MARCEAU Renée, Charlotte, Marthe alias IVANOVNA Elly, alias Kate, alias Martha SUNSHINE.

Par Jean-Pierre Ravery

Née le 10 août 1913 à Dammarie-les-Lys (Seine-et-Marne), morte à la fin des années 1990 en Russie, étudiante en médecine, communiste, devenue agent des services secrets soviétiques, cardiologue à Moscou.

Ses deux parents étaient d’origine paysanne, du côté paternel des paysans aisés et du côté maternel des cultivateurs pauvres. Sur l’acte de naissance, le père apparaît comme plombier et la mère (Georgette Frété) sans profession. Elle se remaria avec un ouvrier menuisier et vécu à Stains. Son père, Robert Marceau, avait quitté le foyer quand elle était enfant. Renée Marceau put faire des études au lycée Racine de Paris. Elle était déjà militante communiste et même, selon son témoignage, elle était secrétaire des Jeunesses communistes d’un arrondissement parisien. Elle interrompit ses études pour effectuer un stage à l’école d’espionnage des Monts Lénine à Moscou sous le pseudonyme de « Kate » en 1933. À cette époque, les services secrets soviétiques recrutèrent et formèrent des centaines de jeunes femmes censées être moins soupçonnables d’avoir des activités conspiratives. « L’Hirondelle » comme on surnommait l’école était officiellement « la 8e base sportive internationale », en réalité le « Laboratoire de formation radio du Commissariat du peuple à la défense » dirigé par Jakob Mirov-Abramov. 80 stagiaires de différentes nationalités y apprenaient non seulement les techniques de communication clandestines mais aussi le maniement des armes et l’emploi d’explosifs de fortune confectionnés avec des composants disponibles dans n’importe quelle droguerie. Le secret le plus absolu devait être respecté sur les véritables activités de l’école. Renée Marceau s’y lia d’amitié avec une autre militante d’origine allemande, Ursula Kuczynski alias « Sonya », « la plus grande espionne de la Russie soviétique » selon son biographe anglais Ben Macintyre. Dans les mémoires que cette dernière publia en RDA en 1977 sous le nom de Ruth Werner, était évoquée « cette jolie Française très intelligente et sensible » qui était devenue sa camarade de chambre pendant son séjour à l’Hirondelle. Renée Marceau fut d’abord envoyée en Chine où elle opéra avec l’un des responsables du renseignement militaire soviétique, le colonel Iakov Grigorievitch Bronine, qui devint le père de son fils aîné. En 1936, elle fut envoyée en Espagne pour tenter d’éliminer le général Franco. Pour cette mission, elle avait été dotée d’un passeport britannique au nom de Martha Sunshine. L’opération échoua mais René Marceau réussit à s’exfiltrer et à rentrer à Moscou où elle fut décorée de l’Ordre de Lénine. Elle s’établit dans la capitale soviétique et put reprendre ses études pour devenir médecin cardiologue. Annette Melot qui fit sa connaissance en 1992 la décrit comme « une petite femme fluette, discrète, très simplement vêtue, aux cheveux teints en noir, retenus dans le cou par une barrette [...] Très critique à l’égard de la période soviétique, elle n’avait pourtant rien perdu des convictions qui avaient enflammé sa jeunesse. » Elle voulait lui faire de confidences : « elle le voulait vraiment, elle en a fait très peu. Les tentatives échouaient presque toujours de la même manière, dans un geste las de la main, accompagné d’un grand soupir : ’Tout cela c’est du passé’ » Le mot « secret » revenait souvent dans son discours : « et toujours sous forme de déni. Pour Renée, il n’y avait pas de secret, non. Parfois aussi elle se mettait à chuchoter, elle en riait elle-même d’ailleurs, mais la peur qui s’était installée dans son corps lui interdisait de prononcer certains noms à voix haute. »
Elle avait obtenu sa réintégration dans la nationalité française le 20 mars 1992, peu après la disparition de l’URSS, lorsque les citoyens ex-soviétiques furent invités à choisir entre leur nationalité d’origine ou une nationalité d’adoption. L’acte de naissance ne comporte pas de mention marginale de décès. Elle serait morte vers la fin des années quatre-vingt dix, probablement en Russie. Renée Marceau a laissé des souvenirs rédigés en russe. Son fils aîné, Samuel Bornine, médecin psychiatre dans un hôpital de Moscou et écrivain, en a tiré un manuscrit non publié à ce jour.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article119979, notice MARCEAU Renée, Charlotte, Marthe alias IVANOVNA Elly, alias Kate, alias Martha SUNSHINE. par Jean-Pierre Ravery, version mise en ligne le 30 novembre 2010, dernière modification le 31 mars 2021.

Par Jean-Pierre Ravery

SOURCES : Renée Marceau est surtout conne par des souvenirs qu’elle a laissés, en russe, et par le manuscrit écrit à partir des mémoires et d’autres documents par son fils aîné, Samuel Bronine, médecin psychiatre dans un hôpital de Moscou et écrivain. Quelques pages du manuscrit de Samuel Bronine, fournis par Annette Melot et Claude Fossé-Poliak. — Ben Macintyre, Agent Sonya, la plus grande espionne de la Russie soviétique, éd. de Fallois, 2020. — AN Fontainebleau, fichier de la Sûreté nationale, 1936. — État-civil de Dammarie-les-Lys ; — Ruth Werner, (alias Ursula Kuczynski), Sonjas Rapport, Verlag Neues Leben, 2006 (1ère édition en 1977).

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