parti. Il déclare que c’est dans l’action que cette unité peut se reconstituer le plus sincèrement et le plus solidement, et il propose dès maintenant d’adopter comme base de l’unité et de l’action socialiste au Parlement et dans le pays le Plan de travail, dit Plan de Man, adopté à l’unanimité par le Parti ouvrier belge."

Il continua à administrer la commune de Balleray jusqu’en 1934 pour devenir maire adjoint de Nevers cette même année puis maire de Nevers en 1939. L’année précédente, il avait été secrétaire de la section socialiste de Nevers qui s’était opposée le 31 janvier 1937 à une fusion avec le groupe local du PUP, de force à peu près égale à celle de la section (140 adhérents). Il appartint à la commission des conflits du Parti socialiste de 1936 à 1938. Il n’en continua pas moins son activité d’avocat et de journaliste. Il avait participé à la création de la revue la France active et était codirecteur de la Tribune républicaine du Centre.

Premier adjoint au maire de Nevers durant la débâcle de 1940, Jean Locquin fut destitué de ses fonctions par Vichy quelques mois après. Cependant à la Libération, il n’en fut pas moins révoqué de ses fonctions de conseiller municipal de Nevers et, en 1944, sa personne et son action furent à l’origine d’une grave crise dans la section socialiste de Nevers à dater d’une réunion tenue le 30 septembre. Il fut notamment reproché à Locquin d’avoir publié en octobre-novembre 1940 dans l’Activité nivernaise deux articles dans lesquels il aurait discuté l’idée de collaboration et se serait prononcé pour "une paix juste". Il aurait également écrit une lettre à l’amiral Darlan. Locquin s’en défendit en explicitant son action de premier adjoint lors de l’entrée des troupes allemandes à Nevers en mai 1940 et en arguant du fait que les articles incriminés avaient été écrits dans un esprit de résistance. Ces explications furent acceptées par la majorité de la section (22 voix contre 11) et le lendemain par le congrès fédéral. Mais le 16 novembre 1944 la section de Nevers fut dissoute par ordre du Parti socialiste. Daniel Mayer justifia cette décision par le fait qu’elle "comptait dans son sein le citoyen Locquin qui a écrit en 1940 des articles en faveur de la collaboration". Une nouvelle section fut réorganisée à partir du 20 novembre 1944, vraisemblablement sans Jean Locquin. Il fut alors proche du Parti socialiste démocratique animé par d’anciens militants de la SFIO autour de Paul Faure qui publiait un hebdomadaire la République libre. Il fut également membre du Comité directeur de l’Association des représentants du peuple de la IIIe République, proche de ce parti.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article118753, notice LOCQUIN Jean par Michel Dreyfus, Justinien Raymond, version mise en ligne le 24 novembre 2010, dernière modification le 2 mai 2020.

Par Michel Dreyfus, Justinien Raymond

ŒUVRE : Rapport au nom de la commission de l’Enseignement et des Beaux-Arts chargée d’examiner le projet de loi ayant pour objet l’installation de la Bibliothèque et du Musée de la guerre dans le pavillon de la Reine au Château de Vincennes, Chambre des députés, session de 1922, séance du 29 mars, n° 4171. — La défense de Guérigny (1914-1928), Nevers, Imprimerie de La Tribune, Parti socialiste (SFIO), Fédération de la Nièvre, 1928, 64 p.

SOURCES : Arch. Nat. 310 AP, papiers de Jean Locquin. — Arch. Ass. Nat., dossier biographique. — Arch. Dép. Nièvre : M 408 (élections cantonales de 1919-1920) (Notes de Boudard Michaël). — Hubert- Rouger, Les Fédérations socialistes, T. II, op. cit., pp. 406 à 423. — L’Humanité, 11 mai et 15 juin 1914. — Le Progrès social du centre, 1933-1934. — La Tribune du Centre, notamment n° 7428, 17 janvier 1934. — Compte rendu de la séance du 31 janvier 1937 de la section socialiste de Nevers. — Lettre de E. Raveaux, "un des secrétaires de la section de Nevers", 28 février 1945. — Jacqueline Vieux, née Locquin : Biographie d’Edme Jean Locquin. — Notes de Jean Maitron, Claude Pennetier.
ICONOGRAPHIE : Hubert-Rouger, op. cit., p. 416.

rebonds ?
Les rebonds proposent trois biographies choisies aléatoirement en fonction de similarités thématiques (dictionnaires), chronologiques (périodes), géographiques (département) et socioprofessionnelles.
Version imprimable