LOUVET Louis, Alexandre [Dictionnaire des anarchistes]

Par Jean Maitron, complété par Rolf Dupuy

Né le 7 février 1899 à Paris (IIe arr.), mort le 15 mars 1971 à Paris (XIIIe arr.), incinéré au Père-Lachaise à Paris ; marié, séparé de sa femme ; eut pour compagne de 1926 à 1947 Simonne Larcher dont il eut une fille ; correcteur d’imprimerie ; syndicaliste et militant anarchiste.

Louis Louvet. {Cahiers de Contre-Courant} 83, 1959.
Louis Louvet. {Cahiers de Contre-Courant} 83, 1959.

Fils de Louis Louvet, employé de commerce, et de Marguerite-Marie Charles, employée des téléphones, Louis Louvet, incorporé le 19 avril 1918, fut réformé le 4 décembre 1919.

Marié le 9 juin 1923 à Paris (XIXe arr.) avec Charlotte Bernard, il se sépara puis se remaria le 21 août 1954 à Paris (VIIe arr.) avec Fernande Vaugeois.

En novembre 1924, Louis Louvet devint gérant du Libertaire, l’organe de l’Union anarchiste ; en décembre, il était nommé secrétaire du groupe de la Jeunesse socialiste à laquelle il appartenait depuis 1922, et, quelques mois plus tard, il fondait la Fédération des Jeunesses anarchistes. Pour un article non signé intitulé « La justice de Primo de Rivera » publié dans le Libertaire du 3 janvier 1925, il fut, en tant que gérant du journal, poursuivi pour provocation au meurtre dans un but de propagande anarchiste ; le 18 juin, il fut condamné par défaut à six mois de prison et à 200 F d’amende. Remplacé à la gérance du Libertaire, il devint gérant de la Revue anarchiste, publication de l’Union anarchiste ; le mois suivant, il entra au conseil d’administration de la Librairie sociale. Le 21 août, il fut arrêté pour avoir apposé des affiches protestant contre la guerre du Maroc. Il était membre à cette époque du comité d’initiative de l’UA.

Au début de l’année 1926, à la suite de divergences de vues sur l’illégalisme, il se retira de l’Union anarchiste, entraînant avec lui de jeunes militants ; et en avril, pour concurrencer le Libertaire qu’il jugeait trop sectaire, il réédita le journal l’anarchie de tendance individualiste ; la polémique avec le Libertaire se poursuivit jusqu’en 1928.
Le 20 juillet 1926, il fut arrêté alors qu’il distribuait des tracts en faveur des anarchistes Sacco et Vanzetti. Condamné par défaut, le 27 juin 1927, à quatre mois de prison pour provocation de militaires à la désobéissance, il se constitua prisonnier le 5 septembre et fut écroué à la prison de la Santé à Paris ; du 2 au 10 octobre, il y fit la grève de la faim par solidarité avec les manifestants interpellés lors de la manifestation du 23 août organisée contre l’exécution de Sacco et Vanzetti et qui n’avaient pas été admis au régime politique ; le 5 décembre, bénéficiant d’une remise de peine d’un mois, il fut remis en liberté.
Il prit part à la fondation de l’AFA, Association des fédéralistes anarchistes, née le 8 janvier 1928 d’une scission de l’UACR, Union anarchiste communiste révolutionnaire, scission dont Sébastien Faure* fut le protagoniste. Au moment de cette scission il participa avec sa compagne Simonne Willissek, Kléber Nadaud, 5Séverin Férandel->154433] et Lucien Desnot à l’éphémère Groupe anarchiste autonome de Paris qui regroupait une quinzaine d’anciens membres du XXe arrondissement et qui se réunissait au café « Faisan Doré », 28 rue de Belleville. Il avait également été à l’origine avec sa compagne de la fondation en septembre 1926 de la Jeunesses anarchiste autonome qui regroupera une quarantaine de militants et perdurera jusqu’en 1929.
En 1931, Louvet fonda, sous le titre de "Causeries populaires" une tribune de libre discussion qui tint ses assises, 10 rue de Lancry à Paris, et dont il assura la présidence. En janvier 1932, il lança avec Simonne Larcher, sa compagne, la revue Controverse où étaient reproduits les conférences des "Causeries populaires" et le compte rendu des discussions qu’elles provoquaient. Jusqu’à la guerre, Louvet se consacra presque uniquement à ses "Causeries populaires" dont il annonçait les conférences dans la feuille mensuelle L’Action libre (Paris, 35 numéros du 25 novembre 1931 au 5 avril 1935) dont il était le gérant. Son domicile du 367 rue des Pyrénées, Paris XXe, figurait en 1935 sur la liste de vérifiactaion de domiciles d’anarchistes de la région parisienne.
Reclassé service armé en avril 1926, il fut rappelé le 12 septembre 1939, mobilisé à la poudrerie de Sevran puis à la 6e Compagnie du 216e régiment d’infanterie et, finalement, démobilisé le 10 août 1940 à Geaune dans les Landes.
Sous l’Occupation, il fut nommé vice-président de l’"Association d’Entraide de la Presse" fondée clandestinement en 1942 ; il fut maintenu dans ses fonctions à la Libération, en novembre 1944. Puis il reprit son activité de militant anarchiste. Le 10 décembre 1944, au cours d’une conférence organisée avec l’anarchiste Bontemps, rue de la Douane à Paris, il présenta le programme et le journal de son mouvement "Ce qu’il faut dire" (CQFD) qui prit quelques mois plus tard le titre de "Mouvement Égalité-Union fédérative des libertaires rationalistes".
Louvet prit part aux travaux du congrès constitutif de la nouvelle Fédération anarchiste qui eut lieu à Paris les 6 et 7 octobre 1945 et qui groupait, outre le mouvement "Égalité" et son journal CQFD, les militants de la Fédération anarchiste, les Jeunesses libertaires et la Fédération syndicaliste française (anarcho-syndicaliste) ; au cours de la discussion entre partisans et adversaires d’une organisation relative, Louvet fut de ceux qui estimaient qu’à "défaut d’une unité organique impossible à réaliser et, au surplus peu souhaitable", c’est à une simple "entente" qu’il convenait d’aboutir (compte rendu des débats édité sous le titre Assises du mouvement libertaire et congrès de la Fédération anarchiste, Paris, s.d., p. 8). Toutefois, l’unité anarchiste au sein de la nouvelle organisation, la FA, Fédération anarchiste, ne devint effective qu’en février 1946 « à la suite de la dissolution de l’ex-mouvement "Égalité" dont les membres furent invités à adhérer individuellement à la nouvelle Fédération ou à rester indépendants » (selon un rapport du 17 janvier 1947, Arch. PPo., carton 50). Louvet adhéra à la FA et prit part aux congrès de cette organisation. Il participa, le 7, 8 et 9 décembre 1946, au congrès constitutif de la CNT, Confédération nationale du travail. Il fonda, 11 rue de Sévigné, à Paris, la Librairie sociologique, ouverte au public en avril 1948. Il fut délégué de la Confédération générale pacifiste, dont il était le secrétaire général, au premier congrès d’étudiants allemands qui tint ses assises à Dusseldorf du 27 au 31 mai 1948.
A l’automne 1952 il fut membre, avec entre autres P.V. Berthier, du Centre de recherches philosociales, qui chaque samedi organisait des débats à la salle des Sociétés savantes. Opposé à la tendance menée par G. Fontenis, L. Louvet fut agressé par ce dernier, Lustre et Blanchard le 23 octobre 1952 à la permanence de son journal Contre Courant, 11 rue de Sévigné.
Louvet fut de ceux qui reconstituèrent en décembre 1953, la Fédération anarchiste, laquelle avait disparu lors du congrès de Paris (23-25 mai 1953), pour faire place à une organisation structurée, la Fédération communiste libertaire que dirigea Fontenis. Au congrès de la Fédération anarchiste qui se tint à Nantes les 8, 9 et 10 juin 1957, Louvet fut désigné comme membre du comité de rédaction du Monde libertaire, le journal de la Fédération.

Louvet avait été admis au syndicat des correcteurs le 8 janvier 1937 - il travaillait comme correcteur depuis 1936 au Petit Bleu. Pendant treize ans, il fit partie du comité syndical, de 1943 à 1946, de 1948 à 1950 et de 1956 à 1960 ; il fut secrétaire adjoint de son syndicat en 1942, 1949, 1957, secrétaire général pendant six ans, de 1943 à 1945 et de 1958 à 1960 et le représenta aux congrès fédéraux de Saint-Étienne, en 1946, de Bordeaux, en 1949 et de Lille, en 1958.

Louis Louvet anima de nombreux périodiques : l’Éveil des jeunes libertaires, organe de la Fédération des jeunesses anarchistes (1925-1926) qui compta sept numéros ; l’anarchie dont Simonne Larcher fut également l’animatrice (cinquante-deux numéros, 21 avril 1926-avril 1929) ; l’Ennemi du peuple esclave, journal mensuel vendu sur la voie publique au prix modique de dix centimes, pour combattre l’Ami du peuple de Coty et qui compta quatre numéros ; les Causeries populaires, mensuel publié en 1931 et l’Action libre qui parut tous les vingt jours de 1931 à 1935 inclus, journaux envoyés gratuitement aux auditeurs inscrits aux Causeries populaires, qui offraient, outre des articles d’inspiration libertaire, le programme des Causeries et dont le tirage atteignit 7000 exemplaires pour soixante et onze numéros ; Controverse (ci-dessus mentionné) qui compta onze numéros et un supplément de 1932 à 1934 inclus ; Ce qu’il faut dire, d’abord organe intérieur du mouvement "Ce qu’il faut dire", devint public à partir de 1947 (mi-décembre 1944-fin avril 1949, soixante-quatre numéros) ; Les Nouvelles pacifistes, publiées sous les auspices de la Confédération générale pacifiste (neuf numéros de mi-octobre 1949 au 1er avril 1950) ; Contre-Courant, périodique qui compta cent-cinquante cinq numéros, de février 1951 à l’année 1968 où ne parut qu’un seul numéro (quelques numéros furent publiés hors série) ; à partir de novembre 1959, Louvet y publia le Dictionnaire biographique des pionniers et militants anarchistes pacifistes, dictionnaire qui ne dépassa pas la lettre B. Louvet a fait paraître également, sous forme de fascicules trimestriels de cent vingt-huit pages une Histoire mondiale de l’anarchie. Il édita aussi, de 1927 à 1950, un très grand nombre de brochures diverses et fonda même un moment une maison d’édition : les Éditions Élisée Reclus.
Mort le 15 mars 1871, Louis Louvet a été incinéré au Père Lachaise.
Louis Louvet fut un militant libertaire très actif qui savait écrire, parler, organiser. Mais, très indépendant, il ne put s’agréger à une formation ni même en créer une, durablement. Sa vie durant, il s’est complu à créer des périodiques, "comme on fait des bulles" disait un compagnon libertaire, puis à les crever. René Guillot écrivit dans le Monde libertaire, "Louis Louvet, honnête et généreux (...) ne fut jamais sectaire. Ironique et sceptique, il était toujours fraternel." (n° 170, avril 1971).

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article119033, notice LOUVET Louis, Alexandre [Dictionnaire des anarchistes] par Jean Maitron, complété par Rolf Dupuy, version mise en ligne le 30 mars 2015, dernière modification le 9 octobre 2022.

Par Jean Maitron, complété par Rolf Dupuy

Louis Louvet. {Cahiers de Contre-Courant} 83, 1959.
Louis Louvet. {Cahiers de Contre-Courant} 83, 1959.

ŒUVRE : Citée au cours de la biographie.

SOURCES : Arch. Jean Maitron. — CAC Fontainebleau (Archives de Moscou) 200 10216/170. — APpo 211W2 — Jean Maitron, Le Mouvement anarchiste en France,op. cit. — Y. Blondeau, Le Syndicat des correcteurs, op. cit. — René Bianco, Un siècle de presse anarchiste d’expression française, Thèse d’État, Aix-en-Provence, 1988. — Pierre-Valentin Berthier, « Louis Louvet », Itinéraire, n° 13, 1995. — État civil en ligne cote V4E 8120, vue 5. — IISG carton 128.

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