Par Antoine Olivesi
Né le 9 mars 1890 à Sant’Andrea-di-Cotone (Corse) près de Cervione, mort le 27 septembre 1977 à Vescovato (Corse) ; instituteur, puis professeur ; militant socialiste ; secrétaire de la fédération de Corse des Partis socialistes autonome puis unifié (1959-1968).
Fils d’un petit cultivateur qui vivait également de la vente des fruits et légumes, d’opinions républicaines se classant, comme la majorité des habitants du village, parmi les libéraux, Toussaint Marchioni était l’aîné de cinq enfants. Il fut remarqué par l’instituteur de son village, qui incita ses parents à lui faire poursuivre ses études après le certificat d’études primaires. Il obtint le brevet élémentaire en 1907, puis le brevet supérieur, et exerça les fonctions d’instituteur public jusqu’en 1920, successivement à Ghisonaccia (1909-1911), Felce d’Alesani (1911-1913) et San-Nicolao-di-Moriani (1913-1918). Dès l’âge de quinze ans, il avait adhéré aux Jeunesses socialistes de Bastia, sous l’influence d’un camarade plus âgé, Xavier Muglioni (père de Jacques Muglioni) et dans le courant de l’unité socialiste. Il milita ensuite à l’extrême-gauche du Parti (tendance hervéiste) et participa à des réunions antimilitaristes et anticléricales.
Il ne fut pas mobilisé pendant la Première Guerre mondiale pour des raisons de santé. Pendant le conflit, ses positions furent celles de la Fédération socialiste de Corse, dans sa majorité favorable au programme de Zimmerwald et de Kienthal. Détaché en 1918-1919 comme directeur de l’école régionale de Grand Bassam (Côte d’Ivoire), il retrouva un poste à Casamozza en 1919-1920. Il réussit en 1920 au concours du certificat d’aptitude au professorat des classes élémentaires des lycées et enseigna jusqu’en 1929 en classe de 7e au lycée de Bastia.
Après un séjour d’un an en Côte-d’Ivoire, puis un poste à Casamozza, il réussit en 1920 au concours du certificat d’aptitude à l’enseignement dans les classes élémentaires des lycées et enseigna jusqu’en 1929 en classe de 7e au lycée de Bastia.
Il épousa Anna Ciavaldini, une Corse, née à Toulon (Var), institutrice en Corse, devenue professeur des classes élémentaires de lycée. Ils eurent trois enfants.
En 1920, il fit partie de la délégation de Corse au congrès de Tours et vota, avec la majorité, la motion Cachin-Frossard (75 % environ des mandats). Membre quelque temps du Parti communiste, il revint au Parti socialiste SFIO qu’il réorganisa complètement dans l’île au congrès fédéral de Corte. Il fonda lui-même plusieurs sections socialistes, notamment à Vescovato, Loreto-di-Casinca et dans le canton de Cervione. Pierre Simi a évoqué "ses pénibles tournées à bicyclette dans les villages, avec son inséparable collègue, Paul Azema, sans que jamais le moindre succès électoral ne vint récompenser leurs efforts." Il fut également secrétaire de la Ligue des droits de l’Homme à Bastia, trésorier de l’Union locale des syndicats CGT, membre du SNI, puis du syndicat des professeurs de lycée, et fonda un journal syndical, le Réveil de la Corse où il écrivit des articles signés "Pline II".
En octobre 1929, Toussaint Marchioni fut nommé professeur au lycée Buffon à Paris où il exerça jusqu’à sa retraite en 1950. Il s’inscrivit à la sous-section de Necker dans le XVe arrondissement, considérée alors comme une des plus à gauche de la Fédération de la Seine et en devint le secrétaire. En tant que délégué de la Corse, il participa à de nombreux congrès et intervint, en particulier, contre Déat, Marquet et Renaudel, au congrès de mai 1931 (Tours), en 1932 (Paris) et en juillet 1933 (Paris) également, où il fit une intervention très remarquée sur la motion Renaudel. Il demanda de voter un blâme au groupe parlementaire SFIO. Il proposa aussi "à titre indicatif", quelques exclusions, "trois ou quatre, sans aucune animosité contre les personnes". A l’époque du Front populaire, il appartint à la tendance Gauche révolutionnaire et suivit Marceau Pivert lorsque la Fédération de la Seine fut dissoute en 1938 par Paul Faure. Il indiqua, dans sa fiche de membre du Parti socialiste unifié en 1966, avoir adhéré au Parti socialiste SFIO en janvier 1939, sans doute s’agissait-il d’une réadhésion. Au cours de cette décennie, il garda un contact étroit avec la Corse et fonda en 1932 une Association des Corses socialistes de Paris, dont il fut le président, en même temps qu’un journal, la Corse socialiste, organe hebdomadaire, puis mensuel, de la Fédération socialiste de Corse, dont le siège était à Ajaccio, mais qui était imprimé à Paris par des réfugiés italiens antifascistes. Ce journal porta également par la suite le sous-titre d’organe des Corses socialistes du continent et des colonies. Il parut jusqu’en 1938 ou 1939, mais tirait seulement à 300 ou 400 exemplaires, vivant surtout grâce aux abonnements. Marchioni s’attacha surtout à lutter contre les clans qu’il rendait responsables du sous-développement de la Corse.
Marchioni, qui participait aux activités de la Société botanique de France, devint membre de son conseil d’administration en 1931 et vice-président de la section de Corse dans les années 1930. Son amour pour son île natale s’exprima dans un tout autre domaine sous la forme d’études scientifiques de la flore corse réalisées entre 1920 et 1930, puis plus tard, durant sa retraite. Il publia des articles sur la flore de Corse dans le bulletin de la Société.
Pendant la Seconde Guerre mondiale, Marchioni fit partie, avec d’autres Corses, d’un groupe de l’Armée secrète de septembre 1943 à 1944 ; après la Libération de Paris, à laquelle il participa, il créa une Association des Corses de la métropole et des territoires d’outre-mer à vocation philanthropique dont l’organe fut le Réveil corse, imprimé à Paris, journal qui tirait à environ 1 000 exemplaires et qui parut jusqu’en 1949 ou 1950. Cette association qui regroupait toutes les tendances de la gauche parmi les Corses de Paris connut des dissensions entre socialistes et communistes à partir de 1947, et ne survécut pas aux ruptures politiques de l’époque.
_A sa retraite, Marchioni revint à Bastia. Marchioni a été candidat aux élections cantonales dans le canton de Vescovato en avril 1958. Secrétaire adjoint de la fédération SFIO en 1957, il quitta, l’année suivante, le Parti socialiste SFIO pour le Parti socialiste autonome (PSA) et fut secrétaire de la fédération du PSA en janvier 1959, puis secrétaire de la fédération du PSU de Corse de juin 1960 à 1968 au moins et secrétaire de la section de Bastia. Il assista régulièrement aux congrès nationaux du nouveau parti. Sa longue activité politique fut marquée par deux constantes : priorité de l’action militante sur l’électoralisme et position idéologique à l’extrême-gauche du socialisme (hervéisme, pivertisme, PSU).
Son épouse Anna, née le 3 février 1896, professeur de lycée, était aussi membre du PSU en 1960. Avec son mari, elle était membre du Syndicat national de l’enseignement secondaire.
Par Antoine Olivesi
SOURCES : Arch. Nat., F/1cII/319, F17/25382, 581AP/99, 104, 128/433. — Arch. OURS, fonds PS-SFIO I0-1-20. — La Corse socialiste, juin 1932, octobre-décembre 1936. — Le Provençal et Nice-Matin, éditions de Corse, 28 septembre 1977. — Le Populaire, juillet 1933. — Le Petit Provençal, juillet 1933. — Nécrologie par P. Simi dans le Bulletin de la société des sciences historiques et naturelles de la Corse, 1er trimestre 1978, p. 7 à 12. — Le Mémorial des Corses, op. cit., t. 4, p. 212. — Comptes rendus des congrès nationaux du Parti socialiste SFIO. — Réponses de l’intéressé à un questionnaire et renseignements fournis par sa famille. — Bulletin Intérieur de la SFIO, n° 97. — Tribune socialiste, 18 juin 1960, 1er juillet 1960, 11 janvier 1968. — Archives A. Seurat. — Fichiers des adhérents du PSU. — DBMOF, notice d’A. Olivesi. — Notes de Jacques Girault et de Gilles Morin. Sources familiales.