Par Jacques Girault
Né le 19 mai 1912 à Carcassonne (Aude), mort le 27 février 2005 à Toulouse (Haute-Garonne) ; professeur d’Université ; résistant ; militant communiste.
Fils d’un instituteur, Philippe Malrieu, élève du lycée de Carcassonne, lauréat du concours général, après avoir obtenu le baccalauréat, élève de Première supérieure au lycée Louis Le Grand à Paris, entra à l’École normale supérieure de la rue d’Ulm (Lettres) en 1931. Influencé par l’enseignement de Jean Cavaillès* à l’ENS, il s’intéressa à la phénoménologie.
En 1931, Malrieu adhéra aux Jeunesses socialistes SFIO et participa au comité antifasciste de l’école constitué en 1933 dans une perspective de large unité par le communiste Jean Daudin, fils d’Henri Daudin*. Adhérent aux Jeunesses communistes en février 1934, il suivit les cours de Heidegger à Fribourg lors d’un séjour en Allemagne en 1933-1934, tout en montrant un intérêt pour le marxisme. Il soutint un diplôme d’études supérieures sous le titre « La conception de l’action technique chez Marx et Heidegger ». Il assista à la montée du nazisme et rompit avec Heidegger après l’adhésion de ce dernier au régime hitlérien.
Nommé professeur au collège d’Epernay (Marne) en 1937, Malrieu adhéra au syndicat CGT des professeurs. Membre du Parti communiste depuis janvier 1937 (selon sa biographie remplie en 1945, depuis 1934, selon les listes des membres des comités fédéraux en Haute-Garonne), il fut le secrétaire d’une cellule et membre du comité de la section communiste d’Epernay (Marne) où il avait été nommé professeur au collège à la rentrée de l’année scolaire 1936-1937 et y resta en 1937-1938, préparant l’agrégation de philosophie qu’il obtint en 1938. Il fut nommé professeur au lycée de Colmar (Haut-Rhin) à partir d’octobre 1938 où il fut le secrétaire de la section syndicale du Syndicat du personnel de l’enseignement secondaire. Il effectua son service militaire et resta mobilisé jusque dans l’été 1940, participant à la campagne de France comme lieutenant de réserve. L’Alsace étant devenue allemande, il obtint une mutation pour le lycée de Guéret (Creuse) en zone libre, où il enseigna jusqu’en 1947. Il fut nommé au lycée de Montpellier (Hérault) et y enseigna jusqu’en 1951.
Après avoir soutenu ses thèses en 1952 sous les titres Les émotions et la personnalité de l’enfant pour la thèse principale et Les origines de la conscience du temps : Les attitudes temporelles de l’enfant pour la thèse secondaire, chargé de cours en psychologie à la Faculté des Lettres de Toulouse à partir de 1951, Malrieu fut nommé maître de conférence puis professeur en 1955. Il y enseigna jusqu’en 1980. Il anima notamment l’institut de psychologie de la faculté et créa en son sein un laboratoire « Personnalisation et changements sociaux » rattaché au CNRS où il continua à travailler après sa retraite. Il publia notamment avec son épouse le chapitre sur la socialisation de l’enfant sous le titre « La formation de la personnalité » dans le Traité de psychologie de l’enfant. Il donna aussi aux éditions du Scarabée des Centres d’entraînement aux méthodes d’éducation active, en 1956, un petit ouvrage intitulé La vie affective de l’enfant. Il participa en 1971 à la direction d’un ouvrage avec Lucien Brunelle et Maurice Caveing sous le titre Psychologie et marxisme, dialoguant avec notamment Jean Piaget, Paul Fraisse, René Zazzo et Paul Ricoeur. Enfin dans son dernier ouvrage, en 2003 La construction du sens dans les dires autobiographiques (Ramonville, éditions Érès), il affirmait l’intérêt des autobiographies pour l’analyse du sens donné par les personnes à leurs relations sociales.
Malrieu se maria en août 1938 à Caudéran (Gironde) avec Suzanne Daudin, fille d’Henri Daudin, qui devint professeur. Le couple eut deux enfants.
Pendant la seconde guerre mondiale, Malrieu fit partie du réseau « Libération-Sud » à partir de juin 1941. Contacté par Pierre Kaan, professeur de philosophie au lycée de Montluçon (Allier) il forma un groupe à Guéret dont il fut le dirigeant. Les années 1941 et 1942 furent principalement occupées à la propagande, à la recherche de renseignements et de terrains de parachutages. Fin 1942, après être entré en relation avec Armand Dutreix à Limoges, il est membre de l’équipe dirigeante du groupe Libération en Creuse. En mars 1943, il est également membre du premier cercle dirigeant des Mouvements unis de la Résistance (MUR) ; sous le pseudonyme de « Jean-Claude », il fut responsable des renseignements. Il reprit contact avec le Parti communiste en avril 1944. Remplissant sa « biographie », il précisa les dates de ses adhésions, mais refusa de donner des renseignements sur ses enfants. Au début du mois de juin 1944, après la première libération de Guéret le 7 juin et la reprise de la ville le 9 juin par les forces allemandes, se sentant menacé, il se réfugia avec sa famille, dans un village de la Creuse, Chiroux sur la commune de Saint-Léger-le-Guérétois, ce qui lui permit d’échapper à la rafle du 25 juin 1944 à Guéret, alors qu’il figurait avec son épouse sur les listes de la Milice. Membre du comité local de Libération de Guéret en août 1944, il fut désigné pour faire partie du Comité départemental de Libération en août 1944. Membre de la commission de l’information, il participa à la rédaction de La Creuse libre, organe du CDL et préconisa la formation d’un mouvement unique de la Résistance dans un article en septembre 1944. Lors d’une réunion du CDL, le 1er décembre 1944, il présenta une résolution qui fut votée contre l’indulgence des cours de justice à l’égard des collaborateurs. La Médaille de la Résistance lui fut accordée par décret du 25 avril 1946. Proposé comme responsable régional à l’éducation et aux cadres, il fut délégué pour les États généraux de la renaissance française (10-14 juillet 1945) après avoir présenté, lors de la réunion préparatoire en Creuse, un rapport sur « La défense de la République ». Parallèlement, de la Libération à 1947, il fit partie du bureau de la fédération du Parti communiste français.
A Toulouse, immédiatement intégré dans le comité de la fédération communiste de Haute-Garonne, Malrieu reçut la responsabilité de la commission des intellectuels. Il resta membre du comité fédéral jusqu’à la conférence fédérale de 1961. Déjà pour la conférence fédérale d’avril 1957, la section de montée des cadres se demandait s’il était « bien nécessaire de le reproposer au comité fédéral ». Les mêmes remarques furent faites en juin 1959 après que Malrieu eut, en janvier 1959, demandé lors d’une réunion du comité fédéral qu’une discussion s’engage sur les questions posées par la cellule Sorbonne lettres. Après la réunion du comité fédéral du 22 octobre 1960, Jean Llante*, dans son rapport, indiquait qu’il avait signé l’appel de la Fédération de l’Éducation nationale pour approuver la demande d’organisation d’une table-ronde comme solution à la question algérienne. Malrieu aurait déclaré que cet appel était « une canaillerie, mais il fallait signer pour ne pas se couper des autres » et notamment de l’UNEF. Dans son rapport sur la conférence fédérale des 29-30 avril 1961, Roger Garaudy* expliquait que Malrieu avait approuvé les analyses de Laurent Casanova* et Marcel Servin* et qu’il n’avait pas été proposé pour être réélu au comité fédéral. Par la suite, il se montra discipliné mais contestant la non-publication des textes lors de la condamnation des communistes chinois ou proposant des amendements, toujours repoussés, lors de la préparation de congrès. Pour les élections municipales de Toulouse, il figurait parmi les candidats communistes de la liste d’union de la gauche pour le secteur Nord de la ville.
Veuf, Malrieu se remaria en février 1976 à Toulouse.
Annonçant son décès, l’Humanité, le 4 mars 2005, publia un article fort élogieux, soulignant sa « fidélité », son « engagement communiste actif » et son « esprit critique toujours vif ».
Dans son travail de recherche et son enseignement universitaire, Malrieu soutenait le développement d’une psychologie scientifique, humaniste et plurielle.
Par Jacques Girault
SOURCES : Archives du comité national du PCF. — Notices biographiques non signées du DBMOF et de l’encyclopédie Wikipédia, notice d’Alain Baubio-Broye, dans la Revue française de pédagogie, 2005, N° 151. — Témoignages de l’intéressé et de Françoise Dreyfus utilisés dans la notice du DBMOF — Site internet Creuse Résistance et notes résistance en Creuse, Michel Thébault.