Par Jean Lorcin
Né le 19 juin 1874 à Saint-Martial-le-Mont (Creuse), mort en 1931 ; ouvrier mouleur, puis entrepreneur de transports, représentant de commerce après 1914. Fondateur du Parti communiste à Saint-Étienne (Loire) après la Première Guerre mondiale.
Fils d’un mineur syndicaliste, orphelin à dix ans, Malot apprit le métier de mouleur à la Manufacture nationale d’armes de Saint-Étienne. Militant ardent, il fut, en mai et juin 1906, le meneur de la grève générale des mécaniciens en automobiles et cycles stéphanois, où, pendant trois semaines, deux mille trois cents grévistes tentèrent, en vain, d’imposer la journée de huit heures.
Le 1er mai 1907, devenu entre-temps secrétaire de la Bourse du Travail de Saint-Étienne, il fut le principal orateur au Chambon-Feugerolles et s’en prit violemment au militarisme. Ses nouvelles fonctions le mêlèrent dès lors à quelques-uns des plus graves conflits du travail de la région en 1909, 1910 et 1911 : grève de l’usine à gaz de Saint-Étienne, en juin 1910, en réplique à des exclusions de militants ; des ouvriers en paille de fer de juillet-août 1911. Surtout, il alla porter son aide aux militants locaux Tyr et Demeure pendant la longue (décembre 1909-avril 1910) grève générale des militants du Chambon-Feugerolles, et joua un rôle essentiel dans ce conflit d’une rare âpreté, marqué par des heurts multiples, des tentatives d’incendie des usines et des dynamitages. Sur le plan politique il participait en même temps, avec ardeur, aux campagnes en faveur de Ferrer et de Rousset, tant aux côtés des membres de la SFIO que des libertaires du groupe "Germinal". En octobre 1908 et octobre 1910, il avait assisté aux XVIe et XVIIe congrès nationaux corporatifs tenus respectivement à Marseille et à Toulouse.
Cependant, combattu par les anarchistes, il quitta en janvier 1911 le secrétariat de la Bourse du Travail pour s’occuper et du bureau de placement et du dispensaire syndical dont il avait eu l’idée. Cet organisme offrait aux accidentés du travail des soins médicaux et un service juridique ; son succès, éclatant, fut l’œuvre de Malot qui dut cependant, devant de nouvelles attaques anarchistes en février 1913, démissionner un instant pour reprendre ses fonctions après un vote de confiance de ses mandants.
Il militait en même temps au Parti SFIO et assurait la rubrique syndicale de l’Action ouvrière et paysanne. Après avoir fait un temps l’intérim de Torcieux, malade, au secrétariat de la Bourse, il devint le premier président d’une union des métaux qui opérait la fusion en décembre 1913 des syndicats, jusque-là séparés, des mouleurs, des tôliers-fumistes et des armuriers. Il fut l’un des plus ardents combattants contre la loi des trois ans dans la Loire ; dès 1910, il avait été inscrit au Carnet B.
Président de l’Union des Métaux de Saint-Étienne, secrétaire de la Bourse du Travail et de la section stéphanoise du Parti socialiste unifié SFIO, Urbain Malot appartenait, comme la plupart des dirigeants de la Loire, à l’aile intransigeante de ce parti : il militait en 1911 pour la révision de la loi sur les retraites ouvrières et paysannes et réclamait en 1914 l’exclusion immédiate du député mineur Basly.
Mobilisé en 1914, il revint pour diriger un atelier de la défense nationale et fut secrétaire des "Amis de la Vague".
Membre de la commission de contrôle de la Fédération de la Loire du Parti socialiste SFIO en 1919, il fut élu conseiller municipal dans le canton sud-ouest de Saint-Étienne, avec 3 437 voix, sur la liste du Bloc des gauches présidée par Louis Soulié. Il fut élu la même année conseiller d’arrondissement du canton sud-ouest avec 2 303 voix sur 4 503 suffrages exprimés, 4 789 votants et 9 869 inscrits, et fut nommé président du conseil d’arrondissement.
Malot, qui s’était prononcé en faveur de l’adhésion à la IIIe Internationale en 1920, devint secrétaire fédéral du Parti communiste en 1923 à la suite de la scission avec les "unitaires" qui formèrent l’Union socialiste communiste (USC).
Malot, qui proposait, avant les élections municipales de 1925, de faire alliance avec les radicaux contre les socialistes-communistes, fut accusé par ces derniers de saboter leurs réunions. Par contre, sur décision du comité de rayon, les candidats communistes, dont Malot dans le canton sud-ouest de Saint-Étienne, se retirèrent tous au deuxième tour des élections cantonales de 1925 dans le but de faire échec à la politique de Caillaux et de Briand.
Membre de la cellule du centre —une des plus actives de la région— Malot appartint au comité de rayon de Saint-Étienne dès 1926. Animateur du parti au sein des coopératives ouvrières, notamment de "l’Union des travailleurs" et de "l’Avenir social", il fut nommé secrétaire de la commission des coopératives, mais abandonna ce poste peu après, en février 1927, les réunions étant peu suivies. Il démissionna également, en novembre 1927, du poste de trésorier de rayon, avant son congrès du 18 décembre 1927, puis reprit cette fonction début 1928 et assura la responsabilité de la souscription éléctorale. Il refusa d’être candidat dans la 3e circonscription de Saint-Étienne aux élections législatives de 1928, contre l’unanimité du comité de rayon : "Vous m’exclurez si vous voulez, mais je ne serai pas candidat", déclara-t-il. Son exclusion fut effectivement envisagée, mais le secrétaire de rayon, Doron , la fit repousser, compte tenu de ses états de service dans le parti et de son "état de santé précaire". Sa candidature dans la 3e circonscription ne fut pas ratifiée par la conférence du rayon de Saint-Étienne et il fut présenté dans la 1re circonscription du Puy (Haute-Loire). Il obtint 178 voix au 1er tour (15 365 votants) et 28 au second tour. Malot refusa de nouveau d’être candidat aux élections cantonales de septembre 1928, dans le canton sud-est de Saint-Étienne, comme le proposait Doron. Il est vrai que ce dernier aurait substitué sa candidature à celle de Malot dans le canton sud-ouest de Saint-Étienne sans demander l’avis des cellules "sous prétexte" qu’il n’en avait pas le temps, si l’on en croit Pétrus Faure (la Tribune, 25 octobre 1929). Malot fut donc remplacé par Ramier , secrétaire adjoint du syndicat unitaire de la Manufacture nationale d’armes. Seul son âge lui évita, une fois de plus, l’exclusion.
Ses désaccords avec la politique du parti étant de plus en plus manifestes, il démissionna du comité de rayon en janvier 1929 et du parti en février, à la suite d’un article de Doron sur les "poids morts". Il vint cependant s’expliquer devant le comité de rayon en mars 1929, mais maintint sa démission. Il fut "exécuté" dans le Cri du Peuple par Louis Follet, ancien secrétaire de la Fédération communiste de la Loire, en des termes d’une rare violence : "Des petits bourgeois désabusés comme Malot, on doit les flanquer à la porte. Notre parti se forme, il doit se tremper une âme d’airain en rejetant de son sein les scories petites-bourgeoises qui y étaient restées" (25 mai 1929).
Malot venait, il est vrai, d’apporter son soutien au Bloc des gauches en appelant ses anciens camarades à voter, au deuxième tour des élections municipales de Saint-Étienne, pour la liste du maire sortant Louis Soulié au lieu de respecter le mot d’ordre du parti qui maintenait ses candidats. Malot semblait ne pas s’être consolé de la perte de son siège de conseiller d’arrondissement ; après sa démission, il adhéra au Parti ouvrier et paysan (POP). Il mourut en 1931, directeur honoraire de la Caisse d’épargne de Saint-Étienne. Il avait participé aux congrès de la CGT du Xe congrès (Rennes, 1898) au XVIe (Lille, 1921).
Par Jean Lorcin
SOURCES : Arch. Nat. F7/13094, 13105, 13110, 13113, 13116, 13134. — Arch. Dép., Loire 3 M 55, 3 M 70, 4 M 123, 10 M 187, série 10 M non classée (affaires politiques, 1907-1922), M 539-541 (dossiers politiques, 1920-1925). — Arch. Dép. Haute-Loire, 3 M 16. — Bulletin municipal, Saint-Étienne, 5 décembre 1919. — Le Cri du Peuple, 6 avril et 25 mai 1929. — La Tribune républicaine, 25 novembre, 1er et 10 décembre 1919, 19 janvier 1923, 28, 29 avril et 24 juillet 1925, 11 mai 1929. — Le Mémorial de la Loire, 13 juillet 1930. — H. Destour, Les Syndicalistes révolutionnaires et le mouvement syndical dans la Loire entre les deux guerres mondiales, Mémoire de Maîtrise, Saint-Étienne. — Y. Lequin, Malot Urbain, Julien, Dictionnaire, t. 13, p. 340.